Les aventures complètes d'Arsène Lupin. Морис Леблан

Les aventures complètes d'Arsène Lupin - Морис Леблан


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il ajouta, de la même voix anxieuse :

      – Il ramènera ma fille, n’est-ce pas ?

      – Je l’espère.

      – Cependant… vous l’avez vu ?

      – Moi ? Mais non ! Il m’a simplement demandé par lettre de vous recevoir tous deux, de congédier mes domestiques avant trois heures, et de n’admettre personne dans mon appartement entre votre arrivée et son départ. Si je ne consentais pas à cette proposition, il me priait de l’en prévenir par deux lignes à l’Écho de France. Mais je suis trop heureux de rendre service à Arsène Lupin et je consens à tout.

      M. Gerbois gémit :

      – Hélas ! Comment tout cela finira-t-il ?

      Il tira de sa poche les billets de banque, les étala sur la table et en fit deux paquets de même nombre. Puis ils se turent. De temps à autre M. Gerbois prêtait l’oreille… n’avait-on pas sonné ?

      Avec les minutes son angoisse augmentait, et Maître Detinan aussi éprouvait une impression presque douloureuse.

      Un moment même l’avocat perdit tout sang-froid. Il se leva brusquement :

      – Nous ne le verrons pas… Comment voulezvous ?… Ce serait de la folie de sa part ! Qu’il ait confiance en nous, soit, nous sommes d’honnêtes gens incapables de le trahir. Mais le danger n’est pas seulement ici.

      Et M. Gerbois, écrasé, les deux mains sur les billets, balbutiait :

      – Qu’il vienne, mon Dieu, qu’il vienne ! Je donnerais tout cela pour retrouver Suzanne.

      La porte s’ouvrit.

      – La moitié suffira, Monsieur Gerbois.

      Quelqu’un se tenait sur le seuil, un homme jeune, élégamment vêtu, en qui M. Gerbois reconnut aussitôt l’individu qui l’avait abordé près de la boutique de bric-à-brac, à Versailles. Il bondit vers lui.

      – Et Suzanne ? Où est ma fille ?

      Arsène Lupin ferma la porte soigneusement et, tout en défaisant ses gants du geste le plus paisible, il dit à l’avocat :

      – Mon cher Maître, je ne saurais trop vous remercier de la bonne grâce avec laquelle vous avez consenti à défendre mes droits. Je ne l’oublierai pas.

      Maître Detinan murmura :

      – Mais vous n’avez pas sonné… je n’ai pas entendu la porte…

      – Les sonnettes et les portes sont des choses qui doivent fonctionner sans qu’on les entende jamais. Me voilà tout de même, c’est l’essentiel.

      – Ma fille ! Suzanne ! Qu’en avez-vous fait ? répéta le professeur.

      – Mon Dieu, Monsieur, dit Lupin, que vous êtes pressé. Allons, rassurez-vous, encore un instant et Mademoiselle votre fille sera dans vos bras.

      Il se promena, puis du ton d’un grand seigneur qui distribue des éloges :

      – Monsieur Gerbois, je vous félicite de l’habileté avec laquelle vous avez agi tout à l’heure. Si l’automobile n’avait pas eu cette panne absurde, on se retrouvait tout simplement à l’Étoile, et l’on épargnait à Maître Detinan l’ennui de cette visite… enfin ! c’était écrit…

      Il aperçut les deux liasses de bank-notes et s’écria :

      – Ah parfait ! Le million est là… nous ne perdrons pas de temps. Vous permettez ?

      – Mais, objecta Maître Detinan, en se plaçant devant la table, Mlle Gerbois n’est pas encore arrivée.

      – Eh bien ?

      – Eh bien, sa présence n’est-elle pas indispensable ?

      – Je comprends ! Je comprends ! Arsène Lupin n’inspire qu’une confiance relative. Il empoche le demi-million et ne rend pas l’otage. Ah, mon cher Maître, je suis un grand méconnu ! Parce que le destin m’a conduit à des actes de nature un peu… spéciale, on suspecte ma bonne foi… à moi ! Moi qui suis l’homme du scrupule et de la délicatesse ! D’ailleurs, mon cher Maître, si vous avez peur, ouvrez votre fenêtre et appelez. Il y a bien une douzaine d’agents dans la rue.

      – Vous croyez ?

      Arsène Lupin souleva le rideau.

      – Je crois M. Gerbois incapable de dépister Ganimard… que vous disais-je ? Le voici, ce brave ami !

      – Est-ce possible ! s’écria le professeur. Je vous jure cependant…

      – Que vous ne m’avez point trahi ?… Je n’en doute pas, mais les gaillards sont habiles. Tenez, Folenfant que j’aperçois !… Et Gréaume !… Et Dieuzy ! … Tous mes bons camarades, quoi !

      Maître Detinan le regardait avec surprise. Quelle tranquillité ! Il riait d’un rire heureux, comme s’il se divertissait à quelque jeu d’enfant et qu’aucun péril ne l’eût menacé.

      Plus encore que la vue des agents, cette insouciance rassura l’avocat. Il s’éloigna de la table où se trouvaient les billets de banque.

      Arsène Lupin saisit l’une après l’autre les deux liasses, allégea chacune d’elles de vingt-cinq billets, et tendant à Maître Detinan les cinquante billets ainsi obtenus :

      – La part d’honoraires de M. Gerbois, mon cher maître, et celle d’Arsène Lupin. Nous vous devons bien cela.

      – Vous ne me devez rien, répliqua Maître Detinan.

      – Comment ? Et tout le mal que nous vous causons !

      – Et tout le plaisir que je prends à me donner ce mal !

      – C’est-à-dire, mon cher Maître, que vous ne voulez rien accepter d’Arsène Lupin. Voilà ce que c’est, soupira-t-il, d’avoir une mauvaise réputation.

      Il tendit les cinquante mille francs au professeur.

      – Monsieur, en souvenir de notre bonne rencontre, permettez-moi de vous remettre ceci : ce sera mon cadeau de noces à Mlle Gerbois.

      M. Gerbois prit vivement les billets, mais protesta :

      – Ma fille ne se marie pas.

      – Elle ne se marie pas si vous lui refusez votre consentement. Mais elle brûle de se marier.

      – Qu’en savez-vous ?

      – Je sais que les jeunes filles font souvent des rêves sans l’autorisation de leurs papas. Heureusement qu’il y a de bons génies qui s’appellent Arsène Lupin, et qui dans le fond des secrétaires découvrent le secret de ces âmes charmantes.

      – Vous n’y avez pas découvert autre chose ? demanda Maître Detinan. J’avoue que je serais fort curieux de savoir pourquoi ce meuble fut l’objet de vos soins.

      – Raison historique, mon cher maître. Bien que, contrairement à l’avis de M. Gerbois, il ne contînt aucun autre trésor que le billet de loterie – et cela je l’ignorais – j’y tenais et je le recherchais depuis longtemps. Ce secrétaire, en bois d’if et d’acajou, décoré de chapiteaux à feuilles d’acanthe, fut retrouvé dans la petite maison discrète qu’habitait à Boulogne Marie Walewska, et il porte sur l’un des tiroirs l’inscription :

      « Dédié à Napoléon 1er, Empereur des Français, par son très fidèle serviteur, Mancion ». Et, en dessous, ces mots, gravés à la pointe d’un couteau : « À toi, Marie ». Par la suite, Napoléon le fit recopier pour l’impératrice Joséphine – de sorte que le secrétaire qu’on admirait à la Malmaison n’était qu’une copie imparfaite de celui qui désormais fait partie de mes collections.

      Le professeur gémit :

      – Hélas ! Si j’avais su, chez le marchand,


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