Les aventures complètes d'Arsène Lupin. Морис Леблан

Les aventures complètes d'Arsène Lupin - Морис Леблан


Скачать книгу
pas le billet 514 – série 23, l’affaire de la rue Clapeyron, la Dame blonde et Arsène Lupin ?

      – Eh ! Eh ! ricana le vieil inspecteur, je n’affirmerais pas que Lupin n’est pour rien dans l’affaire qui nous occupe… mais laissons de côté, jusqu’à nouvel ordre, l’histoire du billet de loterie, et voyons de quoi il s’agit.

      Ganimard n’est pas un de ces policiers de grande envergure dont les procédés font école et dont le nom restera dans les annales judiciaires. Il lui manque ces éclairs de génie qui illuminent les Dupin, les Lecoq et les Sherlock Holmes. Mais il a d’excellentes qualités moyennes, de l’observation, de la sagacité, de la persévérance, et même de l’intuition. Son mérite est de travailler avec l’indépendance la plus absolue. Rien, si ce n’est peut-être l’espèce de fascination qu’Arsène Lupin exerce sur lui, rien ne le trouble ni ne l’influence.

      Quoi qu’il en soit, son rôle, en cette matinée, ne manqua pas d’éclat et sa collaboration fut de celles qu’un juge peut apprécier.

      – Tout d’abord, commença-t-il, je demanderai au sieur Charles de bien préciser ce point : tous les objets qu’il a vus, la première fois, renversés ou dérangés, étaient-ils, à son second passage, exactement à leur place habituelle ?

      – Exactement.

      – Il est donc évident qu’ils n’ont pu être remis à leur place que par une personne pour qui la place de chacun de ces objets était familière.

      La remarque frappa les assistants. Ganimard reprit :

      – Une autre question, Monsieur Charles… vous avez été réveillé par une sonnerie… selon vous, qui vous appelait ?

      – M. le Baron, parbleu.

      – Soit, mais à quel moment aurait-il sonné ?

      – Après la lutte… au moment de mourir.

      – Impossible, puisque vous l’avez trouvé gisant, inanimé, à un endroit distant de plus de quatre mètres du bouton d’appel.

      – Alors, il a sonné pendant la lutte.

      – Impossible, puisque la sonnerie, avez-vous dit, fut régulière, ininterrompue, et dura sept ou huit secondes. Croyez-vous que son agresseur lui eût donné le loisir de sonner ainsi ?

      – Alors, c’était avant, au moment d’être attaqué.

      – Impossible, vous nous avez dit qu’entre le signal de la sonnerie et l’instant où vous avez pénétré dans la chambre, il s’est écoulé tout au plus trois minutes. Si donc le Baron avait sonné avant, il aurait fallu que la lutte, l’assassinat, l’agonie et la fuite, se soient déroulés en ce court espace de trois minutes. Je le répète, c’est impossible.

      – Pourtant, dit le juge d’instruction, quelqu’un a sonné. Si ce n’est pas le Baron, qui est-ce ?

      – Le meurtrier.

      – Dans quel but ?

      – J’ignore son but. Mais tout au moins le fait qu’il a sonné nous prouve-t-il qu’il devait savoir que la sonnerie communiquait avec la chambre d’un domestique. Or, qui pouvait connaître ce détail, sinon une personne de la maison même ?

      Le cercle des suppositions se restreignait. En quelques phrases rapides, nettes, logiques, Ganimard plaçait la question sur son véritable terrain, et la pensée du vieil inspecteur apparaissant clairement, il sembla tout naturel que le juge d’instruction conclût :

      – Bref, en deux mots, vous soupçonnez Antoinette Bréhat.

      – Je ne la soupçonne pas, je l’accuse.

      – Vous l’accusez d’être la complice ?

      – Je l’accuse d’avoir tué le général Baron d’Hautrec.

      – Allons donc ! Et quelle preuve ?…

      – Cette poignée de cheveux que j’ai découverte dans la main droite de la victime, dans sa chair même où la pointe de ses ongles l’avait enfoncée.

      Il les montra, ces cheveux ; ils étaient d’un blond éclatant, lumineux comme des fils d’or, et Charles murmura :

      – Ce sont bien les cheveux de Mlle Antoinette. Pas moyen de s’y tromper.

      Et il ajouta :

      – Et puis… il y a autre chose… je crois bien que le couteau… celui que je n’ai pas revu la seconde fois… lui appartenait… elle s’en servait pour couper les pages des livres.

      Le silence fut long et pénible, comme si le crime prenait plus d’horreur d’avoir été commis par une femme. Le juge d’instruction discuta.

      – Admettons jusqu’à plus ample informé que le Baron ait été tué par Antoinette Bréhat. Il faudrait encore expliquer quel chemin elle a pu suivre pour sortir après le crime, pour rentrer après le départ du sieur Charles, et pour sortir de nouveau avant l’arrivée du commissaire. Vous avez une opinion là-dessus, Monsieur Ganimard ?

      – Aucune.

      – Alors ?

      Ganimard eut l’air embarrassé. Enfin il prononça, non sans un effort visible :

      – Tout ce que je puis dire, c’est que je retrouve ici le même procédé que dans l’affaire du billet 514 – 23, le même phénomène que l’on pourrait appeler la faculté de disparition. Antoinette Bréhat apparaît et disparaît dans cet hôtel, aussi mystérieusement qu’Arsène Lupin pénétra chez Maître Detinan et s’en échappa en compagnie de la Dame blonde.

      – Ce qui signifie ?

      – Ce qui signifie que je ne peux m’empêcher de penser à ces deux coïncidences, tout au moins bizarres : Antoinette Bréhat fut engagée par la sœur Auguste, il y a douze jours, c’est-à-dire le lendemain du jour où la Dame blonde me filait entre les doigts. En second lieu, les cheveux de la Dame blonde ont précisément cette couleur violente, cet éclat métallique à reflets d’or, que nous retrouvons dans ceux-ci.

      – De sorte que, suivant vous, Antoinette Bréhat…

      – N’est autre que la Dame blonde.

      – Et que Lupin, par conséquent, a machiné les deux affaires ?

      – Je le crois.

      Il y eut un éclat de rire. C’était le chef de la Sûreté qui se divertissait.

      – Lupin ! Toujours Lupin ! Lupin est dans tout, Lupin est partout !

      – Il est où il est, scanda Ganimard, vexé.

      – Encore faut-il qu’il ait des raisons pour être quelque part, observa M. Dudouis, et, en l’espèce, les raisons me semblent obscures. Le secrétaire n’a pas été fracturé, ni le portefeuille volé. Il reste même de l’or sur la table.

      – Oui, s’écria Ganimard, mais le fameux diamant ?

      – Quel diamant ?

      – Le diamant bleu ! Le célèbre diamant qui faisait partie de la couronne royale de France et qui fut donné par le Duc d’A… à Léonide L…, et, à la mort de Léonide L…, racheté par le Baron d’Hautrec en mémoire de la brillante comédienne qu’il avait passionnément aimée. C’est un de ces souvenirs qu’un vieux Parisien comme moi n’oublie point.

      – Il est évident, dit le juge d’instruction, que, si le diamant bleu ne se retrouve pas, tout s’explique… mais où chercher ?

      – Au doigt même de M. le Baron, répondit Charles. Le diamant bleu ne quittait pas sa main gauche.

      – J’ai vu cette main, affirma Ganimard en s’approchant de la victime, et comme vous pouvez vous en assurer, il n’y a qu’un simple anneau d’or.

      – Regardez


Скачать книгу