Les aventures complètes d'Arsène Lupin. Морис Леблан

Les aventures complètes d'Arsène Lupin - Морис Леблан


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      Ils marchèrent beaucoup. Ils visitèrent les deux immeubles qui encadrent l’hôtel de l’avenue Henri-Martin, puis s’en allèrent jusqu’à la rue Clapeyron, et tandis qu’il examinait la façade du numéro 25, Sholmès continuait :

      – Il est évident qu’il existe des passages secrets entre toutes ces maisons… mais ce que je ne saisis pas…

      Au fond de lui, et pour la première fois, Wilson douta de la toute-puissance de son génial collaborateur. Pourquoi parlait-il tant et agissait-il si peu ?

      – Pourquoi ? s’écria Sholmès, répondant aux pensées intimes de Wilson, parce que, avec ce diable de Lupin, on travaille dans le vide, au hasard, et qu’au lieu d’extraire la vérité de faits précis, on doit la tirer de son propre cerveau, pour vérifier ensuite si elle s’adapte bien aux événements.

      – Les passages secrets pourtant ?

      – Et puis quoi ! Quand bien même je les connaîtrais, quand je connaîtrais celui qui a permis à Lupin d’entrer chez son avocat, ou celui qu’a suivi la Dame blonde après le meurtre du Baron d’Hautrec, en serais-je plus avancé ? Cela me donnerait-il des armes pour l’attaquer ?

      – Attaquons toujours, s’exclama Wilson.

      Il n’avait pas achevé ces mots qu’il recula, avec un cri. Quelque chose venait de tomber à leurs pieds, un sac à moitié rempli de sable, qui eût pu les blesser grièvement.

      Sholmès leva la tête au-dessus d’eux, des ouvriers travaillaient sur un échafaudage accroché au balcon du cinquième étage.

      – Eh bien ! Nous avons de la chance, s’écria-t-il, un pas de plus et nous recevions sur le crâne le sac d’un de ces maladroits. On croirait vraiment…

      Il s’interrompit, puis bondit vers la maison, escalada les cinq étages, sonna, fit irruption dans l’appartement, au grand effroi du valet de chambre, et passa sur le balcon. Il n’y avait personne.

      – Les ouvriers qui étaient là ?… dit-il au valet de chambre.

      – Ils viennent de s’en aller.

      – Par où ?

      – Mais par l’escalier de service.

      Sholmès se pencha. Il vit deux hommes qui sortaient de la maison, leurs bicyclettes à la main. Ils se mirent en selle et disparurent.

      – Il y a longtemps qu’ils travaillent sur cet échafaudage ?

      – Ceux-là ? depuis ce matin seulement. C’étaient des nouveaux.

      Sholmès rejoignit Wilson.

      Ils rentrèrent mélancoliquement et cette seconde journée se termina dans un mutisme morne.

      Le lendemain, programme identique. Ils s’assirent sur le même banc de l’avenue Henri-Martin, et ce fut, au grand désespoir de Wilson qui ne s’amusait nullement, une interminable station vis-à-vis des trois immeubles.

      – Qu’espérez-vous, Sholmès ? Que Lupin sorte de ces maisons ?

      – Non.

      – Que la Dame blonde apparaisse ?

      – Non.

      – Alors ?

      – Alors j’espère qu’un petit fait se produira, un tout petit fait quelconque, qui me servira de point de départ.

      – Et s’il ne se produit pas ?

      – En ce cas, il se produira quelque chose en moi, une étincelle qui mettra le feu aux poudres.

      Un seul incident rompit la monotonie de cette matinée, mais de façon plutôt désagréable.

      Le cheval d’un Monsieur, qui suivait l’allée cavalière située entre les deux chaussées de l’avenue, fit un écart et vint heurter le banc où ils étaient assis, en sorte que sa croupe effleura l’épaule de Sholmès.

      – Eh ! Eh ! ricana celui-ci, un peu plus j’avais l’épaule fracassée !

      Le Monsieur se débattait avec son cheval. L’Anglais tira son revolver et visa. Mais Wilson lui saisit le bras vivement.

      – Vous êtes fou, Herlock ! Voyons… quoi … vous allez tuer ce gentleman !

      – Lâchez-moi donc, Wilson… lâchez-moi.

      Une lutte s’engagea, pendant laquelle le Monsieur maîtrisa sa monture et piqua des deux.

      – Et maintenant tirez dessus, s’exclama Wilson, triomphant, lorsque le cavalier fut à quelque distance.

      – Mais, triple imbécile, vous ne comprenez donc pas que c’était un complice d’Arsène Lupin ?

      Sholmès tremblait de colère. Wilson, piteux, balbutia :

      – Que dites-vous ? Ce gentleman ?…

      – Complice de Lupin, comme les ouvriers qui nous ont lancé le sac sur la tête.

      – Est-ce croyable ?

      – Croyable ou non, il y avait là un moyen d’acquérir une preuve.

      – En tuant ce gentleman ?

      – En abattant son cheval, tout simplement. Sans vous, je tenais un des complices de Lupin. Comprenez-vous votre sottise ?

      L’après-midi fut morose. Ils ne s’adressèrent pas la parole. À cinq heures, comme ils faisaient les cent pas dans la rue de Clapeyron, tout en ayant soin de se tenir éloignés des maisons, trois jeunes ouvriers qui chantaient et se tenaient par le bras les heurtèrent et voulurent continuer leur chemin sans se désunir. Sholmès, qui était de mauvaise humeur, s’y opposa. Il y eut une courte bousculade. Sholmès se mit en posture de boxeur, lança un coup de poing dans une poitrine, un coup de poing sur un visage et démolit deux des trois jeunes gens qui, sans insister davantage, s’éloignèrent ainsi que leur compagnon.

      – Ah ! s’écria-t-il, ça me fait du bien… J’avais justement les nerfs tendus… excellente besogne…

      Mais, apercevant Wilson appuyé contre le mur, il lui dit :

      – Eh quoi ! qu’y a-t-il, vieux camarade, vous êtes tout pâle.

      Le vieux camarade montra son bras qui pendait inerte, et balbutia :

      – Je ne sais pas ce que j’ai… une douleur au bras.

      – Une douleur au bras ? Sérieuse ?

      – Oui… oui… le bras droit…

      Malgré tous ses efforts il ne parvenait pas à le remuer. Herlock le palpa, doucement d’abord, puis de façon plus rude, « pour voir, dit-il, le degré exact de la douleur ». Le degré exact de la douleur fut si élevé que, très inquiet, il entra dans une pharmacie voisine où Wilson éprouva le besoin de s’évanouir.

      Le pharmacien et ses aides s’empressèrent. On constata que le bras était cassé, et tout de suite il fut question de chirurgien, d’opération et de maison de santé. En attendant, on déshabilla le patient qui, secoué par la souffrance, se mit à pousser des hurlements.

      – Bien… bien… parfait, disait Sholmès qui s’était chargé de tenir le bras… un peu de patience, mon vieux camarade… dans cinq ou six semaines, il n’y paraîtra plus… Mais ils me le paieront, les gredins vous entendez.., lui surtout… car c’est encore ce Lupin de malheur qui a fait le coup… ah ! je vous jure que si jamais…

      Il s’interrompit brusquement, lâcha le bras, ce qui causa à Wilson un tel sursaut de douleur que l’infortuné s’évanouit de nouveau.., et, se frappant le front, il articula :

      – Wilson, j’ai une idée… est-ce que par hasard ?…

      Il ne bougeait pas, les yeux fixes, et marmottait de petits bouts de phrase.

      –


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