Les aventures complètes d'Arsène Lupin. Морис Леблан

Les aventures complètes d'Arsène Lupin - Морис Леблан


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Une faveur rose ? Oh ! Ganimard, ne dénouez pas, pour l’amour du ciel !

      – C’est d’une femme ?

      – Oui.

      – Une femme du monde ?

      – Du meilleur.

      – Son nom ?

      – Mme Ganimard.

      – Très drôle ! Très drôle ! s’écria l’inspecteur d’un ton pincé.

      À ce moment, les hommes envoyés dans les autres pièces annoncèrent que les perquisitions n’avaient abouti à aucun résultat. Lupin se mit à rire.

      – Parbleu est-ce que vous espériez découvrir la liste de mes camarades, ou la preuve de mes relations avec l’empereur d’Allemagne ? Ce qu’il faudrait chercher, Ganimard, ce sont les petits mystères de cet appartement. Ainsi ce tuyau de gaz est un tuyau acoustique. Cette cheminée contient un escalier. Cette muraille est creuse. Et l’enchevêtrement des sonneries ! Tenez, Ganimard, pressez ce bouton…

      Ganimard obéit.

      – Vous n’entendez rien ? interrogea Lupin.

      – Non.

      – Moi non plus. Pourtant vous avez averti le commandant de mon parc aérostatique de préparer le ballon dirigeable qui va nous enlever bientôt dans les airs.

      – Allons, dit Ganimard, qui avait terminé son inspection, assez de bêtises, et en route !

      Il fit quelques pas, les hommes le suivirent.

      Lupin ne bougea point d’une semelle.

      Ses gardiens le poussèrent. En vain.

      – Eh bien, dit Ganimard, vous refusez de marcher ?

      – Pas du tout.

      – En ce cas…

      – Mais ça dépend.

      – De quoi ?

      – De l’endroit où vous me conduirez.

      – Au Dépôt, parbleu.

      – Alors je ne marche pas. Je n’ai rien à faire au Dépôt.

      – Mais vous êtes fou ?

      – N’ai-je pas eu l’honneur de vous prévenir que j’avais un rendez-vous urgent ?

      – Lupin !

      – Comment, Ganimard, la Dame blonde attend ma visite, et vous me supposez assez grossier pour la laisser dans l’inquiétude ? Ce serait indigne d’un galant homme.

      – Écoutez, Lupin, dit l’inspecteur que ce persiflage commençait à irriter, j’ai eu pour vous jusqu’ici des prévenances excessives. Mais il y a des limites. Suivez-moi.

      – Impossible. J’ai un rendez-vous, je serai à ce rendez-vous.

      – Une dernière fois ?

      – Im-pos-sible.

      Ganimard fit un signe. Deux hommes enlevèrent Lupin sous les bras. Mais ils le lâchèrent aussitôt avec un gémissement de douleur : de ses deux mains Arsène Lupin enfonçait dans la chair deux longues aiguilles.

      Fous de rage, les autres se précipitèrent, leur haine enfin déchaînée, brûlant de venger leurs camarades et de se venger eux-mêmes de tant d’affronts, et ils frappèrent, et ils cognèrent à l’envi. Un coup plus violent l’atteignit à la tempe. Il tomba.

      – Si vous l’abîmez, gronda Ganimard, furieux, vous aurez affaire à moi.

      Il se pencha, prêt à le soigner. Mais, ayant constaté qu’il respirait librement, il ordonna qu’on le prît par les pieds et par la tête, tandis que lui-même le soutiendrait par les reins.

      – Allez doucement surtout… pas de secousses… ah les brutes, ils me l’auraient tué. Eh ! Lupin, comment ça va ?

      Lupin ouvrait les yeux. Il balbutia :

      – Pas chic, Ganimard… vous m’avez laissé démolir.

      – C’est de votre faute, nom d’un chien… avec votre entêtement répondit Ganimard, désolé… mais vous ne souffrez pas ?

      On arrivait au palier. Lupin gémit :

      – Ganimard… l’ascenseur… ils vont me casser les os…

      – Bonne idée, excellente idée, approuva Ganimard. D’ailleurs l’escalier est si étroit… il n’y aurait pas moyen…

      Il fit monter l’ascenseur. On installa Lupin sur le siège avec toutes sortes de précautions. Ganimard prit place auprès de lui et dit à ses hommes :

      – Descendez en même temps que nous. Vous m’attendrez devant la loge du concierge. C’est convenu ?

      Il tira la porte. Mais elle n’était pas fermée que des cris jaillirent. D’un bond, l’ascenseur s’était élevé comme un ballon dont on a coupé le câble. Un éclat de rire retentit, sardonique.

      – Nom de D…, hurla Ganimard, cherchant frénétiquement dans l’ombre le bouton de descente.

      Et comme il ne trouvait pas, il cria :

      – Le cinquième ! Gardez la porte du cinquième.

      Quatre à quatre les agents grimpèrent l’escalier. Mais il se produisit ce fait étrange : l’ascenseur sembla crever le plafond du dernier étage, disparut aux yeux des agents, émergea soudain à l’étage supérieur, celui des domestiques, et s’arrêta. Trois hommes guettaient qui ouvrirent la porte. Deux d’entre eux maîtrisèrent Ganimard, lequel, gêné dans ses mouvements, abasourdi, ne songeait guère à se défendre. Le troisième emporta Lupin.

      – Je vous avais prévenu, Ganimard… l’enlèvement en ballon… et grâce à vous ! Une autre fois, soyez moins compatissant. Et surtout rappelez-vous qu’Arsène Lupin ne se laisse pas frapper et mettre à mal sans des raisons sérieuses. Adieu…

      La cabine était déjà refermée et l’ascenseur, avec Ganimard, réexpédié vers les étages inférieurs. Et tout cela s’exécuta si rapidement que le vieux policier rattrapa les agents près de la loge de la concierge.

      Sans même se donner le mot, ils traversèrent la cour en toute hâte et remontèrent l’escalier de service, seul moyen d’arriver à l’étage des domestiques par où l’évasion s’était produite.

      Un long couloir à plusieurs coudes et bordé de petites chambres numérotées, conduisait à une porte, que l’on avait simplement repoussée. De l’autre côté de cette porte, et par conséquent dans une autre maison, partait un autre couloir, également à angles brisés et bordé de chambres semblables. Tout au bout, un escalier de service. Ganimard le descendit, traversa une cour, un vestibule et s’élança dans une rue, la rue Picot. Alors il comprit : les deux maisons, bâties en profondeur, se touchaient, et leurs façades donnaient sur deux rues, non point perpendiculaires, mais parallèles, et distantes l’une de l’autre de plus de soixante mètres.

      Il entra dans la loge de la concierge et montrant sa carte :

      – Quatre hommes viennent de passer ?

      – Oui, les deux domestiques du quatrième et du cinquième, et deux amis.

      – Qu’est-ce qui habite au quatrième et au cinquième ?

      – Ces messieurs Fauvel et leurs cousins Provost… ils ont déménagé aujourd’hui. Il ne restait que ces deux domestiques… ils viennent de partir.

      – Ah pensa Ganimard, qui s’effondra sur un canapé de la loge, quel beau coup nous avons manqué ! Toute la bande occupait ce pâté de maisons.

      Quarante minutes plus tard, deux messieurs arrivaient en voiture à la gare du Nord et se hâtaient vers


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