Nouveaux contes bleus. Édouard Laboulaye

Nouveaux contes bleus - Édouard Laboulaye


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       Édouard Laboulaye

      Nouveaux contes bleus

      Publié par Good Press, 2020

       [email protected]

      EAN 4064066089627

       CONTES ISLANDAIS[1]

       ZERBIN LE FAROUCHE

       LE PACHA BERGER

       PERLINO

       LE CHATEAU DE LA VIE

      BRIAN LE FOU—PETIT HOMME GRIS—DEUX EXORCISTES—ZERBIN—PACHA BERGER—PERLINO—SAGESSE DES NATIONS—CHATEAU DE LA VIE

      DESSINS PAR YAN' DARGENT

      A MON PETIT-FILS

      ÉDOUARD DE LABOULAYE

       Mort à Cannes, le 23 Avril 1867

      A L'AGE DE QUATRE ANS

      * * * * *

      Quand je fouillais mes vieux grimoires,

       Pour te réciter ces histoires

       Que tu suivais d'un air vainqueur,

       O mon fils! ma chère espérance!

       Tu me rendais ma douce enfance,

       Je sentais renaître mon coeur.

      Maintenant l'âtre est solitaire,

       Autour de moi tout est mystère,

       On n'entend plus de cris joyeux.

       Malgré les larmes de ta mère,

       Dieu t'a rappelé de la terre,

       Mon pauvre ange échappé des cieux!

      La mort a dissipé mon rêve,

       Et c'est en pleurant que j'achève

       Ce recueil fait pour t'amuser;

       Je ne vois plus ton doux sourire;

       Le soir, tu ne viens plus me dire:

       «Grand-père,—une histoire,—un baiser.»

      Que m'importe à présent la vie,

       Et ces pages que je dédie

       A ton souvenir adoré?

       Je n'ai plus de fils qui m'écoute

       Et je reste seul sur la route,

       Comme un vieux chêne foudroyé!

      A vous ce livre, heureuses mères!

       De ces innocentes chimères

       Égayez vos fils triomphants!

       Dieu vous épargne la souffrance,

       Et vous laisse au moins l'espérance

       De mourir avant vos enfants!

       Glatigny, 25 mai 1867.

       Table des matières

      [Note 1: Icelandic Legends, collected by John Arnason, translated by P.J. Povell and Eirikir Magnusson. Londres, 1866, in-8º.]

      Je connais des gens d'esprit, de graves et discrètes personnes, pour qui les contes de fées ne sont qu'une littérature de nourrices et de bonnes d'enfants. N'en déplaise à leur sagesse, ce dédain ne prouve que leur ignorance. Depuis que la critique moderne a retrouvé les origines de la civilisation et restitué les titres du genre humain, les contes de fées ont pris dans l'estime des savants une place considérable. De Dublin à Bombay, de l'Islande au Sénégal, une légion de curieux recherche pieusement ces médailles un peu frustes, mais qui n'ont perdu ni toute leur beauté ni tout leur prix. Qui ne connaît le nom des frères Grimm de Simrock, de Wuk Stephanovitch, d'Asbjoernsen, de Moe, d'Arnason, de Hahn et de tant d'autres? Perrault, s'il revenait au monde, serait bien étonné d'apprendre qu'il n'a jamais été plus érudit que lorsqu'il oubliait l'Académie pour publier les faits et gestes du Chat botté.

      Aujourd'hui que chaque pays reconstitue son trésor de contes et de légendes, il est visible que ces récits qu'on trouve partout, et qui partout sont les mêmes, remontent à la plus haute antiquité. La pièce la plus curieuse que nous aient livrée les papyrus égyptiens, grâce à mon savant confrère, M. de Rougé, c'est un conte qui rappelle l'aventure de Joseph. Qu'est-ce que l'Odyssée, sinon le recueil des fables qui charmaient la Grèce au berceau? Pourquoi Hérodote est-il à la fois le plus exact des voyageurs et le moins sûr des historiens, sinon parce qu'à l'exposé sincère de tout ce qu'il a vu, il mêle sans cesse les merveilles qu'on lui a contées? La louve de Romulus, la fontaine d'Égérie, l'enfance de Servius Tullius, les pavots de Tarquin, la folie de Brutus, autant de légendes qui ont séduit la crédulité des Romains. Le monde a eu son enfance, que nous appelons faussement l'antiquité; c'est alors que l'esprit humain a créé ces récits qui édifiaient les plus sages et qui, aujourd'hui que l'humanité est vieille, n'amusent plus que les enfants.

      Mais, chose singulière et qu'on ne pouvait prévoir, ces contes ont une filiation, et, quand on la suit, on est toujours ramené en Orient. Si quelque curieux veut s'assurer de ce fait, qui aujourd'hui n'est plus contestable, je le renvoie au savant commentaire du Pancha-Tantra, qui fait tant d'honneur à l'érudition et à la sagacité de M. Benfey. Contes de fées, légendes, fables, fabliaux, nouvelles, tout vient de l'Inde; c'est elle qui fournit la trame de ces récits gracieux que chaque peuple brode à son goût. C'est toujours l'Orient qui donne le thème primitif; l'Occident ne tire de son fonds que les variations.

      Il y a là un fait considérable pour l'histoire de l'esprit humain. Il semble que chaque peuple ait reçu de Dieu un rôle dont il ne peut sortir. La Grèce a eu en partage le sentiment et le culte de la beauté; les Romains, cette race brutale, née pour le malheur du monde, ont créé l'ordre mécanique, l'obéissance extérieure et le règne de l'administration; l'Inde a eu pour son lot l'imagination: c'est pourquoi son peuple est toujours resté enfant. C'est là sa faiblesse; mais, en revanche, elle seule a créé ces poèmes du premier âge qui ont séché tant de larmes et fait battre pour la première fois tant de coeurs.

      Par quel chemin les contes ont-ils pénétré en Occident? Se sont-ils d'abord transformés chez les Persans? Les devons-nous aux Arabes, aux Juifs, ou simplement aux marins de tous pays qui les ont partout portés avec eux, comme le Simbad des Mille et une Nuits? C'est là une étude qui commence, et qui donnera quelque jour des résultats inattendus. En rapprochant du Pentamerone napolitain les contes grecs que M. de Hahn a publiés il y a deux ans, il est déjà visible que la Méditerranée a eu son cycle de contes, où figurent Cendrillon, le Chat botté et Psyché. Cette dernière fable a joui d'une popularité sans bornes. Depuis le récit d'Apulée jusqu'au conte de la Belle et la Bête, l'histoire de Psyché prend toutes les formes. Le héros s'y cache le plus souvent sous la peau d'un serpent, quelquefois même sous celle d'un porc (Il Re Porco de Straparole, anobli et transfiguré par Mme d'Aulnoy en Prince Marcassin), mais le fonds est toujours reconnaissable. Rien n'y manque, ni les méchantes soeurs que ronge l'envie, ni les agitations de la jeune femme partagée entre la tendresse et la


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