L'étourdi. Molière Jean Baptiste Poquelin

L'étourdi - Molière Jean Baptiste Poquelin


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me l’eût dérobée !

      Je vous suis bien tenu de ce soin obligeant,

      Qui m’épargne un grand trouble et me rend mon argent.

      Je vais m’en décharger au logis tout à l’heure.

      Scène VIII

      Lélie, Mascarille.

      Mascarille

      C’est être officieux, et très fort, ou je meure.

      Lélie

      Ma foi ! sans moi, l’argent était perdu pour lui.

      Mascarille

      Certes, vous faites rage, et payez aujourd’hui

      D’un jugement très rare et d’un bonheur extrême ;

      Nous avancerons fort, continuez de même.

      Lélie

      Qu’est-ce donc ? Qu’ai-je fait ?

      Mascarille

      Le sot, en bon françois,

      Puisque je puis le dire, et qu’enfin je le dois.

      Il sait bien l’impuissance où son père le laisse,

      Qu’un rival qu’il doit craindre, étrangement nous presse :

      Cependant, quand je tente un coup pour l’obliger

      Dont je cours moi tout seul la honte et le danger…

      Lélie

      Quoi ? c’était…?

      Mascarille

      Oui, bourreau, c’était pour la captive

      Que j’attrapais l’argent dont votre soin nous prive.

      Lélie

      S’il est ainsi, j’ai tort ; mais qui l’eût deviné ?

      Mascarille

      Il fallait, en effet, être bien raffiné !

      Lélie

      Tu me devais par signe avertir de l’affaire.

      Mascarille

      Oui, je devais au dos avoir mon luminaire.

      Au nom de Jupiter, laissez nous en repos,

      Et ne nous chantez plus d’impertinents propos !

      Un autre, après cela, quitterait tout peut-être ;

      Mais j’avais médité tantôt un coup de maître,

      Dont tout présentement je veux voir les effets ;

      A la charge que si…

      Lélie

      Non, je te le promets,

      De ne me mêler plus de rien dire ou rien faire.

      Mascarille

      Allez donc ; votre vue excite ma colère.

      Lélie

      Mais surtout hâte-toi, de peur qu’en ce dessein…

      Mascarille

      Allez, encore un coup ; j’y vais mettre la main.

      (Lélie sort.)

      Menons bien ce projet ; la fourbe sera fine,

      S’il faut qu’elle succède ainsi que j’imagine.

      Allons voir… Bon, voici mon homme justement.

      Scène IX

      Pandolfe, Mascarille.

      Pandolfe

      Mascarille !

      Mascarille

      Monsieur.

      Pandolfe

      A parler franchement,

      Je suis mal satisfait de mon fils.

      Mascarille

      De mon maître ?

      Vous n’êtes pas le seul qui se plaigne de l’être :

      Sa mauvaise conduite, insupportable en tout,

      Met à chaque moment ma patience à bout.

      Pandolfe

      Je vous croyais pourtant assez d’intelligence

      Ensemble.

      Mascarille

      Moi ? Monsieur, perdez cette croyance ;

      Toujours de son devoir je tâche à l’avertir,

      Et l’on nous voit sans cesse avoir maille à partir[2].

      A l’heure même encor nous avons eu querelle

      Sur l’hymen d’Hippolyte, où je le vois rebelle,

      Où, par l’indignité d’un refus criminel,

      Je le vois offenser le respect paternel.

      Pandolfe

      Querelle ?

      Mascarille

      Oui, querelle, et bien avant poussée.

      Pandolfe

      Je me trompais donc bien ; car j’avais la pensée

      Qu’à tout ce qu’il faisait tu donnais de l’appui.

      Mascarille

      Moi ! Voyez ce que c’est que du monde aujourd’hui,

      Et comme l’innocence est toujours opprimée ?

      Si mon intégrité vous était confirmée,

      Je suis auprès de lui gagé pour serviteur,

      Vous me voudriez encor payer pour précepteur :

      Oui, vous ne pourriez pas lui dire davantage

      Que ce que je lui dis pour le faire être sage.

      Monsieur, au nom de Dieu, lui fais-je assez souvent,

      Cessez de vous laisser conduire au premier vent ;

      Réglez-vous ; regardez l’honnête homme de père

      Que vous avez du ciel, comme on le considère ;

      Cessez de lui vouloir donner la mort au coeur,

      Et, comme lui, vivez en personne d’honneur.

      Pandolfe

      C’est parler comme il faut. Et que peut-il répondre ?

      Mascarille

      Répondre ? Des chansons dont il me vient confondre.

      Ce n’est pas qu’en effet, dans le fond de son coeur,

      Il ne tienne de vous des semences d’honneur ;

      Mais sa raison n’est pas maintenant la maîtresse.

      Si je pouvais parler avecque hardiesse,

      Vous le verriez dans peu soumis


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