L'étourdi. Molière Jean Baptiste Poquelin

L'étourdi - Molière Jean Baptiste Poquelin


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un secret qui m’importerait fort

      S’il était découvert ; mais à votre prudence

      Je le puis confier avec toute assurance.

      Pandolfe

      Tu dis bien.

      Mascarille

      Sachez donc que vos voeux sont trahis

      Par l’amour qu’une esclave imprime à votre fils.

      Pandolfe

      On m’en avait parlé ; mais l’action me touche

      De voir que je l’apprenne encore par ta bouche.

      Mascarille

      Vous voyez si je suis le secret confident…

      Pandolfe

      Vraiment je suis ravi de cela.

      Mascarille

      Cependant

      A son devoir, sans bruit, désirez vous le rendre ?

      Il faut… J’ai toujours peur qu’on nous vienne surprendre :

      Ce serait fait de moi, s’il savait ce discours.

      Il faut, dis-je, pour rompre à toute chose cours,

      Acheter sourdement l’esclave idolâtrée,

      Et la faire passer en une autre contrée.

      Anselme a grand succès auprès de Trufaldin ;

      Qu’il aille l’acheter pour vous dès ce matin :

      Après, si vous voulez en mes mains la remettre,

      Je connais des marchands, et puis bien vous promettre

      D’en retirer l’argent qu’elle pourra coûter,

      Et malgré votre fils, de la faire écarter ;

      Car enfin, si l’on veut qu’à l’hymen il se range,

      A cet amour naissant il faut donner le change ;

      Et de plus, quand bien même il serait résolu,

      Qu’il aurait pris le joug que vous avez voulu,

      Cet autre objet, pouvant réveiller son caprice,

      Au mariage encor peut porter préjudice.

      Pandolfe

      C’est très bien raisonner ; ce conseil me plaît fort…

      Je vois Anselme ; va, je m’en vais faire effort

      Pour avoir promptement cette esclave funeste,

      Et la mettre en tes mains pour achever le reste.

      Mascarille (seul.)

      Bon ; allons avertir mon maître de ceci.

      Vive la fourberie, et les fourbes aussi.

      Scène X

      Hippolyte, Mascarille.

      Hippolyte

      Oui, traître, c’est ainsi que tu me rends service !

      Je viens de tout entendre, et voir ton artifice :

      A moins que de cela, l’eussé-je soupçonné ?

      Tu couches d’imposture[3], et tu m’en as donné.

      Tu m’avais promis, lâche, et j’avais lieu d’attendre

      Qu’on te verrait servir mes ardeurs pour Léandre ;

      Que du choix de Lélie, où l’on veut m’obliger,

      Ton adresse et tes soins sauraient me dégager ;

      Que tu m’affranchirais du projet de mon père :

      Et cependant ici tu fais tout le contraire !

      Mais tu t’abuseras ; je sais un sûr moyen

      Pour rompre cet achat où tu pousses si bien ;

      Et je vais de ce pas…

      Mascarille

      Ah ! que vous êtes prompte !

      La mouche tout d’un coup à la tête vous monte[4],

      Et, sans considérer s’il a raison ou non,

      Votre esprit contre moi fait le petit démon.

      J’ai tort, et je devrais, sans finir mon ouvrage,

      Vous faire dire vrai, puisque ainsi l’on m’outrage.

      Hippolyte

      Par quelle illusion penses-tu m’éblouir ?

      Traître, peux-tu nier ce que je viens d’ouïr ?

      Mascarille

      Non. Mais il faut savoir que tout cet artifice

      Ne va directement qu’à vous rendre service ;

      Que ce conseil adroit, qui semble être sans fard,

      Jette dans le panneau l’un et l’autre vieillard[5] ;

      Que mon soin par leurs mains ne veut avoir Célie,

      Qu’à dessein de la mettre au pouvoir de Lélie ;

      Et faire que, l’effet de cette invention

      Dans le dernier excès portant sa passion,

      Anselme, rebuté de son prétendu gendre,

      Puisse tourner son choix du côté de Léandre.

      Hippolyte

      Quoi ! tout ce grand projet, qui m’a mise en courroux,

      Tu l’as formé pour moi, Mascarille ?

      Mascarille

      Oui, pour vous.

      Mais puisqu’on reconnaît si mal mes bons offices,

      Qu’il me faut de la sorte essuyer vos caprices,

      Et que, pour récompense, on s’en vient, de hauteur,

      Me traiter de faquin, de lâche, d’imposteur,

      Je m’en vais réparer l’erreur que j’ai commise,

      Et dès ce même pas rompre mon entreprise.

      Hippolyte (l’arrêtant.)

      Eh ! ne me traite pas si rigoureusement,

      Et pardonne aux transports d’un premier mouvement.

      Mascarille

      Non, non, laissez-moi faire ; il est en ma puissance

      De détourner le coup qui si fort vous offense.

      Vous ne vous plaindrez point de mes soins désormais ;

      Oui, vous aurez mon maître, et je vous le promets.

      Hippolyte

      Eh ! mon pauvre garçon, que ta colère cesse !

      J’ai mal jugé de toi, j’ai tort, je le confesse.

      (Tirant sa bourse.)

      Mais je veux réparer ma faute avec ceci.

      Pourrais-tu te résoudre à me quitter ainsi ?

      Mascarille

      Non, je ne le


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