Vie de Christophe Colomb. Baron de Pierre-Marie-Joseph Bonnefoux

Vie de Christophe Colomb - Baron de Pierre-Marie-Joseph Bonnefoux


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1459, Jean d'Anjou, duc de Calabre, arma une flottille à Gênes pour faire une descente à Naples, dans l'espoir de reconquérir ce royaume pour son père René, comte de Provence. Colomb s'embarqua sur cette flottille afin d'y continuer ses campagnes, et il s'y trouva encore sous les ordres de son parent. L'expédition dura quatre ans entiers pendant lesquels elle eut des fortunes diverses: notre jeune marin s'y distingua souvent par des actes d'intrépidité; aussi obtint-il un commandement particulier, avec lequel il eut la mission d'aller attaquer et enlever une galère dans le port même de Tunis, mission qu'il accomplit avec autant de talent que de bravoure!

      Pendant plusieurs années, Colombo et son parent Christophe naviguèrent dans la Méditerranée, tantôt en épousant les querelles de quelques-uns des États de l'Italie, tantôt en guerroyant contre les infidèles. Dans le récit des guerres maritimes de cette époque, Colombo est quelquefois qualifié du titre d'amiral; or, ce n'est pas un faible titre de recommandation à l'estime publique que de voir Colomb affectionné et protégé par un marin aussi renommé.

      Colombo avait un neveu du même nom que lui, dont la valeur, les exploits et l'audace étaient alors si célèbres, que les femmes maures étaient dans l'habitude d'en faire une sorte d'épouvantail à leurs enfants, lorsqu'elles voulaient refréner leurs mutineries ou leur indocilité. C'était un franc corsaire qui ne respirait et ne vivait que pour faire la guerre de course dans laquelle il excellait. Christophe eut un commandement dans plusieurs de ses croisières; il ne sortait d'un combat que pour assister à un autre; et ces deux marins allèrent même sur les côtes du Portugal pour y attendre quatre fortes galères vénitiennes qui revenaient de Flandre. La rencontre eut effectivement lieu; Christophe en attaqua une avec une grande vigueur; il parvint à l'aborder malgré l'avantage que la galère retirait de ses avirons pour éviter la jonction; mais la défense fut vive et le carnage fut grand des deux côtés; cependant le feu prit à bord et les deux bâtiments turent incendiés. Dans cet affreux désastre, Colomb eut le bonheur de pouvoir saisir un aviron à l'aide duquel il se soutint sur l'eau. Ce ne fut qu'après deux heures d'efforts qu'il put atteindre le rivage: épuisé de fatigue, il fut longtemps à se remettre; enfin, sa forte constitution prit le dessus, et il se rendit à Lisbonne où, trouvant plusieurs de ses compatriotes, il fixa sa résidence.

      Nous avons cru devoir raconter ce combat, parce qu'il est attesté par Fernand, l'un des fils de Colomb, qui l'a lui-même décrit; mais il paraîtrait, d'après certains documents également dignes de foi, que Colomb était déjà à Lisbonne lorsque ce même combat eut lieu. Le Portugal était alors entré dans une voie glorieuse de découvertes: ainsi, en réfléchissant à l'esprit enthousiaste de Colomb pour tout ce qui portait le cachet de grandeur maritime, on peut très-bien se rendre compte comment, au lieu de se trouver transporté à Lisbonne par l'effet d'un des hasards de la guerre, ce jeune marin y aurait été conduit par un mouvement de curiosité libérale, et pour chercher à s'y frayer un chemin à la gloire par son mérite et par ses travaux.

      En effet, le Portugal venait d'ouvrir la vaste carrière des voyages de recherche et d'exploration qui jetèrent un si grand éclat sur ce royaume. Les îles Canaries, ou les îles Fortunées des anciens, que l'on ne connaissait plus qu'à peine, tant les traditions en étaient affaiblies, avaient été retrouvées, dans le quatorzième siècle, par les Génois et les Catalans; et les voyages fréquents qu'y faisaient les navigateurs du Portugal ainsi qu'aux côtes voisines de l'Afrique avaient captivé l'attention publique. Cette impulsion acquit un nouvel essor par l'influence du prince Henri, fils du roi Jean Ier, qui ayant accompagné son père à Ceuta dans une expédition contre les Maures, y entendit parler de la Guinée, et pensa que d'importantes découvertes étaient probables dans cette direction.

      À son retour, il se rendit à Sagres, dans une modeste habitation, près du cap Saint-Vincent, afin d'y réfléchir, dans le calme de la retraite, aux idées qui avaient envahi son esprit. Ce fut là, qu'en pleine vue de l'Océan, il s'adonna à toutes les sciences qui se rapportent à l'art nautique, surtout à la géographie et à l'astronomie dont les Arabes avaient apporté en Europe les premières notions, et dans lesquelles ceux d'entre eux qui résidaient alors en Espagne excellaient. Il appela des savants auprès de lui, il leur fit part de ses préoccupations, et ce fut ainsi qu'il se forma l'opinion bien arrêtée et fort avancée pour l'époque où il vivait, que l'Afrique était circonnavigable, et qu'on devait arriver dans l'Inde en la contournant par mer.

      Il réfléchit aussi à la grandeur des républiques de Venise et de Gênes, qui s'étaient enrichies par le monopole du commerce de l'Asie qu'elles s'étaient approprié à l'aide des établissements fondés par elles dans la mer Noire et à Constantinople, où les denrées de l'Orient, quoique portées par une route longue et dispendieuse, ne laissaient pas de leur procurer des bénéfices considérables, puisque les négociants de ces républiques étaient seuls en mesure d'approvisionner le reste de l'Europe. Le prince Henri pensa donc qu'il serait très-avantageux pour le Portugal de prendre sa part de la magnificence des Vénitiens et des Génois, et qu'il ne pouvait y parvenir qu'en faisant suivre un autre cours au commerce ou qu'en se rendant directement dans l'Inde par la voie de la navigation.

      Mais l'art nautique était alors dans un état de véritable enfance; les marins n'avaient pas encore osé perdre de vue les côtes de l'Océan; ils ne parlaient qu'avec effroi de son étendue incommensurable, de l'agitation de ses flots, ou, à en juger par les courants des marées aussi bien que des eaux qui avoisinent Gibraltar, du danger qu'il y aurait à aller s'exposer à ces mêmes courants qu'on supposait encore plus violents en s'avançant de plus en plus dans l'Atlantique. On croyait, même que notre planète, dans le voisinage de l'équateur, était barrée par une zone brûlante qu'une chaleur excessive empêchait de franchir; enfin, il existait généralement dans les esprits, une sorte de croyance superstitieuse que quiconque aurait osé s'aventurer au delà du cap Bojador n'en pourrait pas revenir.

      Henri se mit résolûment au-dessus de ces craintes, de ces terreurs ou de ces scrupules, qu'il combattit avec les armes de la raison, de la logique et de la science; il fonda un collége naval à Sagres où il plaça les plus éminents professeurs de l'art de la navigation. Les cartes marines y furent retouchées, améliorées sous ses yeux à l'aide des documents les plus authentiques qu'on put se procurer dans tous les pays; la boussole, assez récemment inventée par Flavio Gioja d'Amalfi, fut perfectionnée; des livres spéciaux pour la navigation furent publiés; les méthodes, les calculs nautiques furent simplifiés; tout enfin ce qui concernait la marine y fut étudié: aussi jaillit-il de cette retraite un esprit d'entreprise qui s'empara de la nation tout entière et qui la stimula vers les expéditions les plus hardies. Par l'effet de cette chaleureuse excitation, Bojador, cet effroi des marins, fut doublé; les tropiques, où commençait la prétendue ceinture de feu tant redoutée, furent pénétrés; le cap Vert avait été découvert; on était allé jusqu'aux îles Açores; et Jean Santarem, accompagné de Pierre Escovar, découvrit les côtes de la Guinée en 1471.

      Pour encourager encore plus les chefs de ces expéditions téméraires, le roi Jean fit habilement jouer les ressorts de la politique. Rien ne pouvait calmer davantage les terreurs populaires que la sanction de l'Église donnée à des voyages qui se trouvaient en complète opposition avec les opinions dominantes; or, le pape lui-même donna cette sanction, en dotant, de son autorité spirituelle, la couronne de Portugal du droit de souveraineté sur tous les pays que ses sujets découvriraient jusqu'à l'Inde inclusivement.

      La publication de la bulle papale exerça une influence magique sur les masses, qui, dès lors, partagèrent entièrement les idées de Henri, et ne songèrent plus qu'aux moyens de contourner l'Afrique et d'arriver dans l'Inde par la voie de la mer. Mais hélas! le jeune prince mourut en 1473; il ne fut pas témoin de l'accomplissement du projet favori dont il avait si intelligemment préparé l'exécution; toutefois, il avait assez vécu pour être assuré que ses idées d'extension et de prospérité maritimes ne seraient pas frappées de stérilité. Il fut regretté comme doit l'être un homme aux pensées élevées et dont la devise, «Faire le bien,» avait été le mobile de toutes les actions.

      Cependant, la renommée des découvertes des Portugais fixait l'attention de l'Europe. Colomb était arrivé à Lisbonne en 1470, et c'était l'époque où les savants, les curieux, les hommes entreprenants y accouraient de toutes parts;


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