Mémoires du maréchal Berthier … Campagne d'Égypte, première partie. Berthier Louis-Alexandre

Mémoires du maréchal Berthier … Campagne d'Égypte, première partie - Berthier Louis-Alexandre


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les officiers qui ont chargé à la tête de la cavalerie, et soutenu par leur exemple la valeur du soldat, le chef de brigade Destrées, qui a reçu plusieurs blessures graves, l'adjudant-général Leturq, le chef de brigade Lassalle, les aides-de-camp Duroc et Sulkousky, l'adjudant Arrighi, méritent d'être distingués.

      Bonaparte détermine avec le général Caffarelli, commandant le génie, les fortifications nécessaires à la défense de Salêhiëh et de Belbéis. La division Dugua reçoit ordre de se porter sur Damiette, pour en prendre possession et soumettre le Delta. La division Regnier reste en position à Salêhiëh, pour soumettre la province de Charkié, et Bonaparte reprend avec le reste des troupes le chemin du Caire, où il arrive le 27. Il reçoit sur la route la nouvelle et les détails du combat naval d'Aboukir.

      L'Égypte, pour être entièrement affranchie du despotisme des mameloucks, n'offrait plus d'ennemi à combattre que Mourâd-Bey. Le général Desaix reçoit l'ordre de se mettre en mouvement pour le poursuivre. Les provinces de l'Égypte sont commandées par des généraux français; les autorités civiles y sont organisées, et y remplacent le gouvernement monstrueux qui la tyrannisait. Déjà Bonaparte peut réaliser une partie de ses promesses, et prouver au pays qu'il vient de soumettre, que les Français n'avaient en effet d'autres ennemis que ses oppresseurs, d'autre ambition que celle d'être ses libérateurs.

L'ARMÉE MARCHE EN SYRIE. – AFFAIRE DE ÈL-A'RYCH. – BATAILLE DU MONT THABOR. – PRISE DE GHAZAH ET DE JAFFA

      La conduite politique et militaire de Bonaparte depuis son entrée en Égypte avait pour but de rendre à la civilisation et à leur antique splendeur ces contrées jadis si florissantes. Mais en même temps qu'il travaillait à l'affranchissement des peuples, et à l'expulsion de leurs tyrans, il n'avait négligé aucune occasion de convaincre la Porte du désir qu'avait la république française de conserver l'amitié qui subsistait entre les deux puissances. La cour ottomane avait de justes sujets de plaintes contre les beys d'Égypte, dont les révoltes et les usurpations ne lui avaient laissé qu'une ombre de souveraineté dans cette province. Les Français eux-mêmes en avaient reçu de fréquents outrages. Punir les usurpateurs, c'était donc venger à la fois la France, la Porte ottomane et l'Égypte.

      Les établissements de commerce que Bonaparte voulait former, devaient enrichir les habitans, faire de l'Égypte l'entrepôt du commerce de l'Europe et de l'Asie, augmenter les revenus du grand-seigneur, devenir pour la France et les puissances méridionales une source de prospérité, et ruiner dans l'Inde le commerce des Anglais, contre lesquels cette expédition était plus particulièrement dirigée.

      La Porte, une fois éclairée sur le but de l'entrée des Français en Égypte, et sur leurs projets ultérieurs, ne pouvait voir qu'avec plaisir une expédition qui devait lui être si avantageuse. Dans cette conviction, Bonaparte n'avait cessé de se conduire avec la Porte ottomane comme envers l'amie et l'alliée fidèle de la France.

      À la prise de Malte, il avait trouvé dans les cachots de l'ordre un grand nombre d'esclaves turcs; ils furent aussitôt mis en liberté, et renvoyés à Constantinople.

      Depuis l'entrée des Français en Égypte, les agens de la Porte étaient respectés; le pavillon turc flottait avec le pavillon français. Une caravelle turque se trouvait dans le port d'Alexandrie, ainsi que quelques bâtimens de commerce. Bonaparte assure le capitaine de la protection et de l'amitié des Français. Cette caravelle reçoit un ordre du grand-seigneur de quitter Alexandrie pour se rendre à Constantinople; c'était l'époque où tous les bâtimens turcs ont coutume de quitter l'Égypte. Bonaparte, après avoir fait accepter un présent au capitaine de la caravelle, le chargea de prendre à son bord le citoyen Beauchamp, porteur de dépêches pour la Porte ottomane.

      Cet envoyé était chargé de protester de nouveau des dispositions pacifiques et amicales du gouvernement français envers le grand-seigneur; de faire connaître à la Porte les sujets de mécontentement que Bonaparte avait contre Ahmed-Djezzar, pacha d'Acre, et de déclarer que le châtiment qu'il lui réservait, s'il continuait à se mal conduire, ne devait donner aucun ombrage, aucune inquiétude à l'empire ottoman. Ce pacha, que ses cruautés avaient fait nommer Djezzar (le boucher), était regardé comme un monstre de férocité par les barbares les plus sanguinaires d'Orient.

      Ibrahim-Bey, après l'affaire de Salêhiëh, s'était retiré avec mille mameloucks et ses trésors vers Ghazah: il avait reçu de Djezzar le plus favorable accueil. Non seulement ce pacha continuait d'accorder asile et protection aux mameloucks, il menaçait encore les frontières de l'Égypte par des dispositions hostiles. Bonaparte, qui voulait éviter de donner le moindre ombrage à la Porte, dépêcha par mer à Djezzar un officier chargé d'une lettre dans laquelle il assurait le pacha que les Français désiraient conserver l'amitié du grand-seigneur, et vivre en paix avec lui; mais il exigeait que Djezzar éloignât Ibrahim-Bey et ses mameloucks, et ne leur accordât aucun secours.

      Le pacha n'avait fait aucune réponse à Bonaparte, il avait renvoyé l'officier avec arrogance; les Français étaient mis aux fers à Saint-Jean-d'Acre.

      L'armée ne recevait aucune nouvelle d'Europe. Depuis le funeste combat d'Aboukir, les ports de l'Égypte étaient bloqués par les Anglais. Bonaparte n'avait aucun renseignement officiel sur les résultats de la négociation que le directoire avait dû entamer avec la Porte ottomane, relativement à l'expédition d'Égypte; mais tous les rapports de l'intérieur annonçaient que le ministère anglais avait su profiter de la victoire d'Aboukir pour entraîner la Porte dans son alliance et celle de la Russie contre la république française. Bonaparte jugea que, si la Porte cédait aux suggestions de ses ennemis naturels, il y aurait une opération combinée contre l'Égypte, et qu'il serait attaqué par mer et par la Syrie. Il n'y avait pas un moment à perdre pour prendre un parti; Bonaparte se décide.

      Marcher en Syrie, châtier Djezzar, détruire les préparatifs de l'expédition contre l'Égypte, dans le cas où la Porte se serait unie aux ennemis de la France; lui rendre, au contraire, la nomination du pacha de Syrie, et son autorité primitive dans cette province, si elle restait l'amie de la république; revenir en Égypte aussitôt après pour battre l'expédition par mer; expédition qui, vu les obstacles qu'opposait la saison, ne pouvait avoir lieu avant le mois de messidor; tel est le plan auquel Bonaparte s'arrête, et qu'il va exécuter.

      Aussitôt après son retour au Caire, il avait envoyé contre l'armée de Mourâd-Bey, qui se tenait dans la Haute-Égypte, le général Desaix et sa division qui obtenait chaque jour de nouveaux succès.

      Après avoir ainsi éloigné les ennemis, Bonaparte songe à organiser le gouvernement des provinces de l'Égypte. Il établit un divan dans chacune d'elles, et fait jouir le peuple de la plus belle prérogative de la liberté, celle de concourir à l'élection de ses magistrats. Il forme un système de guerre jusqu'alors inconnu contre les Arabes, qui de tout temps ont désolé ces belles contrées. Il arrête une nouvelle répartition d'impôts plus utile au fisc, et moins onéreuse au peuple; il porte la plus sévère économie dans la partie administrative de l'armée; il établit une compagnie de commerce dans la vue de faciliter l'échange et la circulation de toutes les denrées. Il avait formé un institut au Caire; il y établit une bibliothèque, et fait construire un laboratoire de chimie. Un grand atelier est ouvert pour les arts mécaniques. Déjà la fabrication du pain et celle des liqueurs fermentées est perfectionnée; on épure le salpêtre, on construit de nouvelles machines hydrauliques.

      Pendant que Bonaparte semblait recréer la ville du Caire, des savans voyageaient par son ordre dans l'intérieur de l'Égypte, et y faisaient les reconnaissances, les découvertes les plus importantes pour la géographie, l'histoire et la physique.

      Le général Andréossy avait reçu l'ordre de soumettre le lac Menzalëh, les bouches Pélusiaques, et d'en faire la reconnaissance, tant sous le rapport militaire que sous le rapport des sciences.

      Il sonde, le 2 vendémiaire, la rade de Damiette, de Bougafic et du camp Bougan, ainsi que l'embouchure du Nil, afin de déterminer les passes du Boghaz et la forme de la baie. Il part de Damiette le 11 à deux heures du matin, avec deux cents hommes et quinze djermes conduites par des reis du Nil. Trois de ces djermes sont armées d'un canon. Il passe le Boghaz à sept heures, longe la côte et prend position, à trois heures après midi, à la


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