Mémoires du maréchal Berthier … Campagne d'Égypte, première partie. Berthier Louis-Alexandre

Mémoires du maréchal Berthier … Campagne d'Égypte, première partie - Berthier Louis-Alexandre


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transport de Suez au Caire et à Belbéis; enfin ses dispositions sont telles, qu'elles doivent dans peu de temps rendre à Suez son antique splendeur.

      Quatre bâtimens de Djedda arrivent dans cette ville pendant le séjour qu'y fait Bonaparte. Les Arabes de Tor viennent aussi demander l'amitié des Français. Bonaparte quitte Suez le 10 nivôse, côtoyant la mer Rouge au nord. À deux lieues et demie de cette ville, il trouve les restes de l'entrée du canal de Suez; il le suit pendant quatre lieues. Le même jour, il couche au fort d'Adgeroud; le 11, à dix lieues dans le désert; et le 12 à Belbéis. Le 14, il se porte dans l'oasis d'Houareb, où il retrouve les vestiges du canal de Suez, à son entrée sur les terres cultivées et arrosées de l'Égypte.

      Il le suit l'espace de plusieurs lieues, et, satisfait de cette double reconnaissance, il donne ordre au citoyen Peyre, ingénieur, de se rendre à Suez, et d'en partir avec une escorte suffisante pour lever géométriquement et niveler tout le cours du canal, opération qui va résoudre enfin le problème de l'existence d'un des plus grands et des plus importans travaux du monde. De retour à Suez, Bonaparte apprend que Djezzar, pacha de Syrie, s'était emparé du fort de El-A'rych, qui défendait les frontières de l'Égypte. Ce fort, situé à deux journées de Cathié, et à dix lieues dans le désert, était même occupé par l'avant-garde du pacha. Ces mouvemens hostiles ne laissaient aucun doute sur les intentions de Djezzar et de la Porte, qui venait de déclarer la guerre à la France.

      Certain d'une attaque, il ne restait plus à Bonaparte d'autre parti à prendre que celui de déconcerter les plans de ses nouveaux ennemis en les prévenant. Il quitte Suez sur-le-champ pour se rendre au Caire. Il passe par Salêhiëh, où se trouvaient les troupes destinées à former l'avant-garde de l'expédition de Syrie: il met cette avant-garde en mouvement, et continue sa route vers le Caire, marchant jour et nuit. Aussitôt qu'il y est rendu, il réunit l'armée qui doit le suivre.

      Elle est composée de la division du général Kléber, qui a sous ses ordres les généraux Verdier et Junot, d'une partie des deux demi-brigades d'infanterie légère, et des 25e et 75e de ligne;

      De la division du général Regnier, ayant sous ses ordres le général Lagrange, la 9e et la 95e demi-brigade de ligne;

      De celle du général Lannes, ayant sous ses ordres les généraux Vaud, Robin et Rambeau, avec une partie de la 22e demi-brigade d'infanterie légère, des 13e et 69e de ligne;

      De celle du général Bon, ayant sous ses ordres les généraux Rampon, Vial, et une partie des 4e demi-brigade d'infanterie légère, 18e et 32e demi-brigades de ligne;

      De celle du général Murat, avec neuf cents hommes de cavalerie et quatre pièces de 4.

      Le général Dommartin commande l'artillerie, et le général Caffarelli le génie.

      Le parc d'artillerie est composé de quatre pièces de 12, trois de 8, cinq obusiers, et trois mortiers de cinq pouces.

      L'artillerie de chaque division est composée de deux pièces de 8, deux obusiers de six pouces: ces différens corps forment une armée d'environ dix mille hommes.

      La 19e demi-brigade, les 3e bataillons des demi-brigades de l'expédition de Syrie, la Légion nautique, les dépôts du corps de cavalerie, la Légion maltaise, sont répartis dans les villes d'Alexandrie, de Damiette et du Caire, pour les garnisons et les colonnes mobiles destinées à protéger contre les Arabes, et à retenir dans l'obéissance les provinces de la Basse-Égypte.

      Le général Desaix continuait d'occuper la Haute-Égypte avec sa division.

      Le commandement de la province du Caire est remis entre les mains du général Dugua; les autres sont confiés aux généraux Belliard, Lanusse, Zayoncheck, Fugières, Leclerc, et à l'adjudant-général Almeyras. Le citoyen Poussielgue, administrateur-général des finances, reste au Caire; le payeur-général de l'armée, nommé Estève, jeune homme recommandable sous tous les rapports, suit l'expédition.

      Le commandement d'Alexandrie était très important. Il ne pouvait être confié qu'à un officier actif, qui réunit les connaissances de l'artillerie à celles du génie et des autres parties militaires. Cette place, par l'éloignement du général en chef, devenait presque indépendante sous les rapports militaires et administratifs. Les Anglais étaient en présence, et des symptômes de peste commençaient à s'y manifester. Le choix du général en chef tomba sur le général de brigade Marmont.

      Bonaparte ordonne à l'adjudant-général Almeyras, qu'il charge du commandement de Damiette, de presser les travaux des fortifications, et de faire embarquer des vivres et des munitions pour l'armée de Syrie, en profitant de la navigation du lac Menzalëh et du port de Tinëh, d'où l'on devait les transporter dans les magasins établis à Cathiëh, à cinq heures de marche.

      L'armée avait besoin de quelques pièces de siége pour battre la place d'Acre, en cas de résistance. Les difficultés du désert en rendaient le transport impraticable par terre. Les charger sur quelques frégates mouillées dans la rade d'Alexandrie, et braver la croisière anglaise, était un projet audacieux sans doute; mais sans audace marche-t-on à la victoire?

      Bonaparte ordonne au contre-amiral Pérée, d'embarquer à Alexandrie l'artillerie de siége dont il avait besoin, d'appareiller avec la Junon, la Courageuse et l'Alceste, de croiser devant Jaffa et de se mettre en communication avec l'armée. Il calcule et détermine l'époque à laquelle il doit arriver.

      On rassemble au Caire, en toute diligence, les mulets et les chameaux qui doivent transporter le parc d'artillerie, les vivres, les munitions, et tout ce qui est nécessaire à une armée qui traverse le désert.

      Le général Kléber reçoit l'ordre de s'embarquer avec sa division, à Damiette. Les Français s'étaient rendus maîtres de la navigation du lac Menzalëh. Bonaparte ordonne à Kléber de se rendre par ce lac à Tinëh et de là à Cathiëh, de manière à y arriver le 16 pluviôse.

      Le général Regnier était parti de Belbéis, avec son état-major, le 4 pluviôse, pour se rendre à Salêhiëh, qu'il avait quitté le 14, afin d'arriver le 16 à Cathiëh où il rejoint son avant-garde; il en part le 18 et prend la route de El-A'rych. Ce village et le fort étaient occupés par deux mille hommes de troupes du pacha d'Acre.

      Le général Lagrange, avec deux bataillons de la 85e demi-brigade, un bataillon de la 75e et deux pièces de canon, formait l'avant-garde du général Regnier. Le 20 pluviôse, il aperçoit, en approchant des fontaines de Massoudiac, un parti de marmeloucks auxquels ses tirailleurs donnent la chasse. Il arrive le soir au bois de palmiers près de la mer, en avant de El-A'rych. Le 21, il se porte avec rapidité sur les montagnes de sable qui dominent El-A'rych; il y prend position et y place son artillerie.

      Le général Regnier fait battre la charge; à l'instant l'avant-garde se précipite de droite et de gauche sur le village, que Regnier attaquait de front. Malgré la position favorable de l'ennemi dans ce village, situé sur un amphithéâtre, bâti en maisons de pierres crénelées et soutenu par le fort; malgré la vivacité du feu et la résistance la plus opiniâtre, le village est enlevé à la baïonnette; l'ennemi se retire dans le fort et barricade les portes avec tant de précipitation, qu'il abandonne environ trois cents hommes qui sont tués ou faits prisonniers.

      Dès le soir, le blocus du fort de El-A'rych est formé par le général Regnier. Ce jour-là même, on avait signalé, sur la route de Ghazah, un corps de cavalerie et d'infanterie qui escortait un convoi destiné à l'approvisionnement de El-A'rych. Ce renfort s'augmente et se grossit jusqu'au 25, où l'ennemi, devenu audacieux par la supériorité que lui donne sa cavalerie, vient camper à une demi-lieue de El-A'rych, sur un plateau couvert d'un ravin très escarpé, position dans laquelle il se croit inexpugnable.

      Cependant le général Kléber arrive avec quelques troupes de sa division. Dans la nuit du 26 au 27, une partie de la division Regnier tourne le ravin qui couvrait le camp des mameloucks; elle se précipite dans le camp dont elle est bientôt maîtresse, et tout ce qui ne peut échapper par une prompte fuite est tué ou fait prisonnier. Une multitude de chameaux et de chevaux, des provisions de bouche et de guerre, et tous les équipages des mameloucks tombent au pouvoir des vainqueurs. Deux beys et quelques kiachefs sont


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