Mémoires du maréchal Berthier … Campagne d'Égypte, première partie. Berthier Louis-Alexandre

Mémoires du maréchal Berthier … Campagne d'Égypte, première partie - Berthier Louis-Alexandre


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Le blocus est établi de manière à repousser les sorties avec avantage, et à empêcher toute communication. On travaille aux brèches et aux contre-brèches; on n'avait point encore eu de nouvelles de l'artillerie embarquée à Alexandrie.

      Le commandant de l'escadre anglaise, informé qu'il y avait dans Caïffa des approvisionnemens considérables, forma le projet de les enlever, et de se rendre maître en même temps de quelques bâtimens chargés de vivres et récemment arrivés de Jaffa. Le commandement de Caïffa avait été confié au chef d'escadron Lambert, militaire distingué.

      Le 2 germinal, on entend du camp d'Acre une vive canonnade vers Caïffa; bientôt on apprend que plusieurs chaloupes anglaises, armées de canons de 32, étaient venues attaquer Caïffa, et s'étaient portées sur les bâtimens de transport pour s'en emparer. Le chef d'escadron Lambert avait ordonné de laisser approcher les Anglais jusqu'à terre, sans paraître faire aucun mouvement de défense; mais il avait masqué un obusier, et embusqué les soixante hommes qui composaient sa garnison; au moment où les Anglais touchent terre, il se jette sur eux à la tête de ses braves, aborde une de leurs chaloupes, s'en empare, leur enlève une pièce de 32, et leur fait dix-sept prisonniers. Enfin le feu de son obusier est dirigé sur les autres chaloupes avec tant de succès qu'elles prennent la fuite, ayant plus de cent hommes tués ou blessés. Le commodore anglais ainsi repoussé abandonne ses projets contre Caïffa, et vient mouiller devant Acre.

      Les travaux du siége se continuaient avec activité. Le 6, l'ennemi fait une sortie; il est repoussé avec perte. Le 8, les batteries de brèche et les contre-batteries sont prêtes. L'artillerie de siége n'est pas encore arrivée: on est réduit à faire jouer l'artillerie de campagne. Au jour, on bat en brèche la tour d'attaque; vers trois heures, elle se trouve percée; on avait en même temps poussé un rameau de mine pour faire sauter la contrescarpe. La mine joue; on assure qu'elle a produit son effet, et que la contrescarpe est entamée. Les troupes demandent vivement l'assaut; on cède à leur impatience; l'assaut est décidé.

      On jugeait la brèche semblable à celle de Jaffa; mais les grenadiers s'y sont à peine élancés qu'ils se trouvent arrêtés par un fossé de quinze pieds, revêtu d'une bonne contrescarpe. Cet obstacle ne ralentit pas l'ardeur. On place des échelles; la tête des grenadiers est déjà descendue; la brèche était encore à huit ou dix pieds; quelques échelles y sont placées. L'adjoint aux adjudans-généraux Mailly, monte le premier, et meurt percé d'une balle.

      Le feu de la place était terrible; il n'était résulté d'autre effet de la mine qu'un entonnoir sur le glacis; la contrescarpe n'est point entamée; elle arrête et force à la retraite une partie des grenadiers destinés à soutenir les premiers qui avaient passé. Les adjudans-généraux Escale et Laugier sont tués.

      Un premier mouvement de terreur s'était emparé des assiégés; déjà ils fuyaient vers le port; mais bientôt ils se rallient et reviennent à la brèche. Son élévation, à huit ou dix pieds au-dessus des décombres, rend inutiles tous les efforts des grenadiers français pour y monter.

      L'ennemi a le temps de revenir sur le haut de la tour, d'où il fait pleuvoir sur les assiégeans les pierres, les grenades et les matières inflammables. Le peloton de grenadiers, qui est parvenu au pied de la brèche, frémit de ne pouvoir la franchir, et de se voir forcé de rentrer dans les boyaux. Six hommes sont tués, vingt sont blessés dans cette attaque.

      La prise de Jaffa avait donné à l'armée française une confiance qui lui fit d'abord considérer la place d'Acre avec trop peu d'importance. On traitait comme affaire de campagne un siége qui exigeait toutes les ressources de l'art, privé surtout, comme on l'était, de l'artillerie et des munitions nécessaires à l'attaque d'une place environnée d'un mur flanqué de bonnes tours, et entouré d'un fossé avec escarpe et contrescarpe.

      Étonné et fier de sa résistance, l'ennemi fait, le 10, une vive sortie; repoussé avec une perte considérable, il se retire, ou plutôt il fuit dans ses murs. Le chef de brigade du génie Detroye, périt dans cette action.

      Le 12, une frégate vient mouiller dans la rade de Caïffa. Le chef d'escadron Lambert ayant reconnu le pavillon turc, avait défendu à ses braves de se montrer; la frégate, ignorant que Caïffa est au pouvoir des Français, envoie son canot à terre avec le capitaine en second et vingt hommes; ils débarquent avec sécurité; mais à l'instant Lambert les enveloppe, les fait prisonniers, et s'empare du canot.

      Djezzar avait envoyé des émissaires aux Naplouzains, et aux villes de Saïd, de Damas et d'Alep. Il leur avait fait passer beaucoup d'argent pour faire lever en masse tous les musulmans en état de porter les armes, afin, disait-il dans ses firmans, de combattre les infidèles.

      Il leur annonçait que les Français n'étaient qu'une poignée d'hommes; qu'ils manquaient d'artillerie, tandis qu'il était soutenu par des forces anglaises formidables, et qu'il suffisait de se montrer pour exterminer Bonaparte et son armée.

      Cet appel produisit son effet. On apprit par les chrétiens qu'il se faisait à Damas des rassemblements de troupes, et qu'on établissait des magasins considérables au fort de Tabarié, occupé par les Maugrabins.

      Djezzar, dans l'assurance de voir paraître au premier moment l'armée combinée de Damas, faisait de fréquentes sorties, qui lui coûtaient beaucoup de monde.

      Bonaparte attendait encore, le 12, son artillerie de siége qui devait lui arriver par mer; il apprend ce jour-là même que trois bâtimens de la flottille partie de Damiette, et chargée de provisions de bouche et de guerre, avaient, par une brume très forte, donné dans l'escadre anglaise qui s'en était emparée, mais que le reste de la flottille était heureusement arrivé à Jaffa. Ces trois bâtimens portaient quelques pièces de siége; quant aux frégates, qui, après la prise de Jaffa, avaient dû appareiller d'Alexandrie, on n'en avait point encore de nouvelles.

      On continue de battre en brèche, on fait sauter une portion de la contrescarpe. Bonaparte ordonne qu'on tente de se loger dans la tour de la brèche; mais l'ennemi l'avait tellement remplie de bois, de sacs de terre, et de balles de coton auxquelles les obus avaient mis le feu, que l'entreprise ne put réussir. On fut contraint d'attendre quelques pièces de siége et d'autres munitions pour faire une nouvelle attaque. Provisoirement, on travaille à pousser un rameau, à l'effet d'établir une mine sous la tour de brèche et de la faire sauter; ce qui aurait ouvert la place. Cet ouvrage était important; l'ennemi en a connaissance et fait de nouvelles sorties, dans l'intention de s'emparer de la mine; mais il est toujours repoussé avec perte.

      Djezzar était parvenu à soulever et faire armer les habitans de Sour, l'ancienne Tyr. Le général Vial part le 14, à la pointe du jour, pour s'en rendre maître. Il y arrive après onze heures de marche, par des chemins impraticables pour l'artillerie. Il trouve au passage du cap Blanc, sur le haut de la montagne, les restes d'un château bâti par les Mutualis, il y a cent cinquante ans, et détruit par Djezzar. Après avoir passé le cap Blanc, et en entrant dans la plaine, il reconnaît les vestiges d'un fort et les ruines de deux temples.

      À l'approche du général Vial et de ses troupes, les habitans de Sour effrayés avaient pris la fuite. On les rassure; on leur promet paix et protection s'ils renoncent à leurs dispositions hostiles, ils rentrent dans la ville; Turcs et chrétiens sont également protégés. Le général Vial laisse à Sour une garnison de deux cents Mutualis, et rentre le 16 germinal, avec son détachement, dans le camp sous Acre.

      Le 18, à la pointe du jour, l'ennemi fait une sortie générale sur trois colonnes; à la tête de chacune d'elles on voit des troupes anglaises tirées des équipages et des garnisons des vaisseaux; les batteries de la place étaient servies par des canonniers de cette nation.

      On reconnaît aussitôt que le but de cette sortie est de s'emparer des premiers postes et des travaux avancés; à l'instant on dirige, des places d'armes et des parallèles, un feu si violent et si bien nourri sur les colonnes, que tout ce qui s'est avancé est tué ou blessé. La colonne du centre montre plus d'opiniâtreté que les autres. Elle avait ordre de s'emparer de l'entrée de la mine; elle était commandée par un capitaine anglais, ce même Thomas Aldfield qui entra le premier dans le cap de Bonne-Espérance. Cet officier s'élance avec quelques braves de sa nation à la porte de la mine; il tombe à leurs pieds,


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