Histoire amoureuse des Gaules; suivie des Romans historico-satiriques du XVIIe siècle, Tome III. Bussy Roger de Rabutin
vaincre et de tout entreprendre,
Et par des raisons lui fit voir
Que la Place devoit se rendre;
Mais la Gloire lui fit entendre
Que bien souvent un noble désespoir
Fait faire des efforts qu'on ne sauroit comprendre.
Il se laisse toucher à ce zèle pressant,
Et sans différer il consent
Que la Gloire se satisfasse.
On fait trois jours de trève, et la Gloire d'abord,
Pour mettre enfin l'Amour et la Vertu d'accord,
Se présente devant la place.
Mais quels plaisirs ne goûte pas
Un cœur que la Vertu possède,
Quand la Gloire avec ses appas
Se présente et vient à son aide!
La Vertu la reçut avec empressement,
Lui donna d'abord audience;
Il est vrai que par bienséance
Tout se passa publiquement.
Le monde sait que d'ordinaire
La Vertu n'a point de secret,
Et qu'elle auroit bien du regret
Si chacun ne voyoit tout ce qu'elle veut faire.
Pour persuader la Vertu,
La Gloire mit tout en usage,
Et lui fit voir qu'elle avoit combattu
Jusqu'alors à son avantage;
Qu'elle ne seroit pas moins sage 28
Pour être bien avec l'Amour,
Et que peut-être à son dommage
Il faudroit y venir un jour;
Que ce n'étoit pas une honte
De céder à ce conquérant;
Qu'elle même étoit son garant,
Et que le cœur d'Iris y trouveroit son compte;
Qu'il falloit céder au vainqueur
De l'air, de l'onde et de la terre,
Et que la paix, en matière de cœur,
Valoit cent fois mieux que la guerre.
Enfin la Gloire agit avec tant de douceur,
Avec tant d'adresse et d'ardeur,
Qu'on reçut ses conseils comme de vrais oracles.
La Vertu répondit par des remercîmens,
Et prit un jour pour vaincre les obstacles
Que pouvoient apporter ses nobles sentimens.
Alors, la Gloire crut qu'il étoit nécessaire
Qu'Amour fût instruit de l'affaire.
L'Amour lui répondit qu'il tiendroit à bonheur
Qu'elle voulût lui rendre office:
L'Amour acquiert bien de l'honneur,
Lorsque la Gloire agit pour lui rendre service.
Cependant le Conseil s'assemble au cœur d'Iris,
Et la Vertu prend les avis
Pour rendre réponse à la Gloire.
On conclut à la paix, et dès le même jour,
Ce qu'on ne peut qu'à peine croire,
Le cœur d'Iris hait moins l'Amour.
Ensuite on parle, on demande, on propose,
Et pour ne perdre pas le temps,
La Gloire règle toute chose
Et fait dresser les articles suivans.
Que dans le cœur d'Iris, sans nulle dépendance,
L'Amour et la Vertu vivroient d'intelligence,
Et que tous les beaux sentimens
Obéiroient à leurs commandemens.
Que la Gloire pourroit revenir à toute heure
Y faire sa demeure,
Soit dans un temps de guerre on dans un temps de paix,
Sans que l'Amour le pût trouver mauvais.
Que l'Amitié ne seroit point chassée,
Et qu'elle seroit caressée.
Qu'on feroit sortir à l'instant,
Balle en bouche et tambour battant,
Les troupes d'Indifférence,
Et qu'elle iroit faire sa résidence
Dans quelque ingrat et froid séjour,
Loin de l'empire de l'Amour.
Que la Tranquillité pourroit aussi, par grâce,
Aller et venir dans la place,
Mais que l'Amour lui pourroit ordonner
De n'y pas toujours séjourner.
Que l'Amour, conduit par la Gloire,
Pour triomphe de la Victoire,
Entreroit dans le cœur d'Iris
Avec les Jeux, les Appas et les Ris;
Que ces troupes seroient suivies
De quelques autres compagnies.
Qu'il seroit permis à l'Amour
De retenir à sa cour,
Quand il lui prendroit fantaisie,
L'Inquiétude avec la Jalousie,
Mais que présentement
L'Amour consent à leur éloignement.
Que la Hardiesse et l'Audace
N'entreroient jamais dans la place,
Et que la Ruse aussi ne pourroit obtenir
Nul passage pour y venir.
Que tous ces grands donneurs d'allarmes,
Comme Chagrins, Soucis et Larmes,
N'entreroient point au cœur d'Iris,
Et que, s'ils osoient l'entreprendre,
La Justice, les voyant pris,
Les casseroit sans les entendre 29.
Les articles furent signés.
Tout se passa de bonne grâce.
Les otages étant donnés,
L'Amour incognito fut visiter la place.
Les Festins, les Cadeaux, les Bals et les Concerts,
Troupes aussi belles que fortes,
Allèrent se poster aux portes,
Trouvant les passages ouverts.
Leur
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On appeloit «cassation de soudrilles» le licenciement des troupes.