Madame Putiphar, vol 1 e 2. Petrus Borel

Madame Putiphar, vol 1 e 2 - Petrus  Borel


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le cimier touffu l’enveloppe et l’inonde

      Comme fait le lampas autour des palanquins.

      Son cheval andalous agite un long panache

      Et va caracolant sous ses étriers d’or,

      Quand il fait rayonner sa dague et sa rondache

      Avec l’agilité d’un vain toréador.

      Le second cavalier, ainsi qu’un reliquaire,

      Est juché gravement sur le dos d’un mulet,

      Qui feroit le bonheur d’un gothique antiquaire;

      Car sur son râble osseux, anguleux chapelet,

      Avec soin est jetée une housse fanée;

      Housse ayant affublé quelque vieil escabeau,

      Ou caparaçonné la blanche haquenée

      Sur laquelle arriva de Bavière Isabeau.

      Il est gros, gras, poussif; son aride monture

      Sous lui semble craquer et pencher en aval:

      Une vraie antithèse, – une caricature

      De carême-prenant promenant carnaval!

      Or, c’est un pénitent, un moine, dans sa robe

      Traînante enseveli, voilé d’un capuchon,

      Qui pour se vendre au Ciel ici-bas se dérobe;

      Béat sur la vertu très à califourchon.

      Mais Sabaoth l’inspire, il peste, il jure, il sue;

      Il lance à ses rivaux de superbes défis,

      Qu’il appuie à propos d’une lourde massue:

      Il est taché de sang et baise un crucifix.

      Pour le tiers cavalier, c’est un homme de pierre,

      Semblant le Commandeur, horrible et ténébreux;

      Un hyperboréen; un gnôme sans paupière,

      Sans prunelle et sans front, qui résonne le creux

      Comme un tombeau vidé lorsqu’une arme le frappe.

      Il porte à sa main gauche une faulx dont l’acier

      Pleure à grands flots le sang, puis une chausse-trappe

      En croupe où se faisande un pendu grimacier,

      Laid gibier de gibet! Enfin pour cimeterre

      Se balance à son flanc un énorme hameçon

      Embrochant des filets pleins de larves de terre,

      Et de vers de charogne à piper le poisson.

      Le premier combattant, le plus beau, – c’est le monde!

      Qui pour m’attraire à lui me couronne de fleurs;

      Et sous mes pas douteux, quand la route est immonde

      Étale son manteau, puis étanche mes pleurs.

      Il veut que je le suive, – il veut que je me donne

      Tout à lui, sans remords, sans arrière-penser;

      Que je plonge en son sein et que je m’abandonne

      A sa vague vermeille – et m’y laisse bercer.

      C’est le monde joyeux, souriante effigie!

      Qui devant ma jeunesse entr’ouvre à deux battants

      Le clos de l’avenir, clos tout plein de magie,

      Où mes jours glorieux surgissent éclatants.

      Ineffable lointain! beau ciel peuplé d’étoiles!

      C’est le monde bruyant, avec ses passions,

      Ses beaux amours voilés, ses laids amours sans voiles,

      Ses mille voluptés, ses prostitutions!

      C’est le monde et ses bals, ses nuits, ses jeux, ses femmes,

      Ses fêtes, ses chevaux, ses banquets somptueux,

      Où le simple est abject, les malheureux, infâmes!

      Où qui jouit le plus est le plus vertueux!

      Le monde et ses cités vastes, resplendissantes,

      Ses pays d’Orient, ses bricks aventuriers,

      Ses réputations partout retentissantes,

      Ses héros immortels, ses triomphants guerriers,

      Ses poètes, vrais dieux, dont, toutes enivrées,

      Les tribus baisent l’œuvre épars sur leurs chemins,

      Ses temples, ses palais, ses royautés dorées,

      Ses grincements, ses bruits de pas, de voix, de mains!

      C’est le monde! Il me dit: – viens avec moi, jeune homme,

      Prends confiance en moi, j’emplirai tes désirs;

      Oui, quelque grands qu’ils soient je t’en paierai la somme!

      De la gloire, en veux-tu?.. J’en donne!.. Des plaisirs?..

      J’en tue – et t’en tuerai!.. Ces femmes admirables

      Dont l’aspect seul rend fou, tu les posséderas,

      Et sur leurs corps lascifs, tes passions durables

      Comme sur un caillou tu les aiguiseras!

      Le second combattant, celui dont l’attitude

      Est grave, et l’air bénin, dont la componction

      A rembruni la face: Or, c’est la solitude,

      Le désert; c’est le cloître où la dilection

      Du Seigneur tombe à flots, où la douce rosée

      Du calme, du silence, édulcore le fiel,

      Où l’âme de lumière est sans cesse arrosée:

      Montagne où le chrétien s’abouche avec le Ciel!

      C’est le cloître! Il me dit: – Monte chez moi, jeune homme,

      Prends confiance en moi, quitte un monde menteur

      Où tout s’évanouit, ainsi qu’après un somme

      Des songes enivrants; va, le seul rédempteur

      Des misères d’en bas, va, c’est le monastère,

      Sa contemplation et son austérité!

      Tout n’est qu’infection et vice sur la terre:

      La gloire est chose vaine, et la postérité

      Une orgueilleuse erreur, une absurde folie!

      Voudrois-tu sur ta route élever de ta main

      Un monument vivace?.. Hélas! le monde oublie,

      Et la vie ici-bas n’a pas de lendemain.

      Viens goûter avec moi la paix de la retraite;

      Laisse l’amour charnel et ses impuretés;

      Romps, il est temps encor; ton âme n’est pas faite

      Pour un monde ainsi fait; de ses virginités

      Sois fidèle gardien; viens! et si la prière,

      La méditation ne pouvoit l’étancher,

      Alors tu descendras dans la sombre carrière

      De la sage science, et tu pourras pencher

      Sur ses sacrés creusets ton front pâle de veilles,

      Magnifier le Christ – et verser le dédain

      Sur la Philosophie outrageant ses merveilles

      Du haut de ses tréteaux croulants de baladin;

      Tu pourras, préférant l’étude bien aimée

      De l’art, lui


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