Le crime et la débauche à Paris. Charles Desmaze

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punitions disciplinaires à infliger aux filles continuent, dit la note, à être infligées par le préfet, et, dans le cas d'une réclamation, par la commission, qui entend la fille arrêtée; dans cette commission entrent le préfet lui-même et deux commissaires de police.

      La dernière recommandation est adressée au service médical, qui doit s'abstenir de procéder à la visite corporelle, quand une résistance est rencontrée chez la fille; l'incident est alors soumis au préfet. Telles sont, en résumé, les instructions données aux agents des mœurs et qui limitent le champ, dans lequel ils doivent agir. On voit que, dans une ville comme à Paris, théâtre de tant de désordres, il est bien difficile d'agir avec plus de mesure, de circonspection, de manière à sauvegarder les intérêts publics et privés. Comment, sur le grand nombre, éviter une erreur? On en a signalé parfois, avec grand bruit, mais sans preuves le plus souvent.

      LE DIVORCE

      I

      LE DIVORCE

      Trop heureux si bientôt la faveur d'un divorce

      Me soulageait d'un joug, qu'on m'imposa par force.

(Racine. —Britannicus, II).

      Nous venons d'exposer les chiffres, le personnel du crime et de la débauche à Paris. A toutes les causes suffisantes de dissolution pour la société Française, si profondément travaillée déjà, est venue, dans ces derniers temps, s'en ajouter une nouvelle qui, suivant nous, s'attaque à la famille elle-même et la détruit. Nous voulons parler ici du divorce, dont bien des unions, déjà désorganisées ou séparées judiciairement, attendent la prochaine proclamation, comme un bienfait, comme une libération. Divorçons69 est la devise, trop facilement acceptée par des époux qui ont, à peine, essayé du mariage et qui s'en montrent, de suite, dégoûtés, ne voulant pas comprendre qu'il est indissoluble, dans son essence70 civile et religieuse, comme étant de toutes les actions celle qui intéresse le plus la société.

      Molière, ce grand penseur, ce grand écrivain, ce martyr résigné a écrit, dans l'École des femmes (III):

      Le mariage, Agnès, n'est point un badinage,

      A d'austères devoirs le rang de femme engage.

      De son côté, Bourdaloue, s'écriait avec éloquence: «On ne regarde plus, ce semble, le mariage, comme une chose71 sacrée, mais comme une affaire temporelle et comme une simple négociation.»

      Enfin, et à un autre point de vue72, Buffon constatait que, dans son temps, c'est-à-dire il y a près de cent ans, chaque mariage produisait à Paris73 environ quatre enfants deux tiers, au lieu qu'à présent chaque mariage ne produit, tout au plus, que quatre enfants!

      Dans les autres pays (moins riches et peut-être à cause de cette situation même, car la misère est prolifique), la population augmente et, en France, nous la voyons décroître, sans nous en préoccuper, sans en rechercher74 les causes, sans en appliquer les remèdes possibles. Les logements doivent être aérés, les aliments doivent être sains et surveillés sur les marchés, les boissons, trop souvent frelatées, troublent les cerveaux et déterminent de fréquentes maladies des centres nerveux. Il y a là, dans les ménages, pour la conception, tout un ensemble de phénomènes mystérieux à étudier, à prévenir, à guérir, par une science75 habile. Ce sont là, suivant nous les grands horizons, sur lesquels se doivent porter les méditations des gouvernements, des législateurs.

      Il ne nous paraît pas que le projet de loi sur le Divorce réponde à un besoin vrai de notre société Française, ou à une nécessité de notre temps; jusqu'à preuve contraire et attendue, nous n'y voyons qu'une machine de guerre, destinée à détruire la famille et la propriété, réglées dans leur constitution et leur transmission, par des lois éclairées.

      Avec la nature mobile du caractère français, avec les impressions passagères qui le dirigent trop souvent, le mariage deviendra la satisfaction éphémère d'un caprice et, après un certain temps, les conjoints reprendront, à leur gré, leur liberté76, pour voler à de nouvelles épreuves, toujours charmantes au début, pénibles seulement à la longue, quand est venue la satiété. Châteaubriand lui-même disait dans sa vieillesse, charmée pourtant par madame de Récamier: «J'ai baillé ma vie!»

      II

      DU DIVORCE DANS L'ANTIQUITÉ

      Il faut, pour se prononcer, sur la question qui nous occupe, jeter un coup d'œil sur le droit ancien et les législations étrangères, que les études, si consciencieusement77 rappelées dans sa thèse de doctorat, par M. E. Combier, à qui nous empruntons ce qui va suivre, permettent d'examiner, avec certitude. Les différences des mœurs, des coutumes, des habitudes, des époques apparaissent, à chaque pas, sans qu'il soit besoin d'y insister, et démontrent l'abaissement, l'esclavage muet et humilié, sous lequel la femme fut et est encore maintenue.

      En Chine, la femme dépend de son père avant le mariage, de son mari pendant le mariage et de son fils, lorsqu'elle est veuve. (Confucius. Davis. The Chinese.) La polygamie n'est pas permise, mais le concubinage est autorisé, le divorce peut être demandé pour adultère, stérilité de la femme, conduite licencieuse, que des grilles solides rendent difficile.

      Les Japonais, dont la législation semble perfectionnée déjà, bien qu'ils aient cru devoir la soumettre à deux78 professeurs de la Faculté de Droit de Paris, ont, sur leurs femmes, un pouvoir absolu, ils peuvent même les vendre, en cas de pressant besoin, les renvoyer, en cas de stérilité, ou de babil, comme un perroquet, les tuer, en même temps, que le complice d'adultère, mais non séparément, sous peine d'être poursuivis comme meurtriers. Là, les mœurs exigent tout de la femme, rien du mari – ce dernier est le chef, le maître, à qui sa femme est liée, par une chaîne, que la mort79 peut, à peine, rompre, dit M. Bousquet. – Le divorce est rarement prononcé au Japon s'il y a des enfants; si le divorce est cependant obtenu, les enfants restent à la garde du père.

      Dans l'Inde, le mariage n'était dissous que pour cause de stérilité, après huit années sans enfants, ou si, au bout de douze ans, la femme n'avait donné naissance qu'à des filles. (Lois de Manou.) L'adultère donnait lieu au divorce, et, dans ce cas, la femme était punie par la perte de sa dot.

      En Perse, la femme peut être répudiée, deux fois de suite, elle peut aussi obtenir le divorce, pour cause de misère, d'actes immoraux ou d'impuissance du mari.

      Dans la Grèce, le divorce était fréquent, mais entouré pour les femmes, de grandes difficultés, elles pouvaient, nous apprend Hérodote, être répudiées pour cause de stérilité, et flétries pour adultère.

      Pour les Juifs, le divorce fut autorisé par la loi de Moïse, «afin, dit saint Jérôme, de permettre, comme remède à des misères ou chagrins domestiques, de prendre de nouvelles épouses plus jeunes, plus belles, plus riches.» (Saint Jean Chrysostome, 12e homélie.)

      La conséquence de l'adultère de la femme Juive n'était pas le divorce, mais la mort. L'adultère du mari n'était puni que lorsqu'il était trouvé, en flagrant délit, avec une femme mariée. (L. de Modène. Cérémonies et coutumes des Juifs. Lettres patentes de juin 1776.)

      A Rome, d'après Plutarque (Vie de Romulus), les maris pouvaient répudier leurs femmes, coupables de supposition de part, voleuses avec fausses clefs, ayant préparé du poison, commis un adultère ou s'étant mises en état d'ivresse. (Aulu-Gelle, Nuits Attiques, liv. X, chap. XXIII.)

      Dans


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<p>69</p>

Titre d'une comédie, donnée par Victorien Sardou. (1880.)

<p>70</p>

Montesquieu. Esprit des Lois XXVI.

<p>71</p>

Sermon. Deuxième dimanche après l'Épiphanie.

<p>72</p>

Problèmes de la vie. (Pièces justificatives XXIX.)

<p>73</p>

Dans les familles riches, les unions sont presque toujours limitées à un ou deux enfants, souvent stériles pour des causes du domaine de la médecine ou de la chirurgie, croyons-nous. En Normandie, pays où l'on calcule tout, les mariages sont improductifs.

<p>74</p>

On s'attache toujours ici aux mesquines et petites mesures; tandis que pour diminuer les causes d'insalubrité, de mortalité, on défend dans l'intérieur de Paris, d'élever des pigeons, des lapins, – on entasse dans les bâtiments de l'ancien Hôtel-Dieu, près du nouvel Hôtel-Dieu, près de la caserne de la Cité, – les varioleux, qu'il faudrait isoler loin des habitations, dans les hôpitaux excentriques, et, tandis que l'on prescrit aux pharmaciens de ne livrer que, sur ordonnance des médecins, quelques centigrammes d'arsenic, de laudanum, de morphine, l'industrie les livre par centaines de kilos, sans contrôle, ce qui a permis les récents empoisonnements de Saint-Denis.

<p>75</p>

Il y a à Paris 2,300 médecins civils et 1,300 pharmaciens ou herboristes. Ce chiffre est utile à connaître par ce temps de batailles, de morts, de blessures et, par la même raison, on donne le chiffre des sages-femmes: 600.

<p>76</p>

Dans certains magasins, on reprend, après quelque temps écoulé, les objets ayant cessé de plaire, cette facilité est-elle possible pour l'union conjugale? Que l'on y songe, dans l'intérêt de la jeune fille, toujours sacrifiée et dévoyée par l'époux expérimenté.

<p>77</p>

Paris, 1880. Durand, éditeur, rue Soufflot.

<p>78</p>

M. Bousquet. Le droit au Japon. (Revue des Deux-Mondes, juillet 1875.)

<p>79</p>

C'est la vieille chanson de nos campagnes, en Bretagne:

Enfin, vous voilà donc ma belle mariée,Enfin, vous voilà donc à votre époux liée,Avec un long fil d'or,Qui ne rompt qu'à la mort!