Le crime et la débauche à Paris. Charles Desmaze

Le crime et la débauche à Paris - Charles Desmaze


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désordres signalés, les découvertes faites, les scandales retentissants devaient naturellement inspirer aux écrivains quelques ouvrages, de nature à attirer l'attention publique.

      Bien qu'il fût difficile à cette époque de se procurer les documents nécessaires pour toucher du doigt le mal, révéler les choses laissées dans l'ombre et chercher profondément le remède, il n'était pas impossible, tout au moins, de se livrer à quelques investigations, à certaines constatations.

      C'est ainsi que l'ouvrage de Pierre Manuel, la Police de Paris dévoilée, fut rédigé, sur les registres secrets des inspecteurs des mœurs, sous Louis XV, enlevés lors de la prise de la Bastille et transportés à la Commune de Paris, dont Manuel était un administrateur.

      L'ordonnance du 6 novembre 1778 portait: sur ce qui nous a été remontré par notre Procureur du Roi que le libertinage est aujourd'hui porté à un point que les filles et femmes publiques, au lieu de cacher leur infâme commerce, ont la hardiesse de se montrer, pendant le jour, à leurs fenêtres, d'où elles font signe aux passants pour les attirer; de se tenir, le soir, sur leurs portes, et même de courir les rues, où elles arrêtent les personnes, de tout âge et de tout état; qu'un pareil désordre ne peut être réprimé que par la sévérité des peines prescrites par les lois, et capables d'imposer, tant aux filles et femmes de débauche, qu'à ceux qui les soutiennent et favorisent, pourquoi, il requiert y être, par nous pourvu en conséquence: Article 1er: Faisons très expresses inhibitions et défenses à toutes femmes et filles de débauche, de raccrocher dans les rues, sur les quais, places et promenades publiques, et sur les boulevards de cette ville de Paris, même par les fenêtres, le tout sous peine d'être rasées et enfermées à l'Hôpital, même en cas de récidive, de punition corporelle, conformément aux dites ordonnances, arrêts et règlements.

      La loi municipale du 19 juillet 1791 n'étant pas applicable aux filles publiques, le Directoire exécutif, par son message de l'an IV, avait demandé une loi spéciale, mais il n'en a été rendu aucune.

      M. Debelleyme, devenu de Procureur du Roi à Paris (1826, juillet), préfet de police, avait tenté de défendre aux filles de se montrer sur la voie publique, en dehors des habitations où elles étaient tolérées58.

      L'article 330 du Code pénal et l'article 334 devraient être appliqués, à défaut de l'ordonnance de 1778, dont les dispositions demeurent implicitement abrogées.

      Dès 1269, le Parlement de Paris condamnait à la peine de mort une femme, qui donnait à ses victimes des breuvages pour les endormir et les59 dévaliser ainsi plus facilement, pendant leur sommeil. (Archives nationales. Procès criminels, vol. LIV.)

      On voit que l'innovation, en cette matière, n'a heureusement pas fait, jusqu'à nous, grands progrès, malgré le magnétisme et l'hypnotisme.

      L'emploi des narcotiques pour endormir les victimes était, au dix-huitième siècle, connu60 et pratiqué, comme nous l'apprend la série des procédures, suivies en la Chambre de l'Arsenal, constituée par ordonnance royale, pour l'expédition des crimes d'empoisonnement et autres cas énormes.

      Pendant le long règne de Louis XIV, dit le Grand, il y eut quatre procès, qui préoccupèrent le roi et toute la nation: la procédure suivie contre le surintendant Fouquet, lequel meurt subitement en la forteresse de Pignerol (avril 1680), l'affaire concernant le chevalier de Rohan, enfin ces décès si rapides, si nombreux, que les poisons, apportés de l'Italie ou fabriqués dans des laboratoires inconnus, rendaient dans toutes les familles foudroyants et mystérieux. La poudre de succession était répandue partout, non seulement dans les mets d'un souper joyeux, mais dans les parfums subtils d'un bouquet, dans les gants mis pour un bal, dans les perles d'un collier, placé sur les épaules.

      Si Reich de Penautier, receveur général du clergé, fut acquitté, faute de preuve, de la prévention d'avoir empoisonné son prédécesseur, la Chambre de l'Arsenal prononça, de 1679 à 1682, 36 sentences de mort, 226 accusés appartenant à toutes les conditions sociales, étaient traduits devant elle, et les prisons d'État ensevelirent dans leur ombre, ceux qui ne furent pas condamnés. C'était plus que la mort, c'était l'oubli dans une tombe ignorée.

      La Brinvilliers avait été brûlée en place de Grève, le 16 juillet 1676, et M. le premier président Lamoignon avait dit au prêtre qui assistait cette grande coupable: Nous avons intérêt pour le public que ses crimes meurent avec elle, et qu'elle prévienne, par une déclaration de ce qu'elle sait, toutes les suites qu'ils pourraient avoir. (Pierre Clément.La Chambre de l'arsenal, 1864. —Le gouvernement de Louis XIV.Le procès de La Voisin. Bibliothèque nationale, manuscrits français, 7608. – Archives nationales. —Bibliothèque du Corps législatif et bibliothèque nationale, recueil Bouilland, manuscrit S. F. 997.

      Malgré les supplices édictés par cette lente et rigoureuse justice, dès le 21 septembre 1677, un billet anonyme, trouvé dans un confessionnal de l'église des jésuites de la rue Saint-Antoine, révélait le projet d'empoisonner le roi et le dauphin. Des soupçons s'élevèrent contre quelques gentilshommes de l'Artois, mais ils tombèrent n'étant étayés d'aucune preuve.

      Il est curieux de lire les rapports des chirurgiens jurés experts, reçus à Saint-Côme, qui visitent les victimes, les reconnaissent atteintes de la crystalline, tumeur qu'il leur est expressément défendu de panser et médicamenter. (Arrêt rendu, pour crimes contre nature, par le lieutenant général de police, Réné Hérault, lieutenant de police, contre Nicolas Deschauffours, le 25 mai 1726, le condamnant à être brûlé en Grève, avec la minute de l'arrêt, puis, ce fait, les cendres jetées et semées au vent, les biens confisqués au profit du Roy, après prélèvement de trois mille livres d'amende.

      Il était de tradition, parmi tous les médecins61, depuis cent ans, de considérer comme appartenant au domaine de la jonglerie et de la mystification tous les phénomènes, qui rentraient dans ce qu'on appelait le magnétisme animal ou somnambulisme provoqué. D'après la communication faite au congrès de Reims par le docteur Richet62, il faut beaucoup rabattre de cette opinion.

      En étudiant l'hypnotisme, le professeur Heidenhein, de Breslau, a été amené à constater que les phénomènes de somnambulisme artificiel peuvent parfaitement être reproduits par des passes et des frictions, convenablement exécutées. Au bout d'un certain temps la sensibilité du patient s'émousse, les muscles se contractent et prennent une rigidité singulière. Puis la volonté s'assoupit, comme paralysée. A ce moment, la personne magnétisée n'est plus en état de combiner et de méditer ses sensations, de manière à en déduire une interprétation du monde extérieur, et à prendre, par elle-même, une détermination. Mais il se manifeste des phénomènes réflexes très bizarres. Si l'on irrite la peau de la région dorsale des vertèbres pectorales, les bras se lèvent comme d'eux-mêmes au-dessus de la tête. Mais il y a mieux encore: les mouvements perçus d'une façon inconsciente à l'aide de la vue et de l'ouïe, sont imités automatiquement par l'hypnotisé. Si vous criez: au feu! il fera le geste d'un homme qui se brûle. Quant à l'explication, elle demeure encore absolument hypothétique, et se rattache, sans doute, aux problèmes les plus mystérieux de la physiologie mentale. Mais, il n'est pas moins très important que les phénomènes de cet ordre aient enfin reçu droit de cité, dans le monde scientifique. Trop de savants, en effet, par l'excès d'une qualité, sont amenés à nier les faits qu'ils ne comprennent pas, c'est-à-dire qu'ils ne peuvent classer encore à côté d'autres faits déjà connus. C'est l'opposé du credo quia absurdum des catholiques. Il ne faut jamais croire ce qui est absurde, mais il faut se garder de déclarer absurde tout phénomène nouveau ou même rebelle aux théories classiques. On doit observer la nature sans parti pris, et, comme un loyal juré, dire sur ce qu'on a vu, la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.

      VII

      MESSAGE DU DIRECTOIRE EXÉCUTIF. – LE CODE PÉNAL. – NOMBRE DES MAISONS DE


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<p>58</p>

Histoire des galeries du Palais-Royal, par Lefeuve.

<p>59</p>

L'individu coupable de viol était, quel que fut l'âge de la victime, condamné à être pendu. – (Beaumanoir, chapitre XXX.) Bouteillier (livre Ier, titre XXIX) les coupables doivent être traînés jusques à la justice et pendus, tant qu'ils soient morts et étranglés. – Dans les registres criminels du Châtelet et dans le registre de Saint-Martin-des-Champs, publié par l'érudit M. Tanon, directeur des grâces au ministère de la justice (Willem, éditeur, Paris 1877), on lit le supplice suprême, prononcé pour viol, contre Oudot Guigue et aussi contre Jehannin Agnes, tailleur, qui avait abusé de ses deux apprenties, Perrette et Souplice, âgées de douze ans, par force, les avait jetées à terre, puis efforcées, percé leur nature tout oultre, et fist de l'iaue chauffer pour laver leur nature. – (Sentence du 21 janvier 1337, exécutée par Pons Duboys.)

<p>60</p>

Bibliot. nationale (manuscrits). Supp. Fr. 10,969.

<p>61</p>

Rapport sur le magnétisme, présenté à l'Académie de médecine par M. le docteur Husson, l'excellent et affectueux praticien de l'Hôtel-Dieu et du lycée Louis le Grand.

<p>62</p>

Voir les beaux et remarquables travaux, suivis par M. le professeur Charcot en sa clinique, et à l'hôpital Lariboisière, par M. le docteur Proust (de l'Académie de médecine). La cour d'assises de Rouen a condamné, pour viol, un dentiste qui avait, en l'endormant, par l'apposition d'une bague sur le front, abusé de sa victime, la mère présente et regardant par la fenêtre!