Le crime et la débauche à Paris. Charles Desmaze
folieuse (Bibl. Nat., manuscrits français, 13635, Fr. supp., 4945).
De là serait venu le proverbe:
Bonne renommée
Vault mieux que ceinture dorée.
A Paris, dès 1259, par les ordonnances du bon roi saint Louis, les prostituées étaient cantonnées, dans certains quartiers: la Cité, la rue Glatigny, rues de Mascon, de la Boucherie, du Clos-Breuneau, Froidmanteau, Robert de Paris, Baillehoe, de Tion, Chapon, de Champfleury.
Les règlements se succèdent, mais toujours impuissants. Le 3 février 1368, le roi Charles défend: qu'on tienne doresnavant bordeau, rue du Chapon, près le cimetière Saint-Nicolas-des-Champs. On forniquait même dans le cimetière des Innocents, nous apprend un chroniqueur indigné.
Le 8 janvier 1415. – Ordonnance du prévôt de Paris reproduisant, pour les prostituées, les mesures édictées par saint Louis, sous peine d'être brûlées d'un fer chaud, tournées au pilori, mises hors la ville.
Défense aussi de porter or, argent, boutonnières d'or et d'argent sur les habits (Livre rouge, vieil du Châtelet).
Malgré les sévérités des ordonnances royales de saint Louis (1259), du roi Charles (3 février 1368), du prévôt de Paris (8 janvier 1415), les lupanars confinaient aux salles des cours et détournaient les étudiants. Guillaume Breton (Philippidos. Lib. I), nous révèle ces malsaines habitudes, qui ne respectaient même pas les cimetières. (La Taille de Paris, 1292.)
Au treizième siècle, dans une enquête suivie à Douai, le procureur de messieurs du Chapitre de Saint-Amé répudie le témoignage de Waghe le Vaut, produit par les échevins, parce qu'il est homme de mauvaise vie, qu'il est nommé en ceste ville, roi des ribaulds, tient femmes folles, qui sieent èsbordiaux et waguent en péchié de leur corps.
En 1242, une ordonnance des échevins de Douai porte que les jeux de dés, breleng, boules et autres étant interdits au roi des ribaulds, il percevra, à l'avenir, sur chaque femme de folle vie, demeurant à Douai, en estuves ou en bourdel, pour bienvenue, pour la première fois, deux gros; sur chacune de ces femmes, par mois, un gros; si elles changent de maison, en ville, un gros; sur chaque individu hébergeant ou soutenant telles femmes de folle vie, un gros chaque mois; sur chaque femme d'estuve ou de bourdel, à la saint Pierre, un gros, et à la fête de saint Rémy, un gros; sur les femmes mariées, filles ou meskines, qui mésuseront de leur corps, ledit roi pourra prendre, à son profit, le mantel ou chaperon; de même, l'habit du ladre, venant habiter la ville sans permission. (Archives de Douai. Layette, 34, armoire 7, cartulaire B.)
II
APPARITION DU MAL VÉNÉRIEN (SENTENCE DE MOISSAC, 1303). – ACCROISSEMENT DES MAISONS DE FILLES. – ORDONNANCE DE CHARLES VI (1420) INDIQUANT CERTAINS QUARTIERS POUR LES PROSTITUÉES. – ARRÊT DU PARLEMENT (1496) POUR ARRÊTER LES PROGRÈS DE LA CONTAGION.
D'après une sentence consulaire de Moissac (relevée par l'historien de cette ville, M. Lagrèze-Fossat), dès 1303, la femme Naude, épouse de Bernard Dagen, procédait, comme mineure, avec l'assistance de son curateur Guiraud Alaman contre la Lombarde, femme de Bernard Marin; cette dernière est condamnée à cinq sols de Cahors et à cinq sols tournois, pour avoir appelé la demanderesse vilainement atteinte d'une maladie honteuse37, ce qui était une calomnie, bien entendu.
Un des premiers actes de Hugues Aubriot, nommé prévôt de Paris, fut d'aller visiter tous les bordeaux de Paris (1367)38.
Cette utile inspection a été renouvelée, de nos jours, par des administrateurs très pénétrés de l'accomplissement de leurs devoirs, et suivie d'une haute approbation sur la tenue du lupanar le plus élégant de Paris.
L'Église elle-même, alors39, n'avait qu'une molle indignation, pour le voisinage des belles pécheresses, confinées dans les maisons de débauche.
Au quinzième siècle même il fut dit que: les chanoines de la paroisse Saint-Merry avaient intérêt que les bordeaux restassent, dans les immeubles avoisinant l'église, parce qu'ainsi leurs loyers et rentes en valaient mieux.
Le 18 juin 1367, le Parlement, sur l'appel de Jehanne-Lapelletière, ordonne qu'elle videra d'ici à la fête de Saint-Lazare la rue Coquatrix, qui est foraine40, et où il y a un bordel, de si longtemps, qu'il n'est mémoire du contraire.
3 février 1368. – Lettre du roi Charles au prévôt de Paris, interdisant les bordeaux rue Chapon, rue Beaubourg, Simon Langevin, des Jongleurs, de Simon le Franc, de la Fontaine-Maubuée, ni autour Saint-Denis41.
Les ordonnances de Charles VII (14 septembre 1420) et arrêts du Parlement rendus en conséquence, défendent aux filles de loger ailleurs que dans les rues de l'Abreuvoir, de Mascon, de la Cour Robert de Paris, Baillehoë, Chapon, rue Pavée, à peine de confiscation, prison.
Leur fait défense aussi de tenir cabarets.
Hugues Aubriot, le 10 octobre 1368, défend de faire grandes poulaines par vanité et mondaines présomptions. (Bibliothèque nationale, manuscrits. Collection Delamare, 82).
Cette ordonnance demeura stérile, et, en 1485, Charles VIII défend aux gens, non nobles, de porter veloux et drap de soye.
Le 28 février 1375, le Parlement de Paris, statuant sur appel d'une sentence du Châtelet, condamne au pilori des Halles, avec une couronne de parchemin sur la tête, portant ces mots, en grosses lettres: Faussaire, Agnès Piédeleu, maquerelle publique. (Archives nationales. Section judiciaire.)
Des lettres sont accordées, le 28 juillet 1830, au duc d'Anjou, pour ôter un lupanar, proche de son hôtel (Ordonnance du 3 août 1387, reproduisant de précédentes prescriptions inexécutées).
Les parentés les plus hautes ne préservaient pas les contrevenantes et la nièce de M. le premier Président de Popincourt est interdite de la ville et prévôté de Paris (21 juin 1483), pour faits de débauche.
Le registre de la ville d'Amiens énonce une décision du 9 décembre 1485, prescrivant que les filles de vie malvaise et dissolute y porteront pour enseigne, une aiguillette rouge de quartier et demi de long, sur le brach dextre, au-dessus du queute, sans qu'elles puissent avoir mantils ou failles, pour couvrir ladite enseigne, ni porter chayntures d'or et d'argent, sur peine de confiscation et bannissement.
Puis en avril 1424, par lettres patentes d'Henri, roi d'Angleterre, occupant alors la France, adressées au prévôt de Paris, lui ordonnait de faire vuider d'un lieu, appelé Baillehoë, proche l'église Saint-Merry, les femmes de vie dissolue qui y tiennent clapier et bordel public, ce lieu étant un chemin, par lequel plusieurs habitants venaient à ceste église. (Registre du Châtelet, livre noir.)
A Londres, comme en Espagne, en Italie, ce pays des belles et célèbres courtisanes, que Montaigne n'admirait pas pourtant, la prostitution s'exerce librement. Elle y est réprimée seulement, comme tous les autres délits, lorsque, dans la rue, en public, elle s'exhibe et trouble l'ordre, la morale; on lui abandonne ses quartiers réservés, ses franchises, ses victimes mêmes.
Le mal de Naples a déjà fait son entrée en France et le Parlement de Paris, prévoyant pour le printemps (6 mars 1496), un progrès de la contagion, ordonne que, de par le roy, il sera fait cry que les forains hommes et femmes, attaqués de la dite maladie, sortiront de Paris, dans les vingt-quatre heures, sous peine de la hart42.
III
SEIZIÈME SIÈCLE: LES FILLES A DIJON, A PÉRONNE. – (1518) LETTRES PATENTES DE FRANÇOIS Ier SUPPRIMANT LE BORDEAU DE GLATIGNY. – (1556) ÉDIT DE HENRI II SUR LES FILLES AYANT CELÉ LEUR GROSSESSE.
Jehan Auxeau, sergent de la mairie de Dijon, afferme de 1510 à 1511, moyennant 30 livres, la maison commune où se tiennent les filles
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Voltaire croyait que cette affection, à laquelle succomba le galant François 1er, était découverte seulement avec l'Amérique. (Voir les beaux travaux de Ricord, ce vénéré maître dont l'esprit est resté jeune, comme son visage, reproduit par le sculpteur Doublemard.)
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Registre du Châtelet,
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Sous un portrait d'Isabeau de Bavière, femme de Charles VI, on lit sous une gravure, conservée au musée de Melun:
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