Aux glaces polaires. Duchaussois Pierre Jean Baptiste

Aux glaces polaires - Duchaussois Pierre Jean Baptiste


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du lac la Biche à la rivière Athabaska tombaient, du même coup, en désuétude.

      C’est alors que la Compagnie offrit à Mgr Faraud de reprendre complètement ses transports et leur distribution dans tout le Nord, y compris le passage des rapides.

      Mgr Faraud accepta d’autant plus volontiers que les guides formés par lui, mais sollicités par des offres rivales, lui devenaient de plus en plus onéreux, infidèles même; et que, d’autre part, ses infirmités, avec l’insuffisance de son personnel, lui causaient des inquiétudes sans cesse croissantes.

      Il n’eut pas la douleur de savoir que sa bonne foi allait être trompée, car il mourut l’année suivante, 1890, et ce fut Mgr Grouard qui reçut, avec l’honneur de sa succession, le fardeau aggravé de ses charges.

      La Compagnie, voyant tomber Mgr Faraud, crut-elle tenir de nouveau à ses pieds les missions du Nord? Sous de futiles prétextes, elle avertit Mgr Grouard qu’au lieu de la piastre (5 fr. 15) convenue pour le transport d’une pièce, d’un fort à l’autre, il aurait à en payer deux.

      Se soumettre à pareille exaction, c’était en peu d’années saigner à blanc l’œuvre vitale. Mgr Grouard rompit en visière, et déclara qu’il se passerait de la Compagnie.

      On était en 1891. Il se hâta de «sortir du Mackenzie», où ses bulles venaient de l’atteindre, se fit bâtir un hangar, à lui, à Athabaska-Landing, par les Pères Husson et Collignon, reçut, en passant à Saint-Boniface, la consécration épiscopale, et, la besace sur l’épaule, continua sa course à travers le Canada, les Etats-Unis et l’Europe, pour mendier de la charité chrétienne le salut de ses missions.

      Il réussit.

      En 1892, une scierie à vapeur, fruit de ces aumônes, s’installait au lac Athabaska et débitait les planches destinées à devenir la coque du steamer Saint-Joseph.

      Le Saint-Joseph pouvait desservir le lac Athabaska, la rivière la Paix jusqu’aux chutes du Vermillon, et la rivière Athabaska du fort Mac-Murray au fort Smith.

      Au fort Smith rugissaient les infranchissables rapides; mais par delà ces rapides s’ouvrait la navigation de 2.500 kilomètres, jusqu’à l’océan Glacial, comme nous l’avons dit.

      Il fallait donc un deuxième steamer.

      Mgr Grouard reprit la besace; et, en 1915, le fier petit Saint-Alphonse fit son «Voyage de noces» du fort Smith aux bouches du Mackenzie.14

      La division du vicariat d’Athabaska-Mackenzie s’étant opérée en 1901, l’œuvre de progrès fut poursuivie dans l’Athabaska par Mgr Grouard, et dans le Mackenzie par Mgr Breynat.

      Les deux vicaires, comme par une apostolique émulation, fondèrent de nouveaux postes, de nouveaux couvents, et mirent au service de ces développements des ressources nouvelles. Tandis que Mgr Grouard donnait à la rivière la Paix le Saint-Charles, premier vapeur à paraître en ces régions, Mgr Breynat lançait, sur la rivière des Esclaves, le Grand Lac des Esclaves et le fleuve Mackenzie, le Sainte-Marie, le mieux construit et le plus rapide des steamers qui aient encore parcouru les fleuves et les lacs de l’Extrême-Nord.

      Cependant les rapides continuèrent à revoir, chaque printemps, la flotte des missionnaires. Elle partait d’Athabaska-Landing, depuis l’abandon du lac la Biche, se grossissant chaque année pour répondre au «tonnage» des petits vapeurs, qui l’attendaient au fort Mac-Murray et au fort Smith.

      Les deux vieilles barges «courtes et ventrues» avaient fait place à des barges longues, larges, plates et rectangulaires, simplement recourbées à l’avant et à l’arrière, munies de rames énormes (des sapins entiers), et fabriquées, à l’embarcadère même, avec de rudes madriers, condamnés eux-mêmes à devenir pièces de bâtisses, au terme du voyage.

      La capacité de cette barge était de huit à dix tonnes. Il y en eut deux d’abord, puis trois, puis quatre, et de plus en plus. En 1915, année du dernier convoi d’Athabaska-Landing à Mac-Murray, douze barges sautèrent ensemble les rapides.

      Il serait long de raconter les déceptions éprouvées par les missionnaires, depuis 1848 jusqu’à la fin du siècle, à l’arrivée des lents bateaux aux rustres équipages. Si encore ces pièces, coûtant si cher, étaient toujours parvenues, et parvenues intactes! Mais combien se perdirent en route, ou se mutilèrent, se brisèrent, lancées par des mains brutales, à chacun des portages! Quelquefois, si c’était des vivres que le ballot contenait, les bateliers s’en régalaient, en riant du missionnaire «qui serait bien attrapé», disaient-ils.

      La plus dure épreuve, dans la vie des missionnaires anciens, et, proportion gardée, dans la vie d’aujourd’hui encore, a été l’attente, la longue attente des objets dont ils avaient besoin.

      L’est et l’ouest du Canada, admirablement développés maintenant, peuvent fournir le matériel des missions et le confier aux chemins de fer qui vont rejoindre la rivière Athabaska et la rivière la Paix. Mais, à l’époque du lac la Biche, laquelle marquait cependant une avance sur celle du Portage la Loche, époque où les achats se faisaient en Angleterre, parce que le Canada n’y pouvait pourvoir, et que la métropole réduisait considérablement les taux d’importation pour ses colonies, il s’écoulait quelque trois ans, entre la demande faite par le missionnaire et l’arrivée de la chose désirée, fût-elle de première nécessité.

      Supposons-nous en 1870. Le missionnaire du fort Simpson ou du fort Norman écrit, par l’unique courrier d’hiver. Sa lettre atteindra le lac la Biche, au printemps 1871. Mgr Faraud la visera et la fera parvenir, pour l’automne, à Saint-Boniface. Mgr Taché, ainsi averti, enverra l’ordre immédiatement en Angleterre, et recevra le colis, au printemps 1872. Il le confiera aux charrettes de la prairie, qui le déposeront au fort Pitt, trop tard, bien entendu, pour l’expédition de la même année. Mgr Faraud ira l’y chercher, l’automne, le gardera durant l’hiver, et le tiendra prêt à prendre les premières eaux de 1873. De sorte que, tout allant au mieux, le missionnaire touchera son article l’été, ou l’automne 1873. Il avait écrit en 1870.

      Le moindre retard de la lettre, ou du colis, pouvait ajouter à ces années une quatrième, et quelque malentendu une cinquième.

      Certains des ballots, spécialement recommandés, restèrent en détresse, dans la prairie, ou sur une grève inconnue de la forêt sauvage, jusqu’à six ans. Heureux si, retrouvés enfin, ils n’étaient pas bonnement saisis, adjugés au premier venu, ou vendus comme bonum derelictum.

      Pour la première fois, notait Mgr Faraud, en novembre 1877, pour la première fois, le bagage de toutes les missions est en bon ordre ici (au lac la Biche, à mi-chemin de sa destination).

      Un exemple de ces lenteurs et de ces déceptions, qui nous laissera deviner ce qu’il en devait être lorsqu’il s’agissait de choses indispensables, comme outils de travail, vin du saint sacrifice, etc… nous a été rapporté, les derniers jours de sa vie, par le vénéré Père Ducot, à qui nous avions demandé de vouloir bien nous écrire ses «souvenirs». Nous résumons ses pages. L’exemple pourrait s’intituler: les vitres du Père Séguin.

      Le pieux et doux Père Séguin fut le premier compagnon du Père Grollier, fondateur de la mission Notre-Dame de Bonne-Espérance, au fort Good-Hope, sous le Cercle polaire. Le Père Grollier mourut bientôt, et le Père Séguin resta le chef de la mission, seul le plus souvent avec le bon Frère Kearney, parmi ses Indiens Peaux-de-Lièvres, pendant 41 ans. En 1901, comme il était presque aveugle, Mgr Grouard le fit conduire en France, son pays natal, qu’il n’avait jamais revu, dans l’espoir que les spécialistes lui rendraient un peu de lumière. Mais ce fut en vain. Le malade, tué par la «nostalgie de ses missions», mourut l’année suivante.

      Cette cécité, graduellement venue, avait pour cause lointaine et principale la triste condition des moyens d’éclairage, en ces contrées de nuits si longues: la lampe à l’huile de poisson pour l’intérieur, et surtout le parchemin des misérables fenêtres pour les heures du jour.

      Toutes


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<p>14</p>

Le nom de Saint-Alphonse avait été inspiré par la reconnaissance envers les Pères Rédemptoristes, qui avaient généreusement promis la moitié de la somme que coûterait le bateau.