Отец Горио. Книга для чиения на французском языке. Оноре де Бальзак

Отец Горио. Книга для чиения на французском языке - Оноре де Бальзак


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entrant chez le papa Gobseck, rue des Grès. Suivez bien! En revenant, il a envoyé chez la comtesse de Restaud ce niais de Christophe qui nous a montré l’adresse de la lettre dans laquelle était un billet acquitté. Il est clair que si la comtesse allait aussi chez le vieil escompteur, il y avait urgence. Le père Goriot a galamment financé pour elle. Il ne faut pas coudre deux idées pour voir clair là-dedans. Cela vous prouve, mon jeune étudiant, que, pendant que votre comtesse riait, dansait, faisait ses singeries, balançait ses fleurs de pêcher, et pinçait sa robe, elle était dans ses petits souliers, comme on dit, en pensant à ses lettres de change protestées, ou à celles de son amant.

      – Vous me donnez une furieuse envie de savoir la vérité. J’irai demain chez madame de Restaud, s’écria Eugène.

      – Oui, dit Poiret, il faut aller demain chez madame de Restaud.

      – Vous y trouverez peut-être le bonhomme Goriot qui viendra toucher le montant de ses galanteries.

      – Mais, dit Eugène avec un air de dégoût, votre Paris est donc un bourbier.

      – Et un drôle de bourbier, reprit Vautrin. Ceux qui s’y crottent en voiture sont d’honnêtes gens, ceux qui s’y crottent à pied sont des fripons. Ayez le malheur d’y décrocher n’importe quoi, vous êtes montré sur la place du Palais-de-Justice comme une curiosité. Volez un million, vous êtes marqué dans les salons comme une vertu. Vous payez trente millions à la Gendarmerie et à la justice pour maintenir cette morale-là. Joli!

      – Comment, s’écria madame Vauquer, le père Goriot aurait fondu son déjeuner de vermeil?

      – N’y avait-il pas deux tourterelles sur le couvercle? dit Eugène.

      – C’est bien cela.

      – Il y tenait donc beaucoup, il a pleuré quand il a eu pétri l’écuelle et le plat. Je l’ai vu par hasard, dit Eugène.

      – Il y tenait comme à sa vie, répondit la veuve.

      – Voyez-vous le bonhomme, combien il est passionné, s’écria Vautrin. Cette femme-là sait lui chatouiller l’âme.

      L’étudiant remonta chez lui. Vautrin sortit. Quelques instants après, madame Couture et Victorine montèrent dans un fiacre que Sylvie alla leur chercher. Poiret offrit son bras à mademoiselle Michonneau, et tous deux allèrent se promener au Jardin des Plantes, pendant les deux belles heures de la journée.

      – Eh bien! les voilà donc quasiment mariés, dit la grosse Sylvie. Ils sortent ensemble aujourd’hui pour la première fois. Ils sont tous deux si secs que, s’ils se cognent, ils feront feu comme un briquet.

      – Gare au châle de mademoiselle Michonneau, dit en riant madame Vauquer, il prendra comme de l’amadou.

      A quatre heures du soir, quand Goriot rentra, il vit, à la lueur de deux lampes fumeuses, Victorine dont les yeux étaient rouges. Madame Vauquer écoutait le récit de la visite infructueuse faite à monsieur Taillefer pendant la matinée. Ennuyé de recevoir sa fille et cette vieille femme, Taillefer les avait laissé parvenir jusqu’à lui pour s’expliquer avec elles.

      – Ma chère dame, disait madame Couture à madame Vauquer, figurez-vous qu’il n’a pas même fait asseoir Victorine, qu’est restée constamment debout. A moi, il m’a dit, sans se mettre en colère, tout froidement, de nous épargner la peine de venir chez lui; que mademoiselle, sans dire sa fille, se nuisait dans son esprit en l’importunant (une fois par an, le monstre!); que la mère de Victorine ayant été épousée sans fortune, elle n’avait rien à prétendre; enfin les choses les plus dures, qui ont fait fondre en larmes cette pauvre petite. La petite s’est jetée alors aux pieds de son père, et lui a dit avec courage qu’elle n’insistait autant que pour sa mère, qu’elle obéirait à ses volontés sans murmure, mais qu’elle le suppliait de lire le testament de la pauvre défunte; elle a pris la lettre et la lui a présentée en disant les plus belles choses du monde et les mieux senties, je ne sais pas où elle les a prises, Dieu les lui dictait, car la pauvre enfant était si bien inspirée qu’en l’entendant, moi, je pleurais comme une bête. Savez-vous ce que faisait cet horreur d’homme, il se coupait les ongles, il a pris cette lettre que la pauvre madame Taillefer avait trempée de larmes, et l’a jetée sur la cheminée en disant: «C’est bon!» Il a voulu relever sa fille qui lui prenait les mains pour les lui baiser, mais il les a retirées. Est-ce pas une scélératesse? Son grand dadais de fils est entré sans saluer sa sœur.

      – C’est donc des monstres? dit le père Goriot.

      – Et puis, dit madame Couture sans faire attention à l’exclamation du bonhomme, le père et le fils s’en sont allés en me saluant et en me priant de les excuser, ils avaient des affaires pressantes. Voilà notre visite. Au moins, il a vu sa fille. Je ne sais pas comment il peut la renier, elle lui ressemble comme deux gouttes d’eau.

      Les pensionnaires, internes et externes, arrivèrent les uns après les autres, en se souhaitant mutuellement le bonjour, et se disant de ces riens qui constituent, chez certaines classes parisiennes, un esprit drolatique dans lequel la bêtise entre comme élément principal, et dont le mérite consiste particulièrement dans le geste ou la prononciation. Cette espèce d’argot varie continuellement. La plaisanterie qui en est le principe n’a jamais un mois d’existence. Un événement politique, un procès en cour d’assises, une chanson des rues, les farces d’un acteur, tout sert à entretenir ce jeu d’esprit qui consiste surtout à prendre les idées et les mots comme des volants, et à se les renvoyer sur des raquettes. La récente invention du Diorama, qui portait l’illusion de l’optique à un plus haut degré que dans les Panoramas, avait amené dans quelques ateliers de peinture la plaisanterie de parler en rama, espèce de charge qu’un jeune peintre, habitué de la pension Vauquer, y avait inoculée.

      – Eh bien! monsieur Poiret, dit l’employé au Muséum, comment va cette petite «santérama»[14]?

      Puis, sans attendre la réponse:

      – Mesdames, vous avez du chagrin, dit-il à madame Couture et à Victorine.

      – Allons-nous dîner? s’écria Horace Bianchon, un étudiant en médecine, ami de Rastignac, ma petite estomac est descendue osque ad talones[15].

      – Il fait un fameux froitorama! dit Vautrin. Dérangez-vous donc, père Goriot! Que diable! votre pied prend toute la gueule du poêle.

      – Illustre monsieur Vautrin, dit Bianchon, pourquoi dites-vous «froitorama»[16]? Il y a une faute, c’est «froidorama»[17].

      – Non, dit l’employé au Muséum, c’est froitorama, par la règle: j’ai froid aux pieds.

      – Ah! ah!

      – Voici son excellence le marquis de Rastignac, docteur en droit-travers, s’écria Bianchon en saisissant Eugène par le cou et le serrant de manière à l’étouffer. Oh! les autres, oh!

      Mademoiselle Michonneau entra doucement, salua les convives sans rien dire, et s’alla placer près des trois femmes.

      – Elle me fait toujours grelotter, cette vieille chauve-souris, dit à voix basse Bianchon à Vautrin en montrant mademoiselle Michonneau. Moi qui étudie le système de Gall[18], je lui trouve les bosses de Judas.

      – Monsieur l’a connu? dit Vautrin.

      – Qui ne l’a pas rencontré! répondit Bianchon. Ma parole d’honneur, cette vieille fille blanche me fait l’effet de ces longs vers qui finissent par ronger une poutre.

      – Voilà ce que c’est, jeune homme, dit le quadragénaire en peignant ses favoris.

      Et rose, elle a vécu ce que vivent les roses, L’espace d’un matin.

      – Ah! ah! voici une fameuse «soupeaurama»Скачать книгу


<p>14</p>

«santérama» – здоровьерама (здесь и далее – игра слов)

<p>15</p>

estomac est descendue osque ad talones – зверски проголодаться

<p>16</p>

«froitorama» – студерама, холодерама

<p>17</p>

«froidorama» – студень, холодец

<p>18</p>

le système de Gall – система Галля – учение о взаимозависимости между формой черепа и морально-этическими, а также умственными способностями.