Отец Горио. Книга для чиения на французском языке. Оноре де Бальзак

Отец Горио. Книга для чиения на французском языке - Оноре де Бальзак


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enfoncé!

      – Marquez deux points à maman Vauquer, dit Vautrin.

      – Quelqu’un a-t-il fait attention au brouillard de ce matin? dit l’employé.

      – C’était, dit Bianchon, un brouillard frénétique et sans exemple, un brouillard lugubre, mélancolique, vert, poussif, un brouillard Goriot.

      – Goriorama, dit le peintre, parce qu’on n’y voyait goutte.

      – Hé, milord Gâôriotte, il être questionne dé véaus.[20]

      Assis au bas-bout de la table, près de la porte par laquelle on servait, le père Goriot leva la tête en flairant un morceau de pain qu’il avait sous sa serviette, par une vieille habitude commerciale qui reparaissait quelquefois.

      – Eh bien! lui cria aigrement madame Vauquer d’une voix qui domina le bruit des cuillers, des assiettes et des voix. Est-ce que vous ne trouvez pas le pain bon?

      – Au contraire, madame, répondit-il, il est fait avec de la farine d’Etampes, première qualité.

      – A quoi voyez-vous cela? lui dit Eugène.

      – A la blancheur, au goût.

      – Au goût du nez puisque vous le sentez, dit madame Vauquer. Vous devenez si économe que vous finirez par trouver le moyen de vous nourrir en humant l’air de la cuisine.

      – Prenez alors un brevet d’invention, cria l’employé au Muséum, vous ferez une belle fortune.

      – Laissez donc, il fait ça pour nous persuader qu’il a été vermicellier, dit le peintre.

      – Votre nez est donc une cornue, demanda encore l’employé du Muséum.

      – Cor… quoi? fit Bianchon.

      – Cor-nouille.

      – Cor-nemuse.

      – Cor-naline.

      – Cor-niche.

      – Cor-nichon.

      – Cor-beau.

      – Cor-nac.

      – Cor-norama.

      Ces huit réponses partirent de tous les côtés de la salle avec la rapidité d’un feu de file[21], et prêtèrent d’autant plus à rire, que le pauvre père Goriot regardait les convives d’un air niais, comme un homme qui tâche de comprendre une langue étrangère.

      – Cor? dit-il à Vautrin qui se trouvait près de lui.

      – Cor aux pieds, mon vieux! dit Vautrin en enfonçant le chapeau du père Goriot par une tape qu’il lui appliqua sur la tête et qui le fit descendre jusque sur les yeux.

      Le pauvre vieillard, stupéfait de cette brusque attaque, resta pendant un moment immobile. Christophe emporta l’assiette du bonhomme, croyant qu’il avait fini sa soupe; en sorte que quand Goriot, après avoir relevé son chapeau, prit sa cuiller, il frappa la table. Tous les convives éclatèrent de rire.

      – Monsieur, dit le vieillard, vous êtes un mauvais plaisant, et si vous vous permettez encore de me donner de pareils renfoncements…

      – Eh bien, quoi, papa? dit Vautrin en l’interrompant.

      – Eh bien! vous payerez cela bien cher quelque jour…

      – En enfer, pas vrai? dit le peintre, dans ce petit coin noir où l’on met les enfants méchants!

      – Eh bien! mademoiselle, dit Vautrin à Victorine, vous ne mangez pas. Le papa s’est donc montré récalcitrant?

      – Une horreur, dit madame Couture.

      – Il faut le mettre à la raison, dit Vautrin.

      – Mais, dit Rastignac, qui se trouvait assez près de Bianchon, mademoiselle pourrait intenter un procès sur la question des aliments, puisqu’elle ne mange pas. Eh! eh! voyez donc comme le père Goriot examine mademoiselle Victorine.

      Le vieillard oubliait de manger pour contempler la pauvre jeune fille dans les traits de laquelle éclatait une douleur vraie, la douleur de l’enfant méconnu qui aime son père.

      – Mon cher, dit Eugène à voix basse, nous nous sommes trompés sur le père Goriot. Ce n’est ni un imbécile ni un homme sans nerfs. Applique-lui ton système de Gall, et dis-moi ce que tu en penseras. Je lui ai vu cette nuit tordre un plat de vermeil, comme si c’est été de la cire, et dans ce moment l’air de son visage trahit des sentiments extraordinaires. Sa vie me parait être trop mystérieuse pour ne pas valoir la peine d’être étudiée. Oui, Bianchon, tu as beau rire, je ne plaisante pas.

      – Cet homme est un fait médical, dit Bianchon, d’accord; s’il veut, je le dissèque.

      – Non, tâte-lui la tête.

      – Ah! bien, sa bêtise est peut-être contagieuse.

      Le lendemain Rastignac s’habilla fort élégamment, et alla, vers trois heures de l’après-midi, chez madame de Restaud, en se livrant pendant la route à ces espérances étourdiment folles qui rendent la vie des jeunes gens si belle d’émotions: ils ne calculent alors ni les obstacles ni les dangers, ils voient en tout le succès, poétisent leur existence par le seul jeu de leur imagination, et se font malheureux ou tristes par le renversement de projets qui ne vivaient encore que dans leurs désirs effrénés; s’ils n’étaient pas ignorants et timides, le monde social serait impossible. Eugène marchait avec mille précautions pour ne se point crotter, mais il marchait en pensant à ce qu’il dirait à madame de Restaud, il s’approvisionnait d’esprit, il inventait les reparties d’une conversation imaginaire, il préparait ses mots fins, ses phrases à la Talleyrand, en supposant de petites circonstances favorables à la déclaration sur laquelle il fondait son avenir. Il se crotta, l’étudiant, il fut forcé de faire cirer ses bottes et brosser son pantalon au Palais-Royal. «Si j’étais riche, se dit-il en changeant une pièce de trente sous qu’il avait prise en cas de malheur, je serais allé en voiture, j’aurais pu penser à mon aise.»

      Enfin il arriva rue du Helder et demanda la comtesse de Restaud. Avec la rage froide d’un homme sûr de triompher un jour, il reçut le coup d’œil méprisant des gens qui l’avaient vu traversant la cour à pied, sans avoir entendu le bruit d’une voiture à la porte. Ce coup d’œil lui fut d’autant plus sensible qu’il avait déjà compris son infériorité en entrant dans cette cour, où piaffait un beau cheval richement attelé à l’un de ces cabriolets pimpants qui affichent le luxe d’une existence dissipatrice, et sous-entendent l’habitude de toutes les félicités parisiennes. Il se mit, à lui tout seul, de mauvaise humeur. Les tiroirs ouverts dans son cerveau et qu’il comptait trouver pleins d’esprit se fermèrent, il devint stupide. En attendant la réponse de la comtesse, à laquelle un valet de chambre allait dire les noms du visiteur, Eugène se posa sur un seul pied devant une croisée de l’antichambre, s’appuya le coude sur une espagnolette, et regarda machinalement dans la cour. Il trouvait le temps long, il s’en serait allé s’il n’avait pas été doué de cette ténacité méridionale qui enfante des prodiges quand elle va en ligne droite.

      – Monsieur, dit le valet de chambre, madame est dans son boudoir et fort occupée, elle ne m’a pas répondu; mais si monsieur veut passer au salon, il y a déjà quelqu’un.

      Tout en admirant l’épouvantable pouvoir de ces gens qui, d’un seul mot, accusent ou jugent leurs maîtres, Rastignac ouvrit délibérément la porte par laquelle était sorti le valet de chambre, afin sans doute de faire croire à ces insolents valets qu’il connaissait les êtres de la maison; mais déboucha fort étourdiment dans une pièce où se trouvaient des lampes, des buffets, un appareil à chauffer des serviettes pour le bain, et qui menait à la fois dans un corridor obscur et dans un escalier dérobé. Les rires étouffés qu’il entendit dans l’antichambre mirent le comble à sa confusion.

      – Monsieur, le salon est par ici, lui dit


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<p>20</p>

Hé, milord Gâôriotte, il être questionne dé véaus. – Эй, милорд Горио, есть разговор.

<p>21</p>

unfeu de file – искра