Histoire Anecdotique de l'Ancien Théâtre en France, Tome Second. Du Casse Albert

Histoire Anecdotique de l'Ancien Théâtre en France, Tome Second - Du Casse Albert


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des cinq passions est un sujet simple et cependant original. Un jeune seigneur est prêt à entrer dans le monde, un sage, un mentor, lui montre les cinq passions qu'il aura à vaincre, la vaine gloire, l'ambition, l'amour, la jalousie et la fureur, passions qu'il fait passer successivement sous ses yeux en lui apprenant à les connaître par cinq comédies en un acte et ayant toutes un sujet différent, ce qui constitue réellement cinq petites pièces en un acte avec un prologue. Le Déniaisé a une scène qui a été complètement imitée par Molière dans son Dépit amoureux, en voici quelques mots:

JODELET, arrêtant Pancrace

      Tandis qu'ils vont dîner, un petit mot, Pancrace,

      Dirais-tu qu'une fille ait de l'amour pour moi?

PANCRACE

      … Tous nos vieux savants n'ont pu nous exprimer

      D'où vient cet ascendant qui nous force d'aimer,

      Les uns disent que c'est un vif éclair de l'âme, etc.

JODELET

      Ainsi donc…

PANCRACE

      Nous perdrions le droit du libre arbitre.

JODELET

      Mais…

PANCRACE

      Il n'y a point de mais. C'est notre plus beau titre.

JODELET

      Quoi!..

PANCRACE

      C'est parler en vain, l'âme a sa volonté.

JODELET

      Il est vrai!..

PANCRACE

      Nous naissons en pleine liberté.

JODELET

      C'est sans doute.

PANCRACE

      Autrement notre essence est mortelle.

JODELET

      D'effet…

PANCRACE

      Et nous n'aurions qu'une âme naturelle.

JODELET

      Bon!..

PANCRACE

      C'est le sentiment que nous devons avoir.

JODELET

      Donc…

PANCRACE

      C'est la vérité que nous devons savoir.

JODELET

      Un mot.

PANCRACE

      Quoi! Voudrais-tu des âmes radicales,

      Ou l'opération pareille aux animales?

JODELET, voulant lui fermer la bouche

      Je voudrais te casser la gueule.

PANCRACE, se débarrassant

      On a grand tort

      De vouloir que l'esprit s'éteigne par la mort.

JODELET

      Enfin.

PANCRACE

      Les minéraux produits d'air et de flamme.

      Ont un tempérament, mais ce n'est pas une âme,

JODELET, lassé

      Ah!

PANCRACE

      L'âme n'est donc pas cette aveugle puissance

      Qui se meut ou qui fait mouvoir sans connaissance.

JODELET, jetant son chapeau

      J'enrage.

PANCRACE

      Elle n'est pas au sang comme on le dit.

JODELET

      Parlera-t-il toujours? Mais…

PANCRACE

      Ce mais m'étourdit.

JODELET, fermant les poings

      Peste!

PANCRACE

      Nous pouvons voir des choses animées

      Qui, sans avoir de sang, auraient été formées, etc.?

JODELET

      Holà!

PANCRACE

      Prête l'oreille à mes solutions, etc., etc.

      Ainsi l'âme a l'arbitre.

JODELET

      Ah! c'est trop arbitré.

      Au diable le moment que je t'ai rencontré.

PANCRACE

      Au diable le pendard qui ne veut rien apprendre.

JODELET

      Au diable les savants, et qui peut les comprendre!

      Le Campagnard est la mise en scène du ridicule des nobles de province de l'époque.

      De Brosse, dont les tragédies sont mauvaises, composa quelques comédies passables de 1644 à 1650, comédies dans lesquelles règne un ton plus convenable, plus décent que dans les ouvrages dramatiques de ses prédécesseurs et de ses contemporains. C'est là son plus grand mérite. Une de ses productions, la comédie du Curieux impertinent (1645), est à peu près sa meilleure pièce. On y trouve deux vers remarquables par les pensées qu'ils expriment:

      La honte est le rempart de l'honneur d'une femme;

      et celui-ci:

      L'or ne se corrompt point et peut corrompre tout.

      Le Curieux impertinent, tiré de Don Quichotte, fut remis à la scène en 1710 par Destouches. Ce fut la première comédie de Destouches, et l'on fit sur elle une épigramme qui n'est qu'un bon mot, car la pièce est fort bonne:

      On représente maintenant

      Le Curieux impertinent,

      Pour moi j'ai vu la pièce, et j'ose en être arbitre.

      Voici ce que j'en crois de mieux:

      Pour la voir une fois, on n'est pas curieux,

      Mais qui la verra deux en portera le titre.

      Le Songe des hommes éveillés (1646) eut du succès. Le sujet en a été bien souvent remis à la scène depuis de Brosse. C'est celui du paysan ivre, du marchand endormi, du pauvre diable, transportés tout à coup dans des appartements magnifiques ou dans des palais et auxquels on fait croire qu'ils ont toujours été de grands personnages ou même des souverains. Il y a peu d'années, ce canevas a été traité en opéra comique.

      Nous n'avons plus, pour terminer notre notice anecdotique sur les principaux auteurs qui ont précédé Molière, qu'à parler de l'un des plus originaux, le poëte Scarron, qui travailla pour le théâtre de 1645 à 1660, et, pendant ces quinze années, donna une douzaine de pièces, toutes plus burlesques les unes que les autres. Fils d'un conseiller au Parlement de Paris et né en 1610, époux de mademoiselle d'Aubigné, plus tard madame de Maintenon, il fut affecté, dès l'âge de vingt-six ans, d'une paralysie qui lui ôta l'usage de ses jambes. Son esprit, malgré son triste état, était tellement enjoué, que sa maison était le rendez-vous d'une foule de gens du monde, de poëtes, d'auteurs, qui venaient le consoler dans son infortune et apprendre à rire auprès de lui. Scarron se voua au genre burlesque. Il y excella, et ses comédies en vers et en prose sont pleines de traits, malheureusement plus bizarres que comiques. Il introduisit au théâtre le valet facétieux, le valet grotesque, le valet intrigant, parce que ce genre de personnage


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