Le vicomte de Bragelonne, Tome II.. Dumas Alexandre

Le vicomte de Bragelonne, Tome II. - Dumas Alexandre


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n'ai pas dit que j'eusse plusieurs amis madame, j'ai dit un ami.

      – Et cet ami s'appelle?

      – Peste! madame, comme vous y allez! Quand on a un ami aussi puissant que le mien, on ne le produit pas comme cela au grand jour pour qu'on vous le vole.

      – Vous avez raison, monsieur, de taire le nom de cet ami car je crois qu'il vous serait difficile de le dire.

      – En tout cas, dit Montalais, si l'ami n'existe pas, le brevet existe, et voilà qui tranche la question.

      – Alors je conçois, dit Mme de Saint-Remy avec le sourire gracieux du chat qui va griffer, quand j'ai trouvé Monsieur chez vous tout à l'heure…

      – Eh bien?

      – Il vous apportait votre brevet.

      – Justement, madame, vous avez deviné.

      – Mais c'était on ne peut plus moral, alors.

      – Je le crois, madame.

      – Et j'ai eu tort, à ce qu'il paraît, de vous faire des reproches, mademoiselle.

      – Très grand tort, madame; mais je suis tellement habituée à vos reproches, que je vous les pardonne.

      – En ce cas, allons-nous-en, Louise; nous n'avons plus qu'à nous retirer. Eh bien?

      – Madame! fit La Vallière en tressaillant, vous dites?

      – Tu n'écoutais pas, à ce qu'il paraît, mon enfant?

      – Non, madame, je pensais.

      – Et à quoi?

      – À mille choses.

      – Tu ne m'en veux pas au moins, Louise? s'écria Montalais lui pressant la main.

      – Et de quoi t'en voudrais-je, ma chère Aure? répondit la jeune fille avec sa voix douce comme une musique.

      – Dame! reprit Mme de Saint-Remy, quand elle vous en voudrait un peu, pauvre enfant! elle n'aurait pas tout à fait tort.

      – Et pourquoi m'en voudrait-elle, bon Dieu?

      – Il me semble qu'elle est d'aussi bonne famille et aussi jolie que vous.

      – Ma mère! s'écria Louise.

      – Plus jolie cent fois, madame; de meilleure famille, non; mais cela ne me dit point pourquoi Louise doit m'en vouloir.

      – Croyez-vous donc que ce soit amusant pour elle de s'enterrer à

      Blois quand vous allez briller à Paris?

      – Mais, madame, ce n'est point moi qui empêche Louise de m'y suivre, à Paris; au contraire, je serais certes bien heureuse qu'elle y vînt.

      – Mais il me semble que M. Malicorne, qui est tout-puissant à la cour…

      – Ah! tant pis, madame, fit Malicorne, chacun pour soi en ce pauvre monde.

      – Malicorne! fit Montalais.

      Puis, se baissant vers le jeune homme:

      – Occupez Mme de Saint-Remy, soit en disputant, soit en vous raccommodant avec elle; il faut que je cause avec Louise.

      Et, en même temps, une douce pression de main récompensait Malicorne de sa future obéissance. Malicorne se rapprocha tout grognant de Mme de Saint-Remy, tandis que Montalais disait à son amie, en lui jetant un bras autour du cou:

      – Qu'as-tu? Voyons! Est-il vrai que tu ne m'aimerais plus parce que je brillerais, comme dit ta mère?

      – Oh! non, répondit la jeune fille retenant à peine ses larmes; je suis bien heureuse de ton bonheur, au contraire.

      – Heureuse! et l'on dirait que tu es prête à pleurer.

      – Ne pleure-t-on que d'envie?

      – Ah! oui, je comprends, je vais à Paris, et ce mot «Paris» te rappelait certain cavalier.

      – Aure!

      – Certain cavalier qui, autrefois, habitait Blois, et qui aujourd'hui habite Paris.

      – Je ne sais, en vérité, ce que j'ai, mais j'étouffe.

      – Pleure alors, puisque tu ne peux pas me sourire.

      Louise releva son visage si doux que des larmes, roulant l'une après l'autre, illuminaient comme des diamants.

      – Voyons, avoue, dit Montalais.

      – Que veux-tu que j'avoue?

      – Ce qui te fait pleurer; on ne pleure pas sans cause. Je suis

      ton amie; tout ce que tu voudras que je fasse, je le ferai.

      Malicorne est plus puissant qu'on ne croit, va! Veux-tu venir à

      Paris?

      – Hélas! fit Louise.

      – Veux-tu venir à Paris?

      – Rester seule ici, dans ce vieux château, moi qui avais cette douce habitude d'entendre tes chansons, de te presser la main, de courir avec vous toutes dans ce parc; oh! comme je vais m'ennuyer, comme je vais mourir vite!

      – Veux-tu venir à Paris?

      Louise poussa un soupir.

      – Tu ne réponds pas.

      – Que veux-tu que je te réponde?

      – Oui ou non; ce n'est pas bien difficile, ce me semble.

      – Oh! tu es bien heureuse, Montalais!

      – Allons, ce qui veut dire que tu voudrais être à ma place?

      Louise se tut.

      – Petite obstinée! dit Montalais; a-t-on jamais vu avoir des secrets pour une amie! Mais avoue donc que tu voudrais venir à Paris, avoue donc que tu meurs d'envie de revoir Raoul!

      – Je ne puis avouer cela.

      – Et tu as tort.

      – Pourquoi?

      – Parce que… Vois-tu ce brevet?

      – Sans doute que je le vois.

      – Eh bien! je t'en eusse fait avoir un pareil.

      – Par qui?

      – Par Malicorne.

      – Aure, dis-tu vrai? serait-ce possible?

      – Dame! Malicorne est là; et ce qu'il a fait pour moi, il faudra bien qu'il le fasse pour toi.

      Malicorne venait d'entendre prononcer deux fois son nom, il était enchanté d'avoir une occasion d'en finir avec Mme de Saint-Remy, et il se retourna.

      – Qu'y a-t-il, mademoiselle?

      – Venez ça, Malicorne, fit Montalais avec un geste impératif.

      Malicorne obéit.

      – Un brevet pareil, dit Montalais.

      – Comment cela?

      – Un brevet pareil à celui-ci; c'est clair.

      – Mais…

      – Il me le faut!

      – Oh! oh! il vous le faut?

      – Oui.

      – Il est impossible, n'est-ce pas, monsieur Malicorne? dit Louise avec sa douce voix.

      – Dame! si c'est pour vous, mademoiselle…

      – Pour moi. Oui, monsieur Malicorne, ce serait pour moi.

      – Et si Mlle de Montalais le demande en même temps que vous …

      – Mlle de Montalais ne le demande pas, elle l'exige.

      – Eh bien! on verra à vous obéir, mademoiselle.

      – Et vous la ferez nommer?

      – On tâchera.

      – Pas


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