Quentin Durward. Вальтер Скотт
dut fonder un joli roman sur la supposition que l'habitante de la tourelle, dont il avait écouté la chanson avec tant d'intérêt, et la jolie fille qui avait servi maître Pierre dans l'auberge, s'identifiaient avec une comtesse de haut rang, et jouissant d'une grande fortune, qui fuyait les poursuites d'un amant détesté, favori d'un cruel tuteur qui abusait de son pouvoir féodal. Il se trouva aussi, dans la vision de Quentin, une place pour ce maître Pierre, qui semblait exercer une telle autorité même sûr l'officier formidable aux mains duquel il avait eu tant de peine à échapper.
Enfin les rêveries de Quentin, qui avaient été respectées par le jeune Will Harper, le compagnon de sa cellule, furent interrompues par le retour de son oncle. Le Balafré venait lui dire de se mettre au lit, afin de pouvoir se lever le lendemain de bonne heure, pour le suivre dans l'antichambre du roi, où il devait être de garde avec cinq de ses compagnons.
CHAPITRE VIII.
L'envoyé
«Parais comme l'éclair aux regards de la France,
«J'y porte sur tes pas la foudre et la vengeance;
«Elle entendra gronder mon bronze destructeur.
«Va donc! sois le héros de ma juste fureur.
Si la paresse eût été capable de retenir Durward, le bruit qui retentit dans la caserne des gardes, après le premier coup de matines, aurait certainement banni cette sirène de sa couche; mais les habitudes régulières du château de son père et du couvent d'Aberbrothock lui avaient appris à se lever avec l'aurore, et il s'habilla gaiement au son des trompettes et au bruit des armes, qui annonçaient qu'on relevait les gardes, dont les uns rentraient dans la caserne après avoir été en faction pendant la nuit, les autres sortaient pour aller prendre leur poste pour la matinée, et quelques-uns, parmi lesquels était son oncle, se préparaient à être de service près de la personne même du roi.
Quentin, avec tout le plaisir qu'éprouve un jeune homme en pareille occasion, se revêtit de son splendide uniforme, et prit les belles armes qui appartenaient à son nouvel état. Son oncle, après avoir examiné avec attention s'il ne manquait rien à son équipement, ne put cacher un mouvement de satisfaction en voyant que ce nouveau costume relevait la bonne mine de son neveu.
– Si tu es aussi fidèle et aussi brave que tu es beau garçon, lui dit-il, j'aurai en toi un des meilleurs et un des plus élégans écuyers qui soient dans la garde, ce qui ne peut que faire honneur à la famille de ta mère. Suis-moi dans la salle d'audience du roi, et aie soin de marcher toujours à mon côté.
En finissant ces mots, il saisit une grande et lourde pertuisane superbement ornée et damasquinée; et ayant dit à son neveu de prendre une arme semblable, mais de moindre dimension, ils descendirent dans la cour intérieure du palais, où ceux de leurs camarades qui devaient être de service dans les appartemens étaient déjà rangés et sous les armes, les écuyers placés en second rang derrière leurs maîtres. On y voyait aussi plusieurs piqueurs tenant de nobles chevaux et de beaux chiens que Quentin regardait avec tant de plaisir et d'attention, que son oncle fut obligé de lui rappeler plusieurs fois que ces animaux n'étaient pas là pour son amusement, mais pour celui du roi, qui aimait passionnément la chasse. Ce divertissement était du petit nombre de ceux que Louis se permettait quelquefois, même dans les instans où la politique aurait dû l'occuper tout différemment; et il était si jaloux du gibier de ses forêts royales, qu'on disait communément qu'il y avait moins de risques à tuer un homme qu'un cerf.
à un signal donné par le Balafré, qui remplissait en cette occasion les fonctions d'officier, les gardes se mirent en mouvement; et après quelques minutes de mots d'ordre et de signaux qui n'avaient d'autre but que de montrer avec quelle exactitude scrupuleuse ils s'acquittaient de leurs devoirs, ils entrèrent dans la salle d'audience, où le roi était attendu à chaque instant.
Quelque nouvelles que fussent pour Quentin les scènes de splendeur, l'effet de celle qui s'ouvrait devant lui ne répondit pas tout-à-fait à l'idée qu'il s'était formée de la magnificence d'une cour. Il y avait, à la vérité, des officiers de la maison du roi richement vêtus, des gardes parfaitement équipés, des domestiques de tous grades; mais il ne vit aucun des anciens conseillers du royaume, ni des grands officiers de la couronne; il n'entendit prononcer aucun de ces noms qui rappelaient alors des idées chevaleresques; il n'aperçut aucun de ces chefs et de ces généraux qui, dans toute la vigueur de l'âge, étaient la force de la France, ni de ces jeunes seigneurs, nobles aspirans à la gloire, qui en faisaient l'orgueil. La jalousie, la réserve, la politique profonde et artificieuse du roi, avaient écarté de son trône ce cercle splendide; ceux qui le composaient n'étaient appelés à la cour que dans les occasions où l'étiquette l'exigeait impérieusement: ils y venaient malgré eux et en partaient gaiement, comme les animaux de la fable s'approchaient et s'éloignaient de l'antre du lion.
Le peu de personnes qui semblaient remplir les fonctions de conseillers étaient des gens de mauvaise mine, dont la physionomie exprimait quelquefois de la sagacité, mais dont les manières prouvaient qu'ils avaient été appelés dans une sphère pour laquelle leur éducation et leurs habitudes ne les avaient guère préparés. Deux individus lui parurent pourtant avoir l'air plus noble et plus distingué que les autres, et les devoirs que son oncle avait à remplir en ce moment n'étaient pas assez stricts pour l'empêcher de lui apprendre les noms de ceux qu'il remarquait ainsi. Durward connaissait déjà, et nos lecteurs connaissent aussi lord Crawford, qu'on voyait revêtu de son riche uniforme, et tenant en main un bâton de commandement en argent. Parmi les autres personnages de distinction, le plus remarquable était le comte de Dunois, fils de ce célèbre Dunois connu sous le nom de Bâtard d'Orléans, qui, combattant sous la bannière de Jeanne d'Arc, avait puissamment contribué à délivrer la France du joug des Anglais. Son fils soutenait parfaitement l'honneur d'une telle origine; et malgré son affinité à la famille royale, et l'affection héréditaire qu'avaient pour lui le peuple et les nobles, Dunois avait montré en toute occasion un caractère si franc, si loyal, qu'il semblait même avoir échappé aux soupçons du méfiant Louis, qui aimait à le voir près de lui et l'appelait souvent à ses conseils. Quoiqu'il passât pour accompli dans tous les nobles exercices, et qu'il eût la réputation d'être ce qu'on appelait alors un chevalier parfait, il s'en fallait de beaucoup qu'il eût pu servir de modèle pour tracer le portrait d'un héros de roman. Il était petit de taille, quoique fortement constitué, et ses jambes étaient un peu courbées en dedans, forme plus commode pour un cavalier qu'élégante dans un piéton. Il avait les épaules larges, les cheveux noirs, le teint basané, les bras nerveux et d'une longueur remarquable; l'irrégularité de ses traits allait jusqu'à la laideur: et cependant on trouvait dans le comte de Dunois un air de noblesse et de dignité qui le faisait reconnaître, à la première vue, pour un homme de haute naissance et un soldat intrépide. Il avait la tête haute et le maintien hardi, la démarche fière et majestueuse; la dureté de sa physionomie était ennoblie par un coup d'œil vif comme celui d'un aigle, et des sourcils comme ceux d'un lion. Il portait un habit de chasse plus somptueux qu'élégant, et en beaucoup d'occasions il remplissait les fonctions de grand veneur, quoique nous ne pensions pas qu'il en portât le titre. Semblant chercher un appui sur le bras de son parent Dunois, et marchant d'un pas lent et mélancolique, venait ensuite Louis, duc d'Orléans, premier prince du sang, à qui les gardes rendaient les honneurs militaires en cette qualité. Objet des soupçons de Louis, qui le surveillait avec grand soin, ce prince, héritier présomptif de la couronne, si le roi mourait sans enfans mâles, ne pouvait jamais s'éloigner de la cour, et en y restant ne jouissait d'aucun crédit, n'était revêtu d'aucun emploi. L'abattement que cet état de dégradation et presque de captivité imprimait naturellement sur sa physionomie, était en ce moment considérablement augmenté par la connaissance qu'il avait que le roi méditait à son égard un des actes les plus cruels et les plus injustes qu'un tyran puisse se permettre, en le contraignant à épouser la princesse Jeanne de France, la plus jeune des filles de Louis, à laquelle il avait été fiancé dès son enfance, et dont la difformité lui donnait à penser qu'on ne pouvait le forcer à remplir un tel engagement, sans une rigueur odieuse.
L'extérieur de ce malheureux prince n'était distingué par aucun