Souvenirs d'une actrice (2/3). Fusil Louise
Il y avait dans tout cela un air de propreté, d'aisance, qui faisait plaisir à voir. Le vieux père était du Languedoc; il me parla le patois de Toulouse, que j'avais habitée quelque temps.
Nous en revînmes aux difficultés du voyage, à la peine que l'on avait de se procurer les choses les plus simples, et nous demandâmes comment nous pourrions faire pour les acheter.
– Nous ne vendons rien, répondit le fermier, mais si madame veut nous jouer un petit air de c'te machine que j'ai vue dans la voiture: je ne sais pas comment vous appelez ça.
– Une guitare.
– Une guitare, soit. Eh ben, jouez-nous-en un petit brin, et j'vous donnerons des provisions pour votre voyage.
Mon compagnon, enchanté de cette représentation à notre bénéfice, courut vite chercher l'instrument[9].
Je leur chantai ce qui me vint à l'esprit de chansonnettes villageoises:
Sans un petit brin d'amour,
On s'ennuierait même à la cour.
Cela les égaya fort, et me fit penser à la chanson du Misanthrope:
Si le roi m'avait donné
Paris, sa grand'ville.
Mais ce qui enchanta surtout mon vieux fermier, ce fut une romance languedocienne, de Goudoulis, célèbre par ses poésies languedociennes:
Tircis est mort pécaïre: osulous ploura lous.
Je crois qu'il m'aurait donné sa ferme, et m'aurait gardée toute ma vie, si j'avais voulu y rester.
« – Saperbleu, madame, vous chantez joliment ça, me dit-il, j'en ai la chair de poulet.»
Les succès flattent, de quelque part qu'ils viennent, et ce n'est pas celui qui me flatta le moins, car il partait du coeur: c'est pour cela que je m'en vante.
Cette guitare devait être pour moi un talisman dans mon voyage. Elle me fut encore favorable à la Rochelle. M. D… en me la faisant emporter, eut une prévision bien heureuse.
Comme il habitait la Rochelle, et que j'étais obligée d'attendre la diligence de Bordeaux, il me fit descendre à l'hôtel où elle devait arriver. On ôta de la voiture tout ce qui m'appartenait, excepté mes malles, qui devaient m'être envoyées dans la soirée.
Les garçons, ayant mis dans une salle basse le sac de nuit, la guitare et plusieurs autres bagatelles, ils furent avertir la maîtresse de la maison.
L'hôtesse, élégante et belle dame, me voyant un si mince bagage, n'augura pas beaucoup de mon séjour dans sa maison. Comme il était presque nuit, je lui demandai une chambre pour attendre l'arrivée de la diligence.
– Ah! Dieu sait quand elle viendra, me dit-elle.
– J'attendrai, lui répondis-je.
– Je ne puis vous donner de chambre à présent, car il n'y en a qu'une de libre, et le voyageur qui l'occupe ne part qu'après le souper; il est maintenant au spectacle.
– Il m'est cependant impossible de rester dans la salle à manger.
Elle m'ouvrit une pièce qui donnait sur cette salle.
– Veuillez, lui dis-je, m'envoyer de l'encre, du papier et de la lumière.
Cette dame avait l'air de mauvaise humeur et elle était assez peu polie; mais, en voyage, il faut prendre le temps comme il vient.
En attendant qu'on m'apportât de la lumière, ne sachant que faire, je pris ma guitare et me mis à fredonner et à essayer un accompagnement. Insensiblement, et sans même m'en apercevoir, je finis par chanter, mais à demi-voix. En me retournant, je crus voir de la lumière à travers les fentes de la porte; je me levai pour l'ouvrir, et je trouvai ma peu gracieuse hôtesse qui m'écoutait.
Конец ознакомительного фрагмента.
Текст предоставлен ООО «ЛитРес».
Прочитайте эту книгу целиком, купив полную легальную версию на ЛитРес.
Безопасно оплатить книгу можно банковской картой Visa, MasterCard, Maestro, со счета мобильного телефона, с платежного терминала, в салоне МТС или Связной, через PayPal, WebMoney, Яндекс.Деньги, QIWI Кошелек, бонусными картами или другим удобным Вам способом.