Essais d'un dictionnaire universel. Fournier Edouard

Essais d'un dictionnaire universel - Fournier Edouard


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s. f. C'est le nom qu'on donne en Languedoc à un petit pain de pastel avant qu'il soit réduit en poudre, & vendu aux Teinturiers: on en fait grand trafic en ce païs-là; & parce qu'il ne vient que dans des terres fort fertiles, & qu'il apporte un trés-grand revenu à ses maîtres, vû qu'on en fait jusqu'à cinq ou six récoltes par an; quelques-uns ont nommé le haut Languedoc un païs de cocagne. Et c'est là-dessus qu'est fondée la fable du Royaume de Cocagne, des païs imaginaires, où les habitans vivent fort heureux sans rien faire.

      COCATRIX. s. m. Espece de basilic qui s'engendre dans les cavernes & les puits, en Latin Basiliscus, regulus. Il y a en la Cité de Paris un fief qui s'appelle Cocatrix, dans une ruë du même nom.

      COHUE. s. f. Vieux mot qui signifioit autrefois l'assemblée des Officiers de Justice, que se faisoit en certain lieu pour juger les procés, comme on voit dans les Ordonnances de l'Echiquier de Normandie de l'an 1383. On s'en est servi depuis pour signifier le lieu destiné à tenir la Justice dans les Villages par des Juges pedanées, ainsi appellez à coëunte multitudine. Ménage témoigne que coüa a été dit autrefois pour halle; or c'est dans les halles que se tiennent la plûpart des petites Justices. On appelle encore la halle & cohuë de Quintin en Bretagne, le lieu où se font les publications de justice.

      Cohüe, se dit figurément des assemblées tumultuaires où il n'y a point d'ordre, où chacun parle en confusion. On tenoit autrefois de belles conferences chez un tel, mais il y est venu tant d'impertinens, que cela est dégéneré en cohuë.

      COULEUR. s. f. lumiére refléchie & modifiée selon la disposition des corps, qui les fait paroître bleus, jaunes, rouges, &c. & qui les rend objets de la vûë. Les experiences modernes ont prouvé clairement que les Anciens se sont fort trompez, en distinguant les couleurs en vrayes & en apparentes. Virgile a eu raison de dire que la nuit ôtoit la couleur à toutes choses. Il y a des couleurs simples, comme sont les cinq couleurs matrices des Teinturiers, dont toutes les autres dérivent; il y en a de composées, sçavoir le bleu, le rouge, le jaune, le fauve, ou couleur de racine, & le noir. A l'égard du verd il n'y a point dans la nature de drogue qui serve à teindre en cette couleur, mais on teint les étoffes deux fois, d'abord en bleu, & puis en jaune, & elles deviennent verdes. Du mêlange des premiéres couleurs il s'en fait un grand nombre, comme le violet, le gris de lin, incarnat, &c. expliquées à leur ordre. Le mercure est le fondement des couleurs, comme le sel des saveurs, & le soulfre des odeurs.

      On appelle aussi couleurs simples, celles qui servent aux Enlumineurs & aux Peintres, qui viennent des vegetaux, & qui ne peuvent pas souffrir le feu, comme le jaune fait de safran ou de graine d'Avignon, la laque, & autres teintures extraites des fleurs. Les autres sont minerales, qui se tirent des métaux, & qui souffrent le feu; ce sont les seules propres à faire l'émail: ainsi on tire de l'or & du fer le rouge, de l'argent le bleu, du cuivre le verd, du plomb le blanc ou la ceruse, quand il est dissous avec le seul vinaigre; mais quand la ceruse a été cuite dans le fourneau, elle donne du massicot, & du minium quand elle est poussée davantage au feu.

      Les Peintres distinguent aussi les couleurs en legéres & en pesantes; sous le blanc on comprend toutes les couleurs légéres. L'outremer est mis au rang des couleurs légéres. Sous le noir on comprend toutes les couleurs pesantes & terrestres. Le brun-rouge, la terre d'ombre: le verd-brun & le bistre sont les couleurs les plus pesantes & les plus terrestres aprés le noir. Les Peintres appellent aussi couleurs rompuës, les couleurs trop vives qu'ils affoiblissent par le mêlange d'autres plus sombres. On dit que l'azur d'outremer est rompu de laque & d'ocre jaune, pour dire qu'il y entre un peu de ces couleurs. Les couleurs rompuës servent à l'union & à l'accord des couleurs, soit dans les tournans des corps, soit dans leurs ombres. On appelle couleurs noyées, celles qui s'affoiblissent insensiblement, comme sont celles que forment les nuances. Et on appelle un ton de couleur, un degré de couleur, par rapport au clair obscur. Les couleurs changeantes sont celles qui dépendent de la situation des objets à l'égard de la lumiére, comme celle des taffetas changeans, de la gorge des pigeons, &c. néanmoins quand on regarde attentivement avec un bon microscope les plumes de la gorge d'un pigeon, on voit que chaque petit fil de ses plumes est composé de plusieurs petits carrez alternativement rouges & verds, & ainsi ce sont des couleurs fixes. Le Pere Kircher dit que les couleurs changeantes qu'on void sur les plumes des pigeons & des paons viennent de ce que ces plumes sont diaphanes, & d'une figure semblable à celle des triangles de cristal, ou primes de verre, qui étant opposez à la lumiére font voir des iris. Les couleurs fixes & permanentes ne se font point par des réflexions comme les changeantes, mais par le passage de la lumiére à travers certains corps, soit en les traversant entiérement, soit en se reflêchissant sur quelques-unes de leurs parties internes, ou aprés avoir un peu pénétré leurs superficies. Il y a deux ordres differens dans les couleurs, pour passer du blanc au noir; l'un est le blanc, le jaune, le rouge, & le noir; l'autre est le blanc, le bleu, le violet & le noir; c'est la doctrine du Sieur Mariotte dans l'excellent Livre qu'il a fait des couleurs. Il y a des couleurs ou teintures fixes, comme la teinture jaune de l'or, ou la bleuë du lapis lazuli, que le feu ne diminuë point, & il est trés-difficile de les tirer par les dissolvans ordinaires.

      Couleur, se dit encore des corps solides, des drogues qui servent aux Peintres & aux Teinturiers pour faire paroître ces couleurs. Un Peintre prépare ses couleurs sur sa palette. On appelle de mauvais Peintres des broyeurs de couleurs; & quand on dit que l'air mange les couleurs, on entend que son intemperie détache de petits corps des sujets, sur lesquels elles avoient été attachées, lors de leur teinture.

      Couleur, est quelquefois opposée au noir, parce qu'en effet le noir n'est pas une couleur, à cause qu'il imbibe toute la lumiére, & qu'il n'en refléchit aucune partie. En ce sens on dit que les gens de guerre, & les Courtisans portent des habits de couleur, & que les gens de robbe, ou d'Eglise en portent de noirs.

      En approchant de ce sens on appelle couleur haute, couleur rude, couleur forte, gaye, couleur éclatante, couleur claire, celle qui refléchit à nos yeux plus de rayons de lumiére, comme la couleur de cerise, la couleur de feu, l'incarnat; & au contraire on appelle couleur douce, sombre, morne, triste, modeste, celle qui en refléchit le moins, comme le gris de lin, feüille-morte, couleur d'olive, couleur de pensée, &c.

      Couleur d'eau, c'est un certain brillant violet qu'acquiert le fer bien poli, quand il a passé au feu dans un certain degré de chaleur.

      On dit qu'on met une chose en couleur, quand on rafraîchit les peintures, quand on les décrasse, quand on y met du vernis, & autres drogues qui en font revivre, ou paroître les couleurs à demi effacées.

      Nuance de couleurs, est une certaine disposition de la même couleur, mêlangée & montant par degrez depuis le plus clair jusqu'au plus obscur: leurs noms seront expliquez à leur ordre.

      Couleur se dit aussi de la disposition du teint, du visage, & des chairs. Les gens qui se portent bien ont la couleur vermeille, sont hauts en couleur. Les Espagnols ont la couleur olivastre. Les filles qui ont leurs ordinaires ont la couleur plombée; celles qui sont trop amoureuses ont les pâles couleurs. Quand la cangrene paroît, elle rend la chair de couleur livide.

      On le dit aussi des alterations qui se font au visage par les mouvemens interieurs de l'Ame. Un reproche veritable fait à un homme, le fait changer de couleur, il rougit de honte, & pâlit de colere. La couleur lui a monté au visage, pour dire il a rougi.

      Couleur, se dit encore des changemens qui arrivent aux corps par la differente cuisson & application du feu, & sur tout en Chymie. Ce pain, ce rost est cuit, mais il n'a pas encore assez de couleur. Les Chymistes admirent les changemens de couleurs qui se font dans les métaux, & cherchent sur tout le beau rouge, le beau citrin, qui sont les couleurs de la Benoiste.

      Couleur,


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