Essais d'un dictionnaire universel. Fournier Edouard

Essais d'un dictionnaire universel - Fournier Edouard


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la troisiéme partie de sa largeur ordinaire; elle s'appelle fasce en Devise, ou Devise seulement, & il n'y en doit avoir qu'une en écu. On le dit aussi du chef lors qu'on le pose en sa partie basse, & qu'il n'a que le tiers de sa largeur ordinaire, & alors on l'appelle chef du second surmonté ou chargé de tant d'étoiles, de molettes, ou autres meubles semblables. Ce mot de Devise s'est dit, parce qu'elle servoit à diviser, à separer, & à remarquer les gens & les partis, ce qui se faisoit par les habits, les livrées, les écharpes, & enfin par les paroles ou sentences particuliéres que les Chevaliers prenoient pour se faire remarquer. On les a en suite posées sur les Ecus, d'où sont venuës insensiblement les armoiries. On disoit en vieux François faire sa Devise, pour dire faire son testament ou la division de ses biens, comme on voir dans Villehardoüin.

      On a appellé aussi autrefois Devise, les robes de deux couleurs, comme sont celles des Maires & Echevins, & des Huissiers & Bedaux des Villes, des Paroisses, & des Communautez de Marchands: Et cela par la même raison qu'elles étoient divisées en deux couleurs.

      Devise se prend maintenant en un sens plus étroit, & signifie une embleme qui consiste en la representation de quelque corps naturel, & en quelque mot qui l'applique en un sens figuré à l'avantage de quelqu'un; le tableau s'appelle le corps, & le mot l'ame de la devise. On met des Devises sur les monnoyes, sur les jetons, sur les écus des Cavaliers, dans les ornemens des Arcs de triomphe, de feux d'artifice, & autres solemnitez. Les Devises sont des espéces d'images qui representent les entreprises de guerre, d'amour, de pieté, d'étude, d'intrigue, de fortune, &c. Les François sont les premiers qui ont fait des Devises, & les Italiens les premiers qui en ont donné des régles. Les Peres Menétrier & le Moine Jesuïtes ont écrit de l'art des Devises.

      DRAGON. s. m. Serpent monstrueux qui est parvenu avec l'âge à une prodigieuse grandeur. Les anciens Naturalistes se sont égayez à décrire ce monstre en diverses maniéres, ils lui ont donné des aîles, des crêtes, des pieds & des têtes de differentes figures, jusques-là qu'Aldroandus fait mention d'un Dragon né de l'accouplement d'une aigle avec une louve, qui avoit de grandes aîles, une queuë de serpent & des pieds de loup: mais il est le premier à dire avec les modernes, que c'est un Animal chimerique, si on le prétend faire differer d'un vieux serpent. Quelques-uns mêmes ont dit qu'il y a en Afrique des Dragons volans, qui peuvent emporter un homme & un cheval, & qu'ils emportent souvent des vaches. Albert le Grand fait mention d'un Dragon de mer, semblable à un serpent qui a les aîles courtes & le mouvement trés-prompt, & si venimeux qu'il fait mourir par sa morsure. On appelle aussi la Vive, Dragon de mer, ou araignée de mer. Les Poëtes qui ont feint que le jardin des Hesperides étoit gardé par un Dragon, ont entendu la mer Oceane, qui fermoit l'entrée aux Iles fortunées ou à l'Amerique, d'où venoient de beaux fruits & où se trouvoient les mines d'or. On peint un Dragon auprés de sainte Marguerite, on appelle Dragon la gargoüille de Roüen. Voyez fierte.

      Dragon. En termes de l'Ecriture se dit figurément du serpent infernal, de Satan. Ainsi quand il est dit dans l'Apocalypse, ch. 12. que le Dragon & ses Anges combattoient contre Saint Michel, il est expliqué aussi-tôt que c'étoit le Diable, & Satan. Et de même au ch. 13. quand il est dit, que le Dragon a été adoré, & pareillement quand il est dit dans les propheties d'Isaïe & de Daniel, que le Dragon a été blessé, a été mis à mort, cela s'entend du mystére de la Rédemption, qui a détruit l'Empire de Satan.

      Dragon. Se dit hyperboliquement de ceux qui font les méchans & les difficiles à contenir dans le devoir: on le dit même des femmes & des enfans. Cette femme crie toûjours son mari, c'est un vrai Dragon. Cet enfant est un vrai Dragon, il est incorrigible & mutin.

      Dragon. En termes de guerre est une sorte de Cavalier sans bottes, qui marche à cheval & qui combat à pied. On a beaucoup multiplié en France le corps de Dragons. Les Dragons sont postez à la tête du Camp, & vont les premiers à la charge comme les enfans perdus: ils sont réputez du corps de l'Infanterie, & en cette qualité ils ont des Colonels & des Sergens, mais ils ont des Cornettes comme la Cavalerie. Ménage dérive ce mot du Latin Draconarÿ, qu'on trouve dans Vegece dans la signification de Soldats, mais il y a plus d'apparence qu'il vient de l'Allemagne tragen, ou draghen, qui signifie Infanterie portée.

      Dragon volant, est aussi un nom qu'on a donné à une ancienne coulevrine extraordinaire qui a 39. calibres de long, & qui tire 32. livres de balle, selon Hanzelet.

      Dragon est aussi une maladie qui vient aux yeux des chevaux. Ce cheval a diminué de prix depuis qu'il lui est venu dans l'œil un dragon.

      Dragons en termes de marine, ce sont de gros tourbillons d'eau qu'on trouve souvent sous la ligne, qui briseroient ou couleroient à fonds les Navires s'ils passoient pardessus, & les Mariniers ont la superstition de croire qu'ils les détournent à côté en battant leurs épées nuës en croix du côté d'où vient l'orage, comme dit François Peyrard.

      Dragon est aussi une constellation celeste vers le Pole Arctique, ayant 31. Etoiles selon Ptolomée, 32. selon Kepler, & 33. selon Bayer, qui sont de la nature de Saturne & de Jupiter.

      En terme d'Astronomie on appelle la tête & la queuë du Dragon, les points des intersections de l'Eclyptique par l'orbite des autres Planettes, & particuliérement par celle de la Lune. Le ventre du Dragon est l'endroit de ces cercles où se trouve leur plus grande latitude & éloignement; comme ces cercles marquent une plus grande enflûre au milieu qu'aux extrêmitez, cela a fait croire qu'ils avoient la figure d'un Dragon, ce qui les a fait nommer ainsi, & c'est dans ces seuls points d'intersection que se font toutes les éclipses; on les marque dans les horoscopes avec ces signes Ω tête de Dragon, ℧ queuë de Dragon: mais il n'y a rien de plus vain que les prédictions que font là-dessus les Astrologues, car en effet ces points n'ont aucune vertu, ni influence.

      Dragon est aussi un méteore qui se forme de quelques nuées enflammées, qui jettent quelques étincelles qui ont divers plis, & qui imitent la figure d'un Dragon.

      Dragon en termes de Blason, quand on le dit simplement, s'entend du terrestre, qui doit avoir deux pieds, & la queuë en pointe. Il y en a d'autres qu'on appelle monstrueux, qui ont des aîles; & qu'on appelle Dragonnez, les autres animaux qui sont peints avec des queuës de Dragons, ou de Serpens.

      Sang de Dragon, Terme de Pharmacie. Les Anciens ont crû que le Dragon combattoit contre l'Elephant, qu'il lui suçoit tout son sang par les yeux & les oreilles, que l'Elephant tombant mort écrasoit le Dragon, & que de ce sang mêlé tombant sur la terre on en recueilloit ce qu'ils appelloient sang de Dragon, dont ils faisoient grand état; c'est ainsi qu'en parlent Solin, Pline, Isidore, & plusieurs autres aprés eux: mais ce combat est une fable inventée par les Marchands. On appelle aussi le Cinnabre sang de Dragon, selon Avicenne & Serapion. Mais le vrai naturel sang de Dragon est un suc, ou gomme d'un arbre nommé anchuse qui vient d'Afrique, & il s'en fait d'artificiel avec du santal, ou de la gomme de cerisier ou amandier dissoute & cuite dans la teinture du bois de Bresil. Cardan dit qu'il vient d'un autre arbre de l'Ile Zocotora.

      Il y a un vray sang de Dragon dont François Cauche fait mention en son voyage de Madagascar. Il dit qu'on lui fit present de six morceaux de sang de Dragon, chacun long de trois pouces, ressemblans à des morceaux de boudin, marbrez comme le savon d'Alican, de rouge, de noir & de blanc, ce que les Habitans appellent onguent pour étancher le sang. Ils sont faits de feüilles pilées d'un arbre fort branchu & gros comme un poirier, qui a les feüilles longues & plus étroites que celles du laurier, ayant une odeur de violette, les fleurs sont blanches & odoriferantes, venant en bouquet, rondes & n'ayant que cinq feüilles bien ordonnées, elles se ferment la nuit & ne sont pas plus larges qu'un double; il sort du milieu un filet rougeâtre, qui se recoquille en telle sorte qu'il fait la figure d'un Dragon. Amatus Lusitanus, Mathiole & Bisciola, rapportent quelque chose


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