Jim Harrison, boxeur. Артур Конан Дойл

Jim Harrison, boxeur - Артур Конан Дойл


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de velours noir, ouvert en haut de manière à montrer un devant de chemise brodé que surmontait une cravate, large, blanche, plate, qui l'obligeait à tenir sans cesse le cou tendu.

      Il avait une allure dégagée, avec un pouce dans l'entournure et deux doigts de l'autre main dans une autre poche du gilet.

      En l'examinant, j'eus un mouvement de fierté à penser que cet homme, aux manières si aisées et si dominatrices, était mon proche parent et je pus lire la même pensée dans l'expression des regards de ma mère, tandis qu'elle les tournait vers lui.

      Pendant tout ce temps-là, Ambroise était resté près de la porte, immobile comme une statue, à costume sombre, à figure de bronze, tenant toujours sous le bras la caisse à monture d'argent. Il fit alors quelques pas dans la chambre.

      – Vous conduirai-je à votre chambre à coucher, Sir Charles? demanda-t-il.

      – Ah! excusez-moi, ma chère Mary, s'écria mon oncle, je suis assez vieille mode pour avoir des principes… ce qui est, je l'avoue, un anachronisme en ce siècle de laisser-aller. L'un d'eux est de ne jamais perdre de vue ma batterie de toilette, quand je suis en voyage. J'aurais grand peine à oublier le supplice que j'ai enduré, il y a quelques années, pour avoir négligé cette précaution. Je rendrai justice à Ambroise, en reconnaissant que c'était avant qu'il se chargeât de mes affaires. Je fus contraint de porter deux jours de suite les mêmes manchettes. Le troisième, mon gaillard fut si ému de ma situation qu'il fondit en larmes et produisit une paire qu'il m'avait dérobée.

      Il avait lair fort grave en disant cela, mais la lueur brillait pétillante dans ses yeux.

      Il tendit sa tabatière ouverte à mon père, tandis qu'Ambroise suivait ma mère hors de la pièce.

      – Vous prenez rang dans une illustre société, en plongeant là votre pouce et votre index, dit-il.

      – Vraiment, Monsieur? dit mon père brièvement.

      – Ma tabatière est à votre service puisque nous sommes apparentés par le mariage. Vous en disposerez aussi librement, neveu, et je vous prie de prendre une prise, c'est la preuve la plus convaincante que je puisse donner de mon bon vouloir. En dehors de nous, il n'y a, je crois, que quatre personnes qui y aient eu accès, le Prince, naturellement, Mr Pitt, Mr Otto l'ambassadeur de France, et lord Hawkesbury. J'ai pensé parfois que j'avais été un peu trop empressé pour Lord Hawkesbury.

      – Je suis immensément touché de cet honneur, Monsieur, dit mon père en regardant d'un air méfiant par-dessous ses sourcils en broussaille, car devant cette physionomie grave et ces yeux pétillants de malice on ne savait trop a quoi s'en tenir.

      – Une femme peut offrir son amour, monsieur, dit mon oncle, un homme a sa tabatière à offrir; ni l'un ni l'autre ne doivent s'offrir à la légère. C'est une faute contre le goût, j'irai même jusqu'à dire contre les bonnes moeurs. L'autre jour, pas plus tard, comme j'étais installé chez Wattier, ayant près de moi, sur ma table, tout ouverte ma tabatière de macouba premier choix, un évêque irlandais y fourra ses doigts impudents: «Garçon, m'écriai- je, ma tabatière a été salie. Faites-la disparaître.» L'individu n'avait pas l'intention de m'offenser vous le pensez bien, mais cette classe de la société doit être tenue à la distance convenable.

      – Un évêque! s'écria mon père, vous marquez bien haut votre ligne de démarcation.

      – Oui, Monsieur, dit mon oncle, je ne saurais désirer une meilleure épitaphe sur ma tombe.

      Pendant ce temps, ma mère était descendue et lon se mit à table.

      – Vous excuserez, Mary, l'impolitesse que j'ai l'air de commettre en apportant avec moi mes provisions. Abernethy m'a pris sous sa direction et je suis tenu de me dérober à vos excellentes cuisines de campagne. Un peu de vin blanc et un poulet froid, voilà à quoi se réduit la chiche nourriture que me permet cet Écossais.

      – Il ferait bon vous avoir dans le service de blocus, quand les vents levantins soufflent en force, dit mon père. Du porc salé et des biscuits pleins de vers avec une côte de mouton de Barbarie bien dure, quand arrivent les transports. Vous seriez alors à votre régime de jeûne.

      Aussitôt mon oncle se mit à faire des questions sur le service à la mer.

      Pendant tout le repas, mon père lui donna des détails sur le Nil, sur le blocus de Toulon, sur le siège de Gênes, sur tout ce qu'il avait vu et fait. Mais pour peu qu'il hésitât sur le choix d'un mot, mon oncle le lui suggérait aussitôt et il n'était pas aisé de voir lequel des deux s'entendait le mieux à laffaire.

      – Non, je ne lis pas ou je lis très peu, dit-il quand mon père eut exprimé son étonnement de le voir si bien au fait. La vérité est que je ne saurais prendre un imprimé sans y trouver une allusion à moi: «Sir Ch. T. fait ceci» ou «Sir Ch. T. dit cela». Aussi, ai-je cessé de m'en occuper. Mais, quand on est dans ma situation, les connaissances vous viennent d'elles-mêmes. Dans la matinée, c'est le duc d'York qui me parle de l'armée. Dans l'après-midi, c'est Lord Spencer qui cause avec moi de la marine, ou bien Dundas me dit tout bas ce qui se passe dans le cabinet, en sorte que je n'ai guère besoin du Times ou du Morning- Chronicle.

      Cela l'entraîna à parler du grand monde de Londres, à donner à mon père des détails sur les hommes qui étaient ses chefs à l'Amirauté, à ma mère, des détails sur les belles de la ville, sur les grandes dames de chez Almack.

      Il s'exprimait toujours dans le même langage fantaisiste, si bien qu'on ne savait s'il fallait rire ou le prendre au sérieux. Je crois qu'il était flatté de l'impression qu'il nous produisait en nous tenant suspendus à ses lèvres.

      Il avait sur certains une opinion favorable, défavorable sur d'autres, mais il ne se cachait nullement de dire que le personnage le plus élevé dans son estime, celui qui devait servir de mesure pour tous, n'était autre que sir Charles Tregellis en personne.

      – Quant au roi, dit-il, je suis l'ami de la famille, cela s'entend, et même avec vous, je ne saurais parler en toute franchise, étant avec lui sur le pied d'une intimité confidentielle.

      – Que Dieu le bénisse et le garde de tout mal! s'écria mon père.

      – On est charmé de vous entendre parler ainsi, dit mon oncle. Il faut venir à la campagne pour trouver le loyalisme sincère, car a la ville, ce qui est le plus en faveur, c'est la raillerie narquoise et maligne. Le Roi m'est reconnaissant du soin que je me suis toujours donné pour son fils. Il aime à se dire que le Prince a dans son entourage un homme de goût.

      – Et le Prince, demanda ma mère, a-t-il bonne tournure?

      – C'est un homme fort bien fait. De loin, on l'a pris pour moi. Et il n'est pas dépourvu de goût dans l'habillement, bien qu'il ne tarde pas à tomber dans la négligence, si je reste longtemps loin de lui. Je parie que demain, il aura une tache de graisse sur son habit.

      À ce moment-là, nous étions tous assis devant le feu, car la soirée était devenue d'un froid glacial.

      La lampe était allumée, ainsi que la pipe de mon père.

      – Je suppose, dit-il, que c'est votre première visite à Friar's

      Oak?

      La physionomie de mon oncle prit aussitôt une expression de gravité sévère.

      – C'est ma première visite depuis bien des années, dit-il. La dernière fois que j'y vins, je n'avais que vingt et un ans. Il est peu probable que j'en perde le souvenir.

      Je savais qu'il parlait de sa visite à la Falaise royale à l'époque de l'assassinat et je vis à la figure de ma mère qu'elle savait aussi de quoi il s'agissait. Mais mon père n'avait jamais entendu parler de l'affaire, ou bien il l'avait oubliée.

      – Vous étiez-vous installé à l'auberge?

      – J'étais descendu chez l'infortuné Lord Avon. C'était à l'époque où il fut accusé d'avoir égorgé son frère cadet et où il s'enfuit du pays.

      Nous gardâmes tous le silence.

      Mon oncle resta


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