Derniers essais de littérature et d'esthétique: août 1887-1890. Wilde Oscar
de son côté et il succombe.
C'est un récit plein de mouvement et de vie, et la psychologie des personnages se manifeste par l'action, non par l'analyse, par des faits, non par la description.
Bien qu'elle remplisse trois forts volumes, cette histoire ne nous fatigue pas.
Elle a de la vérité, de la passion, de la force, et on ne saurait demander mieux à la fiction.
L'intérêt du Chenapan de M. Sale Lloyd est subordonné à un de ces malentendus qui composent le fond de magasins des romanciers de second ordre.
Le capitaine Egerton s'éprend de Miss Adela Thorndyke, un faible écho de quelqu'une des héroïnes de Miss Broughton, mais il ne veut point l'épouser parce qu'il l'a vue causer avec un jeune homme, qui habite dans le voisinage, et qui est un de ses plus anciens amis.
Nous disons, à regret, que Miss Thorndyke reste entièrement fidèle au capitaine Egerton et va jusqu'à refuser, à cause de lui, d'épouser le recteur de la paroisse, qui est un baronnet du cru, et un lord en chair et en os.
Il y a là du caquet de five o'clock tea à n'en plus finir et bon nombre de personnages ennuyeux.
Il peut se faire que des romans comme le Chenapan s'écrivent avec plus de facilité qu'ils ne se lisent.
James Hepburn 3 appartient à une catégorie toute différente de livres.
Ce n'est point un simple chaos de conversation, mais une forte histoire de la vie réelle, et qui placera, sans aucun doute, Miss Veitch à un rang éminent parmi les romanciers modernes.
James Hepburn est le ministre de l'Église Libre de Mossgiel et dirige une congrégation d'agréables pécheurs et de graves hypocrites.
Deux personnes l'intéressent, Lady Ellinor Farquharson et un beau jeune vagabond nommé Robert Blackwood.
Ce qu'il fait pour sauver Lady Ellinor de la honte et de la ruine a pour résultat qu'on l'accuse d'être son amant.
Son intimité avec Robert Blackwood le fait soupçonner du meurtre d'une jeune fille commis dans sa maison.
Une réunion des Anciens et des dignitaires de l'Église est convoquée pour délibérer sur la démission du ministre, et là, au grand étonnement de tous, apparaît Robert Blackwood, qui avoue le crime dont Hepburn est accusé.
Tout le récit est d'une puissance extraordinaire, et il n'y est point fait un abus extravagant du dialecte écossais, ce qui est fort commode pour le lecteur.
La page de titre de Tiff nous apprend que ce livre a été écrit par l'auteur de Lucie ou une Grande Méprise, ce qui nous paraît une forme de l'anonymat, attendu que nous n'avons jamais ouï parler du roman en question.
Nous nous plaisons toutefois à croire qu'il valait mieux que Tiff, car Tiff est certainement ennuyeux.
C'est l'histoire d'une belle jeune fille, qui a beaucoup d'amoureux et les perd, et d'une fille laide, qui n'a qu'un amoureux et le garde.
C'est un récit assez embrouillé, et qui contient beaucoup de scènes d'amour.
Si la Collection «des Romans favoris» dans laquelle Tiff paraît, doit être continuée, nous conseillerons à l'éditeur de modifier le caractère et la reliure: le premier est beaucoup trop menu, et le second est fait d'une imitation de peau de crocodile ornée d'une araignée bleue et d'une gravure vulgaire, représentant l'héroïne dans les bras d'un jeune homme en tenue de soirée.
Si ennuyeux que soit Tiff, – et il l'est à un degré remarquable, – il ne mérite point une aussi détestable reliure.
Deux Biographies de Keats 4
«Un poète, disait un jour Keats, est de toutes les créatures de Dieu la moins poétique».
Que cet aphorisme soit vrai ou non, c'est certainement l'impression que donnent les deux dernières biographies qui ont paru sur Keats lui-même5.
On ne saurait dire que M. Colvin ou M. William Rossetti6 nous fassent mieux aimer ou mieux comprendre Keats.
Dans l'un et l'autre de ces livres, il y a beaucoup de choses qui sont comme «de la paille dans la bouche» et dans celui de M. Rossetti, il ne manque pas de ces choses qui ont «au palais l'acre saveur du cuivre».
De nos jours, cela est, jusqu'à un certain point, inévitable.
On est toujours tenu de payer l'amende, quand on a regardé par des trous de serrure. Or, trou de serrure et escalier de service jouent un rôle essentiel dans la méthode des biographes modernes.
Toutefois, il n'est que juste de reconnaître, tout d'abord, que M. Colvin s'est acquitté de sa besogne beaucoup mieux que M. Rossetti.
Ainsi le récit de la vie de Keats adolescent, tel que le donne M. Colvin, est très agréable. De même l'esquisse du cercle des amis de Keats. Leigh Hunt et Haydon, notamment, sont admirablement dessinés.
Çà et là sont introduits de vulgaires détails de famille, sans beaucoup d'égard pour les proportions.
Les panégyriques posthumes d'amis dévoués n'ont réellement pas grande valeur pour nous aider à apprécier exactement le vrai caractère de Keats, quoique en semble croire M. Colvin.
Nous sommes convaincu que lorsque Bailey écrivait à Lord Houghton que deux traits essentiels, le sens commun et la bienveillance, distinguaient Keats, le digne archidiacre avait les meilleures intentions du monde, mais nous préférons le véritable Keats, avec son emportement capricieux et volontaire, ses humeurs fantasques et sa belle légèreté.
Ce qui fait une partie du charme de Keats comme homme, c'est qu'il était délicieusement incomplet.
Après tout, si M. Colvin ne nous a point donné un portrait bien ressemblant de Keats, il nous a certainement raconté sa vie dans un livre agréable et d'une lecture facile.
Il n'écrit peut-être pas avec l'aisance et la grâce d'un homme de lettres, mais il n'est jamais prétentieux et n'est pas souvent pédant.
Le livre de M. Rossetti est absolument raté. Et, pour commencer, M. Rossetti commet la grave erreur de séparer l'homme de l'artiste.
Les faits de la vie de Keats ne sont intéressants qu'à la condition de les montrer dans leur rapport avec son activité créatrice.
Dès qu'ils sont isolés, ils perdent tout intérêt ou même deviennent pénibles.
M. Rossetti se plaint de ce que les débuts de la vie de Keats soient dépourvus d'incidents, de ce que la dernière période soit décourageante, mais la faute est imputable au biographe et non au sujet.
Le livre s'ouvre par un récit détaillé de la vie de Keats, où il ne nous fait grâce de rien, depuis ce qu'il appelle la «mésaventure sexuelle d'Oxford» jusqu'aux six semaines de dissipation après l'apparition de l'article du Blackwood et aux propos que tenait le mourant dans son délire loquace.
A n'en pas douter, tout, ou presque tout ce que nous rapporte M. Rossetti, est vrai, mais il ne fait preuve ni de tact dans le choix des faits, ni de sympathie dans sa manière de les traiter.
Lorsque M. Rossetti parle de l'homme, il oublie le poète, et lorsqu'il juge le poète, il montre qu'il ne comprend point l'homme.
Prenez par exemple sa critique de la merveilleuse Ode à un rossignol, d'une si étonnante magie d'harmonie, de couleur et de forme.
Il commence par dire que «la première marque de faiblesse» dans la pièce est «l'abus des allusions mythologiques», assertion complètement fausse, car sur les huit stances qui composent la pièce, il n'y en a que trois qui contiennent des allusions mythologiques, et sur ce nombre, il n'en est aucune qui soit forcée ou éloignée.
Puis, lorsqu'il cite la seconde strophe:
Oh!
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Par Sophie Veitch.
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