Œuvres complètes de lord Byron, Tome 8. George Gordon Byron
Byron
Œuvres complètes de lord Byron, Tome 8 / comprenant ses mémoires publiés par Thomas Moore
LES DEUX FOSCARI
Le père est touché, mais le
gouverneur est inflexible.
(Le Critique.)
FRANCIS FOSCARI, Doge de Venise.
JACOPO FOSCARI, fils du Doge.
JACQUES LORÉDANO, patricien.
MARCO MEMMO, chef des Quarante.
BARBARIGO, sénateur.
AUTRES SÉNATEURS, LE CONSEIL DES DIX, GARDES, SUIVANS, etc., etc.
LES DEUX FOSCARI
TRAGÉDIE HISTORIQUE
ACTE PREMIER
Où est le prisonnier?
Il se remet de la question.
L'heure fixée hier pour la reprise de son jugement est passée. – Hâtons-nous de rejoindre nos collègues dans la salle du conseil, et de proposer son rappel.
Pour moi je pense qu'il serait bon de donner à ses membres torturés un relâche de quelques minutes; la question l'avait hier épuisé, et si on l'y replaçait de suite, il pourrait expirer dans les tourmens.
Eh bien?
Comme vous, j'aime la justice; autant que vous je déteste les ambitieux Foscari, père et fils, et toute leur race dangereuse; mais le malheureux a souffert au-delà des forces de la nature avec la constance la plus stoïque.
Sans faire l'aveu de ses crimes.
Et peut-être sans en avoir commis. Seulement il a avoué la lettre au duc de Milan, et ce qu'il vient de souffrir peut être considéré comme un châtiment presque suffisant d'une pareille faiblesse.
C'est ce que nous verrons.
Loréano! vous suivez trop loin les inspirations d'une haine héréditaire.
Jusqu'où?
Jusqu'à l'extermination.
Quand les Foscari seront éteints, vous pourrez parler ainsi; mais allons au conseil.
Encore un instant: – nos collègues ne sont pas en nombre; deux autres doivent encore venir avant que la délibération puisse être reprise.
Et le président, le Doge?
Oh! pour lui, avec un courage plus que romain, il est toujours le premier à son poste dans ce déplorable procès contre son dernier et unique fils.
Oui, – oui-son dernier.
Rien ne peut-il vous toucher?
Souffre-t-il? croyez-vous?
Il ne le témoigne pas.
Je l'avais déjà remarqué, – le misérable!
Mais hier, comme il rentrait dans l'appartement ducal et qu'il en passait le seuil, on ma dit que le pauvre vieillard s'était trouvé mal.
Il commence donc à sentir?
C'est à vous qu'il le doit en partie.
Je devrais en être la seule cause: – mon père et mon oncle ne sont plus.
D'après leur épitaphe que j'ai lue, ils sont morts empoisonnés.
Oui: à peine le Doge avait-il déclaré qu'il ne se croirait jamais souverain, tant que vivrait Péter Lorédano, que les deux frères tombèrent malades: – il est souverain.
Bien déplorable!
Et ceux qu'il a rendus orphelins?
Mais pouvez-vous en accuser le Doge?
Oui.
Quelle preuve?
Quand les princes ourdissent en secret leurs trames, il est difficile de retrouver contre eux des preuves et de leur faire leur procès; mais je crois avoir assez recueilli des premières pour me passer des délais du second.
Vous en appelez cependant aux lois.
Oui, aux seules lois qu'il voulut nous laisser.
Dans notre république il est plus facile d'obtenir réparation que chez les nations étrangères. Est-il vrai que, sur vos livres de commerce (source de l'opulence de nos plus illustres patriciens), vous ayez écrit ces mots: «Doit le doge Foscari la mort de Marco et celle de Piétro Lorédano, mes père et oncle?»
Oui, cela est écrit.
Mais ne l'effacerez-vous pas?
J'attendrai la balance.
Par quel moyen?
Vous voyez que nous sommes en nombre. Suivez-moi.
Te suivre! je n'ai que trop long-tems suivi la trace de tes fureurs, semblable à la vague soulevée à la suite d'une autre vague, et frappant également le vaisseau qu'entr'ouvrent les vents déchaînés, et l'infortuné qui remplit de ses cris l'asile où commencent à pénétrer les flots. Mais ce fils, mais son père, seraient capables d'attendrir les élémens eux-mêmes, et devrais-je, après tout, imiter leur inexorable furie? – Oh! que ne suis-je comme eux aveugle et sans remords! – Mais le voici! – Contiens-toi, mon cœur! ils sont tes ennemis; il faut qu'ils tombent tes victimes: voudrais-tu t'attendrir pour ceux qui furent sur le point de te briser?
Laissez-le reposer. Arrêtons-nous, seigneur.
Ami, je te remercie; je suis faible; mais ce retard pourrait t'être reproché.
J'en courrai les chances.
Quoi! de la bienveillance! – Jusqu'alors j'avais trouvé quelques indices de pitié, mais de miséricorde, jamais; voici le premier.
Et le dernier peut-être, si ceux qui gouvernent nous entendaient.
Il en est un qui vous entend: ne crains rien cependant, je ne veux être ton juge ni ton accusateur; et bien que l'heure soit passée, attends ici leur dernier appel. – Je suis des Dix, et je ne m'arrête ici que pour justifier votre retard: quand le dernier avis te parviendra, j'aurai franchi la porte du conseil. – Surveille exactement le prisonnier.
Quelle est cette voix? – celle de Barbarigo! Ciel! l'ennemi de notre maison est du petit nombre de mes juges!
Mais