Recherches nouvelles sur l'histoire ancienne, tome I. Constantin-François Volney
ce livre, sinon le registre ou journal des opérations militaires des Hébreux, guidés par leur dieu Iahouh, et par son visir Moïse; opérations dont ce lieutenant voulut, comme tout chef militaire, avoir le tableau pour le consulter au besoin? Lorsque ensuite nous trouvons au livre des Nombres (chap, 21, vers. 14) la citation d'un livre intitulé livre des Guerres (du Dieu) Iahouh…, exprimée dans les termes suivants: «Les enfants d'Israël décampèrent du torrent de Zared et vinrent camper sur l'Arnon, qui est dans le désert, et sort de la montagne des Amrim. Or, l'Arnon est la frontière de Moab qui le sépare des Amrim: c'est pourquoi il est dit dans le livre des Guerres de Iahouh, ce qu'a fait Iahouh sur la mer Rouge, (il l'a fait) sur les torrents d'Arnon»; nous disons qu'un tel récit, une telle citation ne saurait être de Moïse, et qu'ils ne conviennent qu'à un interlocuteur posthume qui écrivait d'après des matériaux qu'il avait sous les yeux, et où il trouvait décrits les campements et les faits militaires des Hébreux. Or ce livre ancien et original semble devoir être celui-là même où Moïse écrivit la victoire sur Amaleq, l'an 1er, puis tout ce qui arriva pendant le séjour dans le désert, et enfin l'an 40, la victoire sur Sehoun et celle sur Og, qui furent les derniers exploits du législateur. Lorsqu' ensuite les livres que nous avons en main portent une lacune totale entre l'an 2 et l'an 40, et que tout leur récit de ce qui se passa pendant 37 ans, se borne à une stérile notice de campements54, c'est parce que le rédacteur posthume a supprimé, comme inutiles à son but, les détails du Journal de Moïse, de ce livre des Guerres du Dieu Iahouh, que nous n'avons pas.
Le Deutéronome55 parle encore plusieurs fois d'un livre de la Loi écrit par Moïse l'an 40, outre le livre de l'Alliance écrit au pied de l'Horeb, l'an 2..... Moïse remit ce livre peu avant sa mort, aux prêtres, enfants de Lévi, et aux anciens d'Israël (ch. 31, v. 9), pour être lu, tous les 7 ans, à la fête des Tabernacles, à l'époque du Jubilé: or, ce livre ne saurait être ni le Pentateuque, ni le Deutéronome entier, attendu que Moïse ordonna (ch. 27, v. 2), qu'après le passage du Jourdain, ledit livre serait écrit en entier sur les pierres du pourtour d'un autel dont la face aurait été enduite de chaux pour recevoir l'écriture. Il est déraisonnable et impossible de supposer qu'une masse d'écriture, telle que le Deutéronome, ait été écrite sur des pierres, surtout lorsqu'une partie contient des récits étrangers à la loi et postérieurs à Moïse..... Ce second livre de la Loi ne peut donc être qu'un nouvel exposé des lois, avec quelques développements, tels qu'on les trouve dans certains chapitres du Deutéronome; mais là encore, nous n'avons l'écrit de Moïse que par intermédiaire et non pas autographe, tel qu'il le produisit; et toujours nous sommes ramenés à l'idée d'un compilateur posthume, qui retranchant, ajoutant, choisissant ce qu'il a voulu, a composé l'ouvrage réellement confus et peu cohérent, que l'on appelle Pentateuque.
Ici revient se placer une remarque qui semble avoir échappé à nos prédécesseurs, et que nous avons indiquée plus haut56. Nous avons dit que l'oracle rendu par la prophétesse Holdah, désignait d'une manière spéciale les anathèmes des chapitres 27 et 28 du Deutéronome.
«Le dieu d'Israël, dit cette femme, va envoyer contre Jérusalem tous les maux écrits dans le livre dont le roi a ouï la lecture, et cela, parce que les Juifs ont abandonné leur Dieu et sacrifié à des dieux étrangers.»
On feuillette vainement l'Exode, le Lévitique, les Nombres, l'on n'aperçoit rien qui corresponde à ces paroles, ni qui remplisse l'idée de ces maux; mais lorsqu'on arrive au chapitre 27 du Deutéronome, on trouve une série de malédictions et d'anathèmes qui continue dans le chapitre 28, et qui réellement présente un tableau affreux.
«Si vous n'écoutez point la voix de Dieu, dit le verset 15, pour observer tous ses commandements et pratiquer ces cérémonies, une foule de maux viendra vous accabler. Vous serez maudits dans vos villes, maudits dans vos campagnes.....; Dieu vous enverra la disette et la famine.....; il vous enverra la peste qui vous consumera......; la pluie du ciel sera une poussière et une cendre brûlante, etc., etc.»
Maintenant, comment se fait-il que la suite de ces anathèmes ait pour le sens, et, qui plus est, pour l'expression, une analogie frappante avec les premiers chapitres de Jérémie, écrits depuis l'an 625 jusqu'à 621, c'est-à-dire pendant les 4 années où le grand-prêtre dut être occupé de la rédaction du Pentateuque. Les chapitres 4, 5 et 6 en offrent surtout des exemples frappants:
Le hasard ne produit pas d'aussi parfaites ressemblances,57 surtout lorsque les expressions des deux textes sont littéralement les mêmes. Il nous semble donc presque démontré que Jérémie a eu connaissance du travail que préparait le grand-prêtre; qu'il en est devenu, le confident, peut-être même le collaborateur; du moins est-il certain que son rôle et sa doctrine sont en accord parfait avec le Pentateuque; et quant à la composition matérielle de ce livre, nous trouvons, dans les difficultés de l'entreprise, de nouvelles raisons de l'attribuer à Helqiah; car quel individu autre que ce grand-prêtre, tout-puissant par sa place et ses récentes fonctions de régent, eût pu se faire ouvrir les archives du temple, les registres du royaume et les monuments des villes? Quel autre que lui eût pu réunir l'instruction varié, la connaissance des antiquités nécessaire à la compulsation des monuments et à la rédaction de l'ouvrage? Huit siècles s'étaient écoulés depuis la mort de Moïse; ce laps de temps avait introduit bien des changements dans le langage, dans les coutumes, dans le régime civil et même religieux, dans la forme même de l'écriture et l'usage des mots. Les 12 tribus, pendant 400 ans sous les juges, avaient vécu dans un état réciproque d'indépendance et d'isolement; c'étaient autant de peuples séparés comme les tribus arabes… Après Salomon 10 tribus firent schisme absolu, et de ces 10 tribus, 3 vivant au-delà du Jourdain, faisaient presque une autre confédération distincte… Le langage et les coutumes s'étaient ressentis de cette manière d'être: bien des choses anciennes étaient des énigmes pour le vulgaire; les vieux manuscrits étaient pénibles à déchiffrer, à comprendre; le concours de plusieurs hommes lettrés était nécessaire; de tels hommes étaient rares chez un peuple grossier, ignorant, déchiré de troubles; leur travail devenait dispendieux, et toute l'entreprise avait des obstacles qu'un homme puissant et tel que le grand-prêtre pouvait seul exécuter.
Après l'exposé que nous venons de faire des preuves positives fournies par divers passages du Pentateuque d'une part, et des présomptions et indices tirés des faits historiques et de leurs accessoires d'autre part, nous croyons pouvoir conclure impartialement:
1° Que le Pentateuque, tel qu'il est en nos mains, ne saurait être l'ouvrage immédiat, ni la composition autographe de Moïse;
2° Que le livre soi-disant trouvé par le grand-prêtre Helqiah, l'an 18 du roi Josiah, est réellement notre Pentateuque actuel;
3° Que la partie de ce livre lue devant Josiah, se rapporte aux chapitres 27 et 28 du Deutéronome;
4° Que le grand-prêtre Helqiah, qui dit avoir trouvé ce livre, et qui l'a possédé seul et sans témoins; qui en a été le maître absolu et sans contrôle, est fortement prévenu, par toutes les circonstances du fait, d'en être l'auteur, et de l'être en ce sens, qu'il a recueilli et rassemblé des matériaux dont quelques-uns paraissent venir directement de Moïse; mais qu'il les a fondus, rédigés et mis dans l'ordre qu'il lui a convenu, et que nous voyons aujourd'hui.
CHAPITRE IX.
Problèmes résolus par l'époque citée
CES propositions étant admises, l'on peut résoudre d'une manière satisfaisante presque toutes les difficultés chronologiques, géographiques et historiques contenues dans le Pentateuque. Et d'abord en considérant que son apparition ou promulgation l'an 18 de Josiah, correspond à l'an 621 avant notre ère, on voit la raison de tous les faits disparates dont ce livre offre les citations. Par exemple, on conçoit que Helquiah écrivant dans Jérusalem, à l'occident et en deçà du Jourdain,
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Une autre identité a été remarquée par les critiques. On lit, au chap. 21 du livre des Nombres, v. 26, 27 et 28: «Or, la ville de Hesbon avait été enlevée aux Moabites par Séhon, roi amorrhéen; c'est pourquoi il est dit dans le livre des
D'autre part, le chapitre 48 de Jérémie, v. 44, 45 et 46, porte: «A l'ombre de Hesbon se sont arrêtés les fuyards de Moab; un feu est sorti de Hesbon, une flamme du milieu de Séhon pour dévorer les pierres angulaires et les sommets des enfants de Châoun. Malheur à toi, Moab! Le