Le mystère de la chambre jaune. Гастон Леру

Le mystère de la chambre jaune - Гастон Леру


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dès quil eut aperçu M. Robert Darzac.

      «Des amis, fit simplement notre guide. Il ny a personne au pavillon, père Jacques?

      – Je ne dois laisser entrer personne, monsieur Robert, mais bien sûr la consigne nest pas pour vous… Et pourquoi? Ils ont vu tout ce quil y avait à voir, ces messieurs de la justice. Ils en ont fait assez des dessins et des procès-verbaux…

      – Pardon, monsieur Jacques, une question avant toute autre chose, fit Rouletabille.

      – Dites, jeune homme, et, si je puis y répondre…

      – Votre maîtresse portait-elle, ce soir-là, les cheveux en bandeaux, vous savez bien, les cheveux en bandeaux sur le front?

      – Non, mon ptit monsieur. Ma maîtresse na jamais porté les cheveux en bandeaux comme vous dites, ni ce soir-là, ni les autres jours. Elle avait, comme toujours, les cheveux relevés de façon à ce quon pouvait voir son beau front, pur comme celui de lenfant qui vient de naître! …»

      Rouletabille grogna, et se mit aussitôt à inspecter la porte. Il se rendit compte de la fermeture automatique. Il constata que cette porte ne pouvait jamais rester ouverte et quil fallait une clef pour louvrir. Puis nous entrâmes dans le vestibule, petite pièce assez claire, pavée de carreaux rouges.

      «Ah! voici la fenêtre, dit Rouletabille, par laquelle lassassin sest sauvé…

      – Quils disent! monsieur, quils disent! Mais, sil sétait sauvé par là, nous laurions bien vu, pour sûr! Sommes pas aveugles! ni M. Stangerson, ni moi, ni les concierges qui-z-ont mis en prison! Pourquoi qui ne my mettent pas en prison, moi aussi, à cause de mon revolver?»

      Rouletabille avait déjà ouvert la fenêtre et examiné les volets.

      «Ils étaient fermés, à lheure du crime?

      – Au loquet de fer, en dedans, fit le père Jacques… et moi jsuis bien sûr que lassassin a passé au travers…

      – Il y a des taches de sang? …

      – Oui, tenez, là, sur la pierre, en dehors… Mais du sang de quoi? …

      – Ah! fit Rouletabille, on voit les pas… là, sur le chemin… la terre était très détrempée… nous examinerons cela tout à lheure…

      – Des bêtises! Interrompit le père Jacques… Lassassin na pas passé par là! …

      – Eh bien, par où? …

      – Est-ce que je sais! …»

      Rouletabille voyait tout, flairait tout. Il se mit à genoux et passa rapidement en revue les carreaux maculés du vestibule. Le père Jacques continuait:

      «Ah! vous ne trouverez rien, mon ptit monsieur. Y nont rien trouvé… Et puis maintenant, cest trop sale… Il est entré trop de gens! Ils veulent point que je lave le carreau… mais, le jour du crime, javais lavé tout ça à grande eau, moi, père Jacques… et, si lassassin avait passé par là avec ses «ripatons», on laurait bien vu; il a assez laissé la marque de ses godillots dans la chambre de mademoiselle! …»

      Rouletabille se releva et demanda:

      «Quand avez-vous lavé ces dalles pour la dernière fois?»

      Et il fixait le père Jacques dun oeil auquel rien néchappe.

      «Mais dans la journée même du crime, jvous dis! Vers les cinq heures et demie… pendant que mademoiselle et son père faisaient un tour de promenade avant de dîner ici même, car ils ont dîné dans le laboratoire. Le lendemain, quand le juge est venu, il a pu voir toutes les traces des pas par terre comme qui dirait de lencre sur du papier blanc… Eh bien, ni dans le laboratoire, ni dans le vestibule quétaient propres comme un sou neuf, on na retrouvé ses pas… à lhomme! … Puisquon les retrouve auprès de la fenêtre, dehors, il faudrait donc quil ait troué le plafond de la «Chambre Jaune», quil ait passé par le grenier, quil ait troué le toit, et quil soit redescendu juste à la fenêtre du vestibule, en se laissant tomber… Eh bien, mais, y ny a pas de trou au plafond de la «Chambre Jaune»… ni dans mon grenier, bien sûr! … Alors, vous voyez bien quon ne sait rien… mais rien de rien! … et quon ne saura, ma foi, jamais rien! … Cest un mystère du diable!

      Rouletabille se rejeta soudain à genoux, presque en face de la porte dun petit lavatory qui souvrait au fond du vestibule. Il resta dans cette position au moins une minute.

      «Eh bien? lui demandai-je quand il se releva.

      – Oh! rien de bien important; une goutte de sang.

      Le jeune homme se retourna vers le père Jacques.

      «Quand vous vous êtes mis à laver le laboratoire et le vestibule, la fenêtre du vestibule était ouverte?

      – Je venais de louvrir parce que javais allumé du charbon de bois pour monsieur, sur le fourneau du laboratoire; et, comme je lavais allumé avec des journaux, il y a eu de la fumée; jai ouvert les fenêtres du laboratoire et celle du vestibule pour faire courant dair; puis jai refermé celles du laboratoire et laissé ouverte celle du vestibule, et puis je suis sorti un instant pour aller chercher une lavette au château et cest en rentrant, comme je vous ai dit, vers cinq heures et demie que je me suis mis à laver les dalles; après avoir lavé, je suis reparti, laissant toujours la fenêtre du vestibule ouverte. Enfin pour la derniére fois, quand je suis rentré au pavillon, la fenêtre était fermée et monsieur et mademoiselle travaillaient déjà dans le laboratoire.

      – M. ou Mlle Stangerson avaient sans doute fermé la fenêtre en entrant?

      – Sans doute.

      – Vous ne leur avez pas demandé?

      – Non! …»

      Après un coup doeil assidu au petit lavatory et à la cage de lescalier qui conduisait au grenier, Rouletabille, pour qui nous semblions ne plus exister, pénétra dans le laboratoire. Cest, je lavoue, avec une forte émotion que je ly suivis. Robert Darzac ne perdait pas un geste de mon ami… Quant à moi, mes yeux allèrent tout de suite à la porte de la «Chambre Jaune». Elle était refermée, ou plutôt poussée sur le laboratoire, car je constatai immédiatement quelle était à moitié défoncée et hors dusage… les efforts de ceux qui sétaient rués sur elle, au moment du drame, lavaient brisée…

      Mon jeune ami, qui menait sa besogne avec méthode, considérait, sans dire un mot, la pièce dans laquelle nous nous trouvions… Elle était vaste et bien éclairée. Deux grandes fenêtres, presque des baies, garnies de barreaux, prenaient jour sur limmense campagne. Une trouée dans la forêt; une vue merveilleuse sur toute la vallée, sur la plaine, jusquà la grande ville qui devait apparaître, là-bas, tout au bout, les jours de soleil. Mais, aujourdhui, il ny a que de la boue sur la terre, de la suie au ciel… et du sang dans cette chambre…

      Tout un côté du laboratoire était occupé par une vaste cheminée, par des creusets, par des fours propres à toutes expériences de chimie. Des cornues, des instruments de physique un peu partout; des tables surchargées de fioles, de papiers, de dossiers, une machine électrique… des piles… un appareil, me dit M. Robert Darzac, employé par le professeur Stangerson «pour démontrer la dissociation de la matière sous laction de la lumière solaire», etc.

      Et, tout le long des murs, des armoires, armoires pleines ou armoires-vitrines, laissant apercevoir des microscopes, des appareils photographiques spéciaux, une quantité incroyable de cristaux…

      Rouletabille avait le nez fourré dans la cheminée. Du bout du doigt, il fouillait dans les creusets… Tout dun coup, il se redressa, tenant un petit morceau de papier à moitié consumé… Il vint à nous qui causions auprès dune fenêtre, et il dit:

      «Conservez-nous cela, Monsieur Darzac.»

      Je me penchai sur le bout de papier roussi que M. Darzac venait de prendre des mains de Rouletabille. Et je lus, distinctement, ces seuls mots qui restaient lisibles:

      presbytère rien perdu charme, ni le jar de son éclat.

      Et, au-dessous: «23 octobre.»

      Deux


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