Une Confédération Orientale comme solution de la Question d'Orient. Unknown
l'organisation de la province, l'administrer provisoirement d'accord avec la Porte et déterminer les attributions du gouverneur général; le maintien de l'ordre était confié à une gendarmerie indigène, assistée de milices communales. Cette situation hybride offrait quelque analogie avec celle de la Macédoine de 1904, et l'exemple n'est pas à recommander.
En effet, l'action nationale bulgare, nullement satisfaite de ces concessions, aboutit à la révolution de 1885, qui annexa la Roumélie Orientale à la principauté. Pour préparer cette révolution, on avait recouru à peu près aux procédés employés actuellement en Macédoine. Un comité secret s'était formé à Sofia, dont faisaient partie des personnages importants et qui mit en oeuvre les agents de propagande, la presse, les publications à l'usage du dedans et du dehors, jusqu'au jour où la révolution souleva toute la province et amena l'établissement d'un gouvernement provisoire qui décréta une levée en masse et proclama l'annexion à la Bulgarie.
Par leur action audacieuse mais longuement préméditée, les Bulgares avaient donc déchiré le traité de Berlin et remis en vigueur partiellement, en ce qui les concernait, les dispositions du traité de San-Stefano qui créaient une grande Bulgarie. La Turquie recula devant une guerre avec la Bulgarie. Déjà la Macédoine se trouvait en pleine effervescence pour obtenir au moins les réformes prévues par le traité de Berlin et qui étaient restées lettre morte; de son côté, la Grèce s'agitait, tandis que les plaies profondes qu'avait laissées à l'Empire ottoman la guerre de 1877 n'étaient pas encore bien cicatrisées. Tout espoir de reprendre la Roumélie Orientale lui semblant vain, la Turquie se résigna à signer, en 1886, l'arrangement qui conférait le titre de gouverneur de cette province au prince Alexandre, lequel reconnaissait en échange la suzeraineté de la Turquie.
La note communiquée à cette occasion aux grandes puissances fut accueillie avec peu de bienveillance. La Russie notamment, froissée par les velléités d'indépendance du prince de Bulgarie, qui peu à peu s'éloignait de Saint-Pétersbourg, fit des réserves, sous prétexte que les intérêts de la Serbie et de la Grèce étaient lésés, et elle exigea quelques changements qui furent consentis.
Cette méfiance générale était justifiée, puisque de cet agrandissement de la Bulgarie sortit la guerre avec la Serbie, qui devait avoir pour résultat indirect l'abdication des deux princes, le vainqueur et le vaincu. Non moins légitime fut la mauvaise humeur du tsar, par le fait que les hommes d'État de Sofia accentuèrent bientôt une politique consistant, d'une part, à s'affranchir de plus en plus de l'influence russe; d'autre part, à tourner tous leurs efforts vers la réussite des aspirations nationales en Macédoine.
Pour combattre l'hellénisme encore dominant, ils fondèrent dans les centres les plus importants des écoles secondaires et commerciales, et presque dans tous les villages où était représenté l'élément slave, même serbe, des écoles primaires pour les deux sexes. Le clergé prêta son concours au corps didactique pour travailler à la réalisation d'un programme nettement établi. Dans la région d'Ochrida, où nombre de villages slaves étaient restés sous l'influence du patriarcat oecuménique, les propagandistes répandaient les livres religieux en langue bulgare pour détacher leurs congénères de l'Église grecque.
Le mouvement avait changé d'allure; secret au début, pour ne pas réveiller l'indolence des Turcs, tant que les Bulgares furent faibles et désunis, il s'accentuait à mesure que la majorité des fidèles de cette race acceptait la juridiction ecclésiastique de l'exarchat. L'obtention des bérats épiscopaux pour les centres les plus importants de la Macédoine contribua grandement à cet essor.
À Ochrida13, le siège métropolitain étant devenu vacant, un métropolite fut nommé pour administrer les Églises rattachées à l'exarchat, lesquelles, petit à petit, attirèrent tous les chrétiens de cette région dans la sphère des communautés religieuses bulgares.
Stambouloff avait déjà réussi à obtenir de la Porte deux bérats pour les sièges d'Ochrida et d'Uskub: toute la Macédoine du nord subit donc aujourd'hui l'influence ecclésiastique et culturale bulgare. Des évêchés dépendant de l'exarchat sont établis à Monastir, à Ochrida, à Velès, à Uskub, à Nevrecop, à Dibra et à Strumnitza; très peu d'éléments bulgares ont conservé leurs sympathies pour l'hellénisme et gardé un lien spirituel avec le patriarcat. La lutte d'influence entre les deux Églises donna lieu naturellement à de fréquentes mésintelligences et à de graves conflits, les Bulgares cherchant systématiquement à s'affermir sur tous les terrains, en vue de l'annexion future de la Macédoine.
Il ne faut pourtant pas exagérer la part d'influence afférente à l'Église et à l'école. C'était trop peu pour secouer l'apathie de paysans mêlés à des populations turques et albanaises. Au contraire, les comités révolutionnaires, étendant partout leurs ramifications, avec le prêtre, l'instituteur et un ou deux notables pour noyau, surent exercer une vigoureuse pression sur les indécis, en même temps que les comitadjis14 châtiaient les réfractaires. De telle façon, en une dizaine d'années, le fanatisme qui provoque les actes les plus téméraires fut inculqué aux plus molles, aux plus passives populations.
Beaucoup de ces Macédo-Bulgares, réfugiés dans la principauté, sont arrivés à y occuper de hautes fonctions civiles et militaires; comme de raison, ils compatissent aux souffrances de leurs frères de Turquie; car, il faut bien insister là-dessus, plus que tout autre, l'élément bulgare a souffert du régime arbitraire ottoman, et cela par le fait même des occupations agricoles de ses membres qui leur ont valu d'être ravalés à la condition de serfs des beys musulmans.
À la longue, cet état d'oppression et de misère, habilement exploité, devait engendrer les instincts de révolte dont les comités mentionnés plus haut ont si bien tiré parti. À l'envi, le maître d'école bulgare et son élève sont devenus les agents les plus actifs de la révolution dans les villages de Thrace et de Macédoine, s'appliquant à exciter contre les Turcs les sentiments de haine qui ont abouti à l'organisation de bandes d'insurgés, aux attentats de Salonique, aux massacres de Kroushévo, à la destruction des récoltes, à l'incendie de nombreux villages soit musulmans, soit bulgares; en un mot, à toute l'horreur des révoltes furieuses et des sanglantes répressions.
On peut clairement comprendre que, chez les Bulgares, toute demande d'autonomie pour la Macédoine cache le désir de voir, après une période troublée, l'annexion à leur principauté de cette province où les éléments appartenant à leur race sont nombreux et par endroits assez compacts. Une puissante considération économique vient encore à l'appui de cette politique nationaliste: il est certain qu'en s'étendant vers le sud, la Bulgarie s'approprierait le port de Salonique, qui serait pour elle une décisive garantie de prospérité.
Mais une autonomie macédonienne au profit de leur race, telle que la désirent les Bulgares,–sous l'autorité nominale de la Turquie, pour marquer une étape, avant la pleine réalisation de leurs aspirations,–peut être considérée comme une dangereuse velléité. La réaliserait-on jamais sur le papier, qu'en fait les musulmans ne sauraient consentir de plein gré à abandonner leurs fonctions et à voir s'établir une ère d'égalité entre eux et les Bulgares.
Il faudrait la force des armes pour amener un tel résultat, essentiellement précaire, puisque la perspective de l'hégémonie bulgare ne saurait satisfaire les autres populations, lesquelles sont individuellement en minorité vis-à-vis de l'élément favorisé, mais forment, réunies, une majorité contre lui. C'est pourquoi la formule «la Macédoine aux Macédoniens» restera vaine, tant qu'on ne lui apportera pas un correctif barrant toutes les ambitions ethniques des voisins.
Contre la solution hypocrite que préconisent actuellement les Bulgares pour procéder ensuite comme avec la Roumélie Orientale, rappelons que, même dans ses possessions européennes les plus éloignées, comme la Bosnie, l'Herzégovine et la Crète, la Turquie ne peut se résoudre à l'application des réformes; elle considérerait donc comme un suicide l'autonomie macédonienne sous l'autorité nominale du sultan. Elle usera jusqu'au bout de ses moyens dilatoires habituels, elle qui toujours a su se résoudre à perdre des provinces plutôt que de les réformer; car si l'esprit de sa politique était
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Dès l'introduction du christianisme, alors que la péninsule balkanique était encore couverte de populations romaines ou romanisées, un patriarcat avait existé à Ochrida. Un patriarcat serbe fut également érigé à Ipek dans le premier quart du treizième siècle. Le patriarcat grec et le Phanar, travaillant à l'hellénisation de toutes les populations chrétiennes, obtinrent en 1667, sous le sultan Mustapha III, la suppression de ces deux sièges religieux autonomes, dont les querelles de suprématie avec le patriarcat de Constantinople furent particulièrement vives au sixième et au septième siècles.
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Ils sont dirigés et soldés par le «Comité des Insurgés de Macédoine et d'Andrinople», dont les membres les plus militants sont Boris Sarafow et Damian Groujew.