Un Prix de Courage . Морган Райс
Il se sentait vide. Un messager était arrivé quelques heures plus tôt et leur avait apporté la terrible nouvelle de l’invasion de Andronicus et, pire encore aux yeux de Erec, celle de l’assassinat du Roi MacGil. Erec s’était tenu éloigné de la Cour du Roi pendant si longtemps, c’était la première fois qu’il avait vent de l’événement. Il avait eu l’impression qu’une dague lui perçait le cœur. Il avait aimé MacGil comme un père et cette perte le laissait plus seul que jamais.
La foule se calma peu à peu, au moment où le Duc se racla la gorge et attira l’attention de tous les regards.
– Nous pouvons défendre notre cité contre une attaque, dit lentement le Duc. Nos compétences et la force de nos murs nous permettraient de résister à une armée cinq fois plus nombreuse que la nôtre – même, peut-être, dix fois plus nombreuse. Et nous avons des provisions pour tenir un siège pendant des semaines. Contre une armée normale, nous gagnerions.
Il soupira.
– Mais l’armée de l’Empire n’a rien de normal, ajouta-t-il. Nous ne pouvons nous défendre contre un million d’homme. Ce serait vain.
Il marqua une pause.
– Cependant, capituler serait tout aussi futile. Nous savons tous ce que Andronicus fait à ses prisonniers. Quel que soit notre choix, nous mourrons. La question est de savoir si nous allons mourir couchés ou bien debout !
Des acclamations s’élevèrent aussitôt. Erec n’aurait pas pu mieux dire.
– Nous n’avons donc pas d’autre choix, poursuivit le Duc. Nous défendrons Savaria. Nous ne capitulerons pas. Nous mourrons peut-être, mais nous mourrons ensemble.
Un lourd silence tomba sur les hommes, comme tous hochaient gravement la tête. Il semblait pourtant que tous cherchaient désespérément une meilleure solution.
– Il y a un autre moyen, dit enfin Erec qui prit la parole pour la première fois.
Tous les yeux se tournèrent vers lui.
Le Duc lui adressa un hochement de tête pour l’inviter à parler.
– Nous pouvons attaquer.
– Attaquer ? répéta un soldat d’une voix pleine de surprise. Quelques centaines, attaquer un million d’hommes ? Erec, je sais que vous êtes téméraire, mais êtes-vous fou également ?
Erec secoua la tête, très sérieux.
– Vous ne pensez pas au fait que les hommes de Andronicus ne s’attendront certainement pas à une attaque. Nous aurons l’élément de surprise. Comme vous l’avez souligné, nous mourrons si nous restons ici à défendre la cité. Si nous passons à l’attaque, nous pouvons en emporter beaucoup avec nous. Mieux encore : si nous attaquons de la bonne manière et au bon endroit, nous pourrions faire bien mieux que simplement résister : nous pourrions gagner.
– Gagner !? s’exclamèrent plusieurs soldats en lançant des regards stupéfaits à Erec.
– Que veux-tu dire ? demanda la Duc.
– Andronicus s’attend à nous trouver ici, retranchés derrière les murs et prêts à défendre notre cité, expliqua Erec. Ses hommes n’imagineront pas nous trouver en train de défendre une gorge hors des murs de la ville. Ici, nous avons l’avantage des murs… Mais, là-bas, sur le champ de bataille, nous aurons l’élément de surprise. Et la surprise surpasse toujours la force. Si nous pouvons tenir une gorge, nous pouvons les attirer tous au même endroit et passer à l’attaque. Je pensais plus précisément à la Gorge de l’Est.
– La Gorge de l’Est ? répéta un soldat.
Erec hocha la tête.
– C’est une crevasse profonde encaissée entre deux falaises, le seul moyen de traverser les Montagnes de Kavonia, à un jour de cheval d’ici. Si les hommes de Andronicus viennent, ils passeront par là : c’est le chemin le plus direct. Sinon, il faudrait qu’ils passent par-dessus la montagne. La route du nord est trop étroite et trop boueuse à cette époque de l’année. Cela leur prendrait des semaines. Et, en venant par le sud, ils devraient traverser la Rivière Fjord.
Le Duc jeta à Erec un regard admiratif, tout en caressant sa barbe d’un air pensif.
– Tu as peut-être raison. Andronicus pourrait mener ces hommes dans la Gorge. Une autre armée n’oserait jamais tenter le diable mais lui, avec son armée d’un million, il pourrait bien le faire.
Erec hocha la tête.
– Si nous pouvons y aller, si nous pouvons les battre, nous pouvons les prendre par surprise et leur tendre un piège. Avec une telle position, nous pourrons repousser plusieurs milliers d’hommes.
Tous les soldats regardaient Erec avec un mélange d’espoir et d’émerveillement, comme un lourd silence tombait sur l’assemblée.
– Un plan audacieux, mon ami, dit le Duc. Mais il est vrai que tu es un guerrier audacieux. Tu l’as toujours été.
Le Duc fit signe à un domestique :
– Apporte-moi une carte !
Le garçon fila et revint précipitamment en portant un gros rouleau de parchemin. Il le déroula su la table et tous les soldats se rassemblèrent pour l’examiner.
Erec tendit la main et trouva Savaria sur la carte. Il traça une ligne du bout de son doigt, vers l’est, jusqu’à trouver la Gorge de l’Est : une crevasse étroite, entourée de montagnes aussi loin que portait le regard.
– C’est parfait, dit un soldat.
Les autres hochèrent la tête en se caressant la barbe.
– J’ai entendu des histoires sur cette gorge, dit un soldat. Quelques douzaines d’hommes en ont déjà repoussé des milliers ici.
– Ce sont des histoires de bonne femme, répliqua un autre d’un ton cynique. Bien sûr, nous aurons l’élément de surprise. Et puis quoi ? Nous n’aurons pas la protection de nos murs.
– Nous aurons celle que nous offre la nature, contra une voix. Ces falaises sont hautes de plusieurs dizaines de mètres.
– Rien n’est sûr, ajouta Erec. Comme l’a dit le Duc, nous mourrons ici ou dehors. Moi, je dis : mourons dehors. La victoire sourit souvent aux audacieux.
Le Duc, après s’être longtemps caressé la barbe, finit par hocher la tête. Il se pencha pour replier la carte.
– Préparez-vous ! s’écria-t-il. Nous partons ce soir!
Vêtu de son armure, son épée battant contre ses mollets, Erec marchait dans le hall du château du Duc. Contrairement aux autres, il remontait le couloir. Il avait une chose importante à faire avant de partir vers ce qui pourrait être sa dernière bataille.
Il fallait qu’il voie Alistair.
Depuis qu’ils étaient rentrés de bataille, Alistair avait attendu dans sa chambre du château que Erec vienne la voir. Elle pensait sans doute que leurs retrouvailles seraient heureuses et le cœur de Erec se serrait à l’idée de lui annoncer la mauvaise nouvelle. Il ressentait pourtant un sentiment de paix : au moins, elle serait à l’abri derrière ces murs. Il était plus déterminé que jamais à la défendre et à repousser l’Empire. Son cœur lui faisait mal à l’idée de la quitter. Depuis leur vœu de mariage, il ne voulait rien de plus que passer du temps en sa compagnie. Cependant, il semblait que ce n’était pas leur destin.
Erec tourna au coin, le bruit de ses éperons et de ses bottes résonnant entre les murs du couloir désert. Il se prépara à lui dire au revoir. Ce serait douloureux et il le savait. Il atteignit enfin la porte de bois ancien, taillée en forme d’arc, et toqua doucement de son doigt ganté de fer.
Des bruits de pas traversèrent la pièce et, quelques instants plus tard, la porte s’ouvrit. Le cœur de Erec se serra, comme chaque fois qu’il voyait Alistair. Elle se tenait debout sur le seuil, avec ses longs cheveux blonds qui