Une Concession d’Armes . Морган Райс
viviez ou non, vous chevaucherez vers la gloire !
Une acclamation s’éleva parmi les hommes, si enthousiaste qu’elle prit Godfrey par surprise. Tous levèrent leurs épées haut vers le ciel et ce spectacle lui redonna de l’espoir.
Il réalisait seulement ce qu’il venait de dire. Il n’avait pas vraiment réfléchi aux mots qu’il avait employés : tout était arrivé si vite. À présent, sa promesse et sa propre bravoure le stupéfiaient.
Comme les hommes préparaient leurs chevaux et leurs armes pour charger vers une mort certaine, Akorth et Fulton s’approchèrent.
– À boire ? proposa Akorth.
Godfrey baissa les yeux et vit son compagnon mettre la main sur une outre à vin. Il s’en saisit vivement et renversa la tête pour boire, boire, boire, jusqu’à presque finir l’outre, avant de reprendre bruyamment sa respiration. Enfin, il s’essuya la bouche et rendit le vin à ses amis.
Qu’ai-je fait ? se demanda-t-il. Il venait de promettre qu’il mènerait son armée dans une bataille qu’ils ne pourraient pas gagner. Avait-il seulement réfléchi aux conséquences ?
– Je ne savais pas que tu avais ça en toi, dit Akorth en lui envoyant une bourrade dans le dos tout en rotant. Très beau discours. Mieux que dans les théâtres !
– On aurait dû vendre des tickets ! renchérit Fulton.
– Je suppose que tu n’as qu’à moitié tort, dit Akorth. Mieux vaut mourir debout que sur le dos.
– Mais sur le dos, ce ne serait pas si mal, si c’est dans le lit d’un bordel, ajouta Fulton. Oh oui ! Ou bien avec une chope de bière dans les bras et la tête sous le robinet !
– Ce ne serait pas si mal, en effet, acquiesça Akorth en buvant un coup.
– Mais je suppose qu’on s’ennuierait au bout d’un moment, dit Fulton. Combien de chopes de bière un homme peut-il boire dans une vie et combien de femmes peut-il baiser ?
– Eh bien, beaucoup, si l’on y pense…, dit Akorth.
– Quand bien même, je suppose que c’est plus drôle de mourir d’une autre façon. Plus divertissant.
Akorth soupira.
– En tout cas, si on survit à ça, nous aurons au moins une bonne raison de boire un coup. Pour une fois, on l’aura bien mérité !
Godfrey se détourna du bavardage de Akorth et de Fulton. Il fallait qu’il se concentre. Il était temps pour lui de devenir un homme et de laisser derrière les blagues de tavernes. Il était temps qu’il prenne de vraies décisions, qui auraient une incidence sur de vrais hommes, dans le vrai monde. Il se sentit soudain écrasé par le poids de la responsabilité. Il ne put s’empêcher de se demander si son père avait connu la même pression. D’une certaine façon, malgré sa rancœur, Godfrey commençait à éprouver de la compassion en pensant à son père. Et peut-être même qu’à sa grande horreur, il commençait à l’aimer.
Oublieux du danger, Godfrey eut l’impression qu’une vague d’assurance le submergeait. Il éperonna sa monture en poussant un cri de guerre et dévala le coteau.
Derrière lui, ses hommes firent écho à son cri et les cavalcades de leurs chevaux résonnèrent.
Godfrey se sentit soudain très léger, comme le vent battait ses cheveux, comme le vin lui tournait la tête, comme il chevauchait vers une mort certaine en se demandant ce qui l’avait poussé dans cette folie…
CHAPITRE CINQ
Thor était assis sur la selle de sa monture, flanqué de son père et de McCloud. Rafi se trouvait non loin. Derrière eux, plusieurs dizaines de milliers de soldats impériaux bien disciplinés attendaient patiemment le commandement de Andronicus. Ils se tenaient au sommet d’une crête rocheuse, tournés vers les Highlands dont les pics étaient coiffés de neige. On apercevait d’ici la capitale des McClouds, Highlandia. Sous le regard nerveux de Thor, plusieurs milliers de soldats surgirent de la cité, prêts à combattre.
Ce n’était pas des MacGils, ni des hommes de l’Empire. Ils portaient une armure que Thor reconnaissait vaguement. Il resserra sa prise sur le pommeau de sa nouvelle épée. Il n’était pas sûr de savoir qui ces ennemis étaient et pourquoi ils attaquaient.
– Des McClouds… Mes anciens soldats, expliqua McCloud à Andronicus. De bons garçons que j’ai entraînés et avec lesquels j’ai combattu.
– Et maintenant, il se retournent contre toi, remarqua Andronicus. Ils se préparent à nous attaquer.
McCloud prit l’air renfrogné. Il n’avait plus qu’un œil et la moitié de son visage brûlé au fer rouge portait l’emblème de l’Empire. Il avait l’air grotesque.
– Je suis navré, mon seigneur, dit-il. Ce n’est pas ma faute. C’est l’œuvre de mon garçon, Bronson. Il a retourné mes propres hommes contre moi. Sans lui, tous auraient rejoint notre belle cause.
– Ton garçon n’est pas responsable, corrigea Andronicus d’une voix tranchante comme l’acier en se tournant vers son interlocuteur. C’est ta faiblesse en tant que commandant et en tant que père qui est responsable. L’échec de ton enfant est ton échec. J’aurais dû savoir que tu ne pourrais pas contrôler tes propres hommes. J’aurais dû te tuer depuis longtemps.
McCloud avala sa salive, nerveux.
– Mon seigneur, songez qu’ils ne se battent pas seulement contre moi, mais contre vous. Ils veulent débarrasser l’Anneau de l’Empire.
Andronicus secoua la tête en jouant avec son collier de têtes réduites.
– Tu es de mon côté, maintenant, dit-il. Se battre contre moi, c’est se battre contre toi.
McCloud tira son épée en jetant aux ennemis un regard noir.
– Je les tuerai jusqu’au dernier, déclara-t-il.
– Je sais que tu le feras, dit Andronicus. Si tu ne le fais pas, je te tuerai de mes propres mains. Non pas que j’aie besoin de ton aide. Mes hommes causeront bien plus de dégâts que tu ne pourrais l’imaginer – surtout s’ils ont à leur tête mon fils, Thornicus.
Assis sur le dos de sa monture, Thor écoutait vaguement leur conversation, sans vraiment l’entendre. Il était comme en transe. Son esprit brouillé par des pensées étrangères qu’il ne reconnaissait pas, des pensées qui palpitaient et lui rappelaient constamment l’allégeance qu’il devait à son père, son devoir de servir l’Empire et sa destinée en tant que fils de Andronicus. Ces pensées virevoltaient dans sa tête, incessamment, et, malgré ses efforts, il était incapable d’avoir les idées claires. C’était comme si son propre corps le retenait en otage.
Quand Andronicus parlait, tous ses mots devenaient des idées dans l’esprit de Thor, puis des ordres. Ensuite, d’une manière ou d’une autre, elles devenaient ses propres pensées, comme si elles avaient toujours été siennes. Thor luttait : une petite partie de lui cherchait encore à chasser ces pensées invasives pour clarifier son esprit. Cependant, plus il essayait, plus c’était difficile.
Assis sur sa selle, le regard tourné vers l’armée ennemie qui galopait dans la plaine, il sentit le sang pulser dans ses veines. Tout ce qui importait maintenant, c’était sa loyauté envers son père et la nécessité d’écraser tout ce qui se trouvait sur le chemin de celui-ci. Sa destinée : gouverner l’Empire.
– Thornicus, m’entends-tu ? demanda Andronicus. Es-tu prêt à te battre pour ton père ?
– Oui, père, répondit Thor sans détourner son regard fixe. J’affronterai tout homme qui se dressera contre toi.
Le sourire de Andronicus s’élargit. Il se tourna vers ses hommes.
– SOLDATS ! tonna-t-il. L’heure est venue d’affronter l’ennemi, de débarrasser l’Anneau de ces rebelles une bonne fois