Une Concession d’Armes . Морган Райс

Une Concession d’Armes  - Морган Райс


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leva les yeux vers le ciel rendu écarlate par le coucher du deuxième soleil, un astre rougeoyant qui disparaissait à l’horizon. C’était l’heure de la journée qui verrait Romulus prier les dieux : le Dieu de la Terre, le Dieu de la Mer, le Dieu du Ciel, le Dieu du Vent et, surtout, le Dieu de la Guerre. Il savait qu’il devait tous les apaiser. Il s’y était préparé : il avait apporté des esclaves à sacrifier. Leur sang lui donnerait du pouvoir.

      Comme ils s’approchaient du rivage, les vagues s’écrasant sur la coque, Romulus n’attendit pas que l’on déroule l’échelle de corde mais sauta par-dessus bord dès que le navire toucha le sable. Il atterrit quelques mètres plus bas, sur ses pieds, de l’eau jusqu’à la taille, puis marcha jusqu’à la plage comme s’il en était déjà le propriétaire, en laissant derrière lui les traces de ses pas. Derrière lui, ses hommes firent courir les échelles de corde et commencèrent à descendre. L’un après l’autre, les bateaux s’échouèrent.

      Romulus les passa en revue en souriant. Le ciel s’assombrissait. Le moment parfait pour un sacrifice. Il était important d’avoir l’approbation des dieux.

      Il se tourna vers ses hommes.

      – DU FEU ! cria-t-il.

      Les soldats s’affairèrent et mirent en place un grand bûcher, haut d’environ cinq mètres. Une grande étoile à trois branches, prête à être enflammée.

      Romulus hocha la tête et ses hommes traînèrent vers l’échafaud une douzaine d’esclaves liés les uns aux autres. Ils furent ligotés sur le bûcher. Les yeux écarquillés par la panique, ils cherchèrent à se débattre en voyant arriver les torches, quand ils comprirent qu’on s’apprêtait à les brûler vifs.

      – NON ! hurla l’un d’eux. Pitié ! Pas ça ! Tout mais pas ça !

      Romulus les ignora. Il leur tourna le dos et fit quelques pas, les bras en croix, la tête renversée vers le ciel.

      – OMARUS ! cria-t-il. Donne-nous la lumière pour éclairer notre chemin ! Accepte mon sacrifice. Accompagne-moi dans l’Anneau. Fais-moi signe. Dis-moi si je vais réussir !

      Romulus baissa les mains et ses hommes se précipitèrent pour incendier le bûcher.

      Des cris déchirants s’élevèrent, des étincelles volèrent de toutes parts, tandis que Romulus admirait le spectacle, le visage éclairé par la lueur des flammes.

      Il hocha la tête et ses hommes conduisirent devant lui une vieille femme borgne au visage ridé et au corps recroquevillé, assise dans un chariot que les soldats manoeuvraient comme une brouette. Elle se pencha vers les flammes. Romulus la regarda faire, patient, dans l’attente de sa prophétie.

      – Tu réussiras, dit-elle, à moins que les soleils ne convergent.

      Romulus sourit. Les soleils ? Converger ? Ce n’était pas arrivé depuis mille ans.

      Il était fou de joie et un doux sentiment emplit soudain sa poitrine. Voilà exactement ce qu’il voulait entendre. Les dieux étaient avec lui.

      Romulus saisit sa cape et monta sur son cheval qu’il éperonna. Il se mit à galoper, seul, à travers la plage, vers la route qui le mènerait à la Passerelle Orientale, vers le Canyon. Bientôt, il pénètrerait dans l’Anneau.

      CHAPITRE HUIT

      Selese marchait entre les restes de la bataille, Illepra à ses côtés. Toutes deux inspectaient les corps, l’un après l’autre, à la recherche de signes de vie. Le chemin depuis Silesia avait été long et difficile : seules sur la route, elles avaient suivi l’armée pour porter secours aux blessés. Elles avaient préféré s’éloigner des autres guérisseurs : du même âge et toutes deux amoureuses d’un garçon MacGil, les deux jeunes femmes étaient devenues très proches. Selese aimait Reece et Illepra, même si cela ne lui plaisait pas de l’admettre, aimait Godfrey.

      Elles avaient fait de leur mieux pour se rapprocher de l’armée, en passant par les champs, les forêts et les chemins boueux, le regard toujours à la recherche d’un MacGil blessé. Malheureusement, les trouver n’était pas difficile : leurs corps jonchaient la campagne. Parfois, Selese trouvait le moyen de les soigner. Le plus souvent, tous ses efforts et ceux de Illepra ne pouvaient les sauver. Un élixir permettait alors à ses hommes de trouver le repos éternel.

      Quelle tragédie pour Selese ! Ayant pratiqué son art dans un petit village toute sa vie, elle n’avait jamais eu à soigner des blessures de cette gravité. Elle était plus habituée aux égratignures, aux coupures, aux morsures de Forsyth de temps en temps… Mais ce massacre ? Ce bain de sang ? Ces blessés ? Tout cela la bouleversait

      C’était dans la nature de Selese : elle voulait que ses patients aillent mieux. Pourtant, depuis son départ de Silesia, elle n’avait fait que suivre une piste de sang. Comment les hommes pouvaient-ils faire cela ? Ces blessés et ces morts avaient été des fils, des frères, des maris… Comment l’humanité pouvait-elle être si cruelle ?

      Ce qui brisait le cœur de Selese, c’était de ne pas pouvoir aider toutes les personnes qu’elle rencontrait sur son chemin. Elle ne pouvait transporter qu’un nombre limité d’herbes et de potions. Les autres guérisseurs étaient partis aux quatre coins de l’Anneau. Il fallait porter secours à toute une armée, mais elles n’étaient pas assez nombreuses et n’avaient pas assez de matériel. Sans chariots, chevaux et équipes compétentes, elles ne pouvaient rien faire de plus.

      Selese ferma les yeux et prit une grande inspiration. Les visages des blessés apparurent une fois encore derrière ses paupières baissées. Trop souvent, elle devait aider un soldat mortellement touché, dont les yeux roulaient dans leurs orbites. Elle finissait toujours par lui donner du Blatox, un antidouleur et un tranquillisant puissant qui ne permettait ni de soigner, ni d’arrêter l’infection. Sans ses potions, c’était ce qu’elle pouvait faire de mieux. Cela lui donnait envie de pleurer et de crier tout en même temps.

      Selese et Illepra s’agenouillèrent aux côtés d’un soldat blessé, à quelques pas l’une de l’autre, chacune d’elle occupée à recoudre une blessure avec du fil et une aiguille. Selese était obligée d’utiliser la même à chaque fois. Elle aurait préféré en changer, mais elle n’avait pas le choix. Le soldat poussa un cri de douleur quand elle recousit une longue estafilade chargée de pus qui courait sur son biceps. Selese pressa sa main contre le bras ouvert pour tenter d’étancher le flot de sang.

      Peine perdue. Si seulement elles avaient trouvé ce soldat un jour plus tôt… ! Maintenant, son bras était vert et Selese repoussait l’inévitable.

      – Tout ira bien, lui dit-elle.

      – Non, répondit-il en levant vers elle le regard d’un mort, un regard que Selese ne connaissait que trop bien. Dites-moi. Je vais mourir ?

      Selese prit une grande inspiration et retint son souffle. Que répondre à cela ? Elle ne voulait pas mentir. Mais elle ne pouvait pas non plus lui dire la vérité.

      – Nos destins sont dans les mains de notre créateur, dit-elle. Il n’est jamais trop tard. Bois ceci, dit-elle en portant à ses lèvres une fiole de Blatox, tout en caressant son front.

      Ses yeux roulèrent dans leurs orbites et il poussa un soupir, enfin en paix.

      – Je me sens mieux, dit-il.

      Quelques instants plus tard, ses yeux se fermèrent.

      Selese sentit une larme couler le long de sa joue et la chassa rapidement.

      Illepra terminait de recoudre son blessé et toutes deux se relevèrent, épuisées, avant de reprendre leur marche interminable, d’un cadavre à l’autre. La piste mortelle les conduisait vers l’est, où se trouvait le corps principal de l’armée.

      – Que faisons-nous ici ? demanda enfin Selese après un long silence.

      – Nous aidons, répondit Illepra.

      – On ne dirait pas. Nous en avons sauvé si peu. Nous en avons


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