La Pire Espèce. Chiara Zaccardi
en velours et s’approche de Lake. Il soulève le bouchon de la bouteille qu’il renverse sur elle.
« Putain, excuse-moi, chérie » fait-il, absolument pas désolé de voir le décolleté de la fille trempé de vin et reluire sous les lumières stroboscopiques.
« Merde, T’es malade ! Ce vêtement coûte quatre-cents dollars ! » la fille se lève et file en direction des toilettes.
« Attends, tu peux te nettoyer après... » Lake essaie de la rattraper, mais elle est plus rapide et elle lui échappe. « ... Ou je peux t’aider moi... » lui crie-t-il après.
Aucune réponse. Volatilisée, tout comme son espérance de conclure tout de suite.
Il devrait apporter avec lui le reste de la coke, pour en reprendre dans des moments comme celui-ci.
Mais peu importe, il peut toujours se consoler avec le champagne, juste pour ne pas le gaspiller, et reprendre la chasse.
Il boit la bouteille directement au goulot, c’est alors que deux ruisseaux se mettent à couler depuis les extrémités de ses lèvres. Il se rend compte qu’il ne sent plus sa bouche. Le vin n’a presque pas de goût.
« Voilà les effets collatéraux » pense-t-il. Il se lève de la banquette, retourne sur la piste et, joignant la foule qui danse, il lève la bouteille au-dessus de la tête et crie : « VIVE LES EFFETS COLLATÉRAUX ! »
Quelques filles, juste à côté, lui répondent avec des hurlements d’approbation et se mettent dessous pour boire le champagne que Lake fait couler vers le bas.
Il est en train de se frotter à elles quand quelqu’un lui touche l’épaule et le retourne :
« Ehi, imbécile, tu m’as déjà oublié ? » la brune d’avant lui encercle le cou d’un bras. « J’ai ramené une amie ! » lui hurle-t-elle dans le brouhaha de la musique, en indiquant une fille noire au corps plantureux.
« GÉNIAL ! » Lake les enlace et propose de retourner dans le petit coin.
Pour boire. Et être plus confortables.
Il ouvre les yeux dans la pénombre. Une, deux, trois fois. Il met au moins plusieurs minutes à reconnaître les murs de sa chambre.
Les rideaux, tirés, empêchent la lumière d’entrer, ce dont il est extrêmement reconnaissant. Il se sent épuisé et souhaite seulement se rendormir.
« Comment est-ce-que... ? J’étais en train de danser en boîte, et puis... »
Comment est-il rentré à la maison ? Pourquoi est-il rentré à la maison ? Où sont toutes ces filles qui hurlaient ?
Il est sur le point de se lever et de regarder autour de lui, mais un mal de tête éclate, lui perforant les tempes. Il retourne se plonger dans son coussin et, avec un effort de volonté, empêche son estomac de se retourner.
Durant sa brève remontée en surface du lit, il a seulement pu constater qu’il portait encore les vêtements de la soirée de la veille.
Une chose est sûre : il a trop bu. Plus que bu.
Il y réfléchira. Oui, il réussit à revoir les bouteilles de champagne se multiplier sur la table dans le petit coin où lui et les filles ont fait la fête. À un moment donné, l’alcool les avait tellement désinhibées qu’elles ont commencé à enlever leurs vêtements. Et lui, il les a suivies.
Fabuleux. Il est presque sûr d’en avoir baisé deux. La brune ? La belle panthère noire ?
Sa tête n’arrive pas à se souvenir jusque là.
Il tâte les poches de son jean pour trouver le portable. Il veut savoir quelle heure il est. Il ne le trouve pas. Il s’hasarde à tourner la tête de quelques degrés, dans l’espoir de l’avoir laissé quelque part dans la chambre, et il a de la chance : il est sur la table de nuit, avec le portefeuille. Un autre point en sa faveur : il n’a même pas été volé pendant la nuit. Très bien.
Il l’attrape, appuie sur une touche au hasard et l’écran s’illumine : seize heures.
Seize heures ? Quatre heures de l’après-midi ?
Bon sang, ce qu’il a dormi. Qui sait à quelle heure il est rentré ?
Il a un message sur son téléphone. Il l’ouvre. Il est de Keira qui dit : Où est-ce que t’es passé, idiot ?
Il sourit. Il a manqué un autre jour d’école. Quel dommage.
Il retourne à ses préoccupations fondamentales : s’il était en train de s’occuper de toutes ces filles dans le fond de la discothèque, comment se fait-il, qu’aujourd’hui, il soit seul à la maison sans aucun souvenir de ses prouesses ? Il vérifie dans ses contacts s’il a au moins ajouté leurs numéros de téléphone, afin de pouvoir réitérer l’expérience. Il ne voit aucun nouveau nom.
Ça craint. Il faudra qu’il écrive le mot “ anonyme ”dans son carnet.
Il médite sur le fait de sniffer le reste de la coke, pour rendre plus amusant le lendemain de cuite, mais finalement il décide qu’il en a trop peu, et que c’est mieux de la garder pour une autre soirée.
Il laisse glisser le téléphone sur le lit. Il reste quelques minutes à moitié endormi. Puis, une pensée lui traverse l’esprit, le réveillant complètement : ils l’ont jeté dehors.
Surexcités, lui et les filles ont foutu un peu le bordel, et dans le petit coin, il y avait une foule si dense que les mecs de la sécurité les ont chassés, menaçant d’appeler la police.
[Vidéo numéro 77. 03 : 02]
Après quoi, complètement bourrés, ils sont allés dans la boîte d’à côté pour poursuivre ce qu’ils avaient commencé. Puis, les filles ont disparu. Ou elles ont trouvé d’autres garçons. Ça, il ne le sait pas. Il sait qu’il s’est écroulé et que le propriétaire l’a réveillé au moment de la fermeture.
Sorti de là, il est resté une demi-heure sur le trottoir, à rire de l’enseigne de la boîte. Nom de Dieu, il avait passé les dernières heures dans un bar gay.
Le trajet jusqu’à la maison est un trou noir total. Il ne saurait même pas dire s’il l’a fait à pied ou en voiture. Il devrait se lever pour aller voir dans le garage... La veille au soir, il avait laissé la voiture... devant la boîte ? Ou le parking était plein ? Ou il l’a abandonnée au milieu de la route ? Il l’a offerte à un inconnu ?
Trou noir.
Il récupère le téléphone et fait un numéro. À la troisième sonnerie, une voix répond.
« Tu connais une technique pour retrouver la mémoire ? » demande-t-il.
« Tu t’es complètement ramolli le cerveau ? » répond Keira.
EXPLORATION
MERCREDI 13 MARS.
NATIONALE 77, À 59 MILLES DU DÉSERT DE MOJAVE, CALIFORNIE.
“ Celui qui veut vivre doit lutter. Celui qui ne veut pas se battre dans ce monde de lutte éternelle ne mérite pas de vivre ”
Adolf Hitler
Il veut le faire tout seul.
C’est une tâche simple, qui l’apaise. Une routine pacificatrice.
Il reprend la fourgonnette et ses principes de précautions évidentes.
La fourgonnette, il la considère déjà comme une amie. C’est dans ses habitudes de s’attacher aux choses, plus qu’aux personnes. Les choses ne trahissent pas. Elles ne gênent pas. Elles ne déclenchent pas de démangeaisons nerveuses, à l’inverse des hommes qui savent souvent les provoquer.
Oui, la fourgonnette est un animal docile qu’il sera dommage de tuer à la fin du voyage.