La Pire Espèce. Chiara Zaccardi

La Pire Espèce - Chiara Zaccardi


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au coffre pour éviter la chute puis retrouve son équilibre.

      S’il était tout simplement monté sur la voiture, alors il l’aurait eue. Pas forcément tout de suite, parce que le hall du hangar est énorme, mais il l’aurait eue ; au contraire, il préfère le contact direct et celui-ci lui échappe.

      Alors qu’il essayait de l’attraper, il n’a pas remarqué où Keira s’en allait.

      Il s’en rend compte trop tard.

      Keira monte dans la voiture, elle tourne la clé de contact qu’il lui avait laissée là, bien en évidence, et démarre sur une parfaite imitation vrombissante digne de lui.

      Evan se met à jurer, il tire le passe hors de sa poche et le soulève en l’air pour qu’elle puisse le voir :

      « Tu ne peux pas sortir ! » hurle-t-il.

      Keira l’entend.

      « Ah non ? »

      Elle appuie sur l’accélérateur, à fond, et redresse le volant.

      Au dernier moment, elle ferme les yeux, accuse le coup, et bam !, la barrière en bois qui empêchait l’accès au hangar se brise en deux et vole en éclat.

      Elle s’assure de voir dans le rétroviseur la même image que celle eue précédemment, seulement cette fois-ci ce n’est pas le visage réduit de son frère mais celui d’Evan. Les insultes qu’il lui lance au visage se perdent dans le grondement du moteur.

      Circonstance numéro deux : un crétin reste toujours un crétin.

      Keira se passe le dos de la main sur le visage, elle soupire, et jette le couteau par la fenêtre.

      Il faut qu’elle se mette à aller à l’église et qu’elle se trouve un enfant de choeur comme petit ami.

      Elle ralentit un peu qu’une fois immergée dans la circulation quotidienne de la nationale qui reconduit à la ville. Elle ajuste son top, elle reboutonne son jean puis cherche dans ses poches le téléphone pour appeler Josh et lui dire que, comme promis, elle rentrera bientôt. Elle ne le trouve pas. Elle doit l’avoir laissé dans la voiture, devant la maison. Elle regrette de ne pas pouvoir rassurer son frère, mais il devra attendre, car elle a une dernière chose à faire pour calmer ses nerfs.

      Elle conduit jusqu’à la gare routière, là d’où partent toutes les lignes directes pour le centre-ville ou la province, puis tourne dans une rue adjacente. Elle fait une pause pour ramasser un morceau de bois. Elle estime à vue de nez deux mesures et le casse pour obtenir la longueur souhaitée, elle poursuit ainsi jusqu’à une vieille ferme abandonnée, au toit écroulé et aux fenêtres brisées. Elle ne veut faire de mal à personne et elle n’a rien contre cette pauvre maison, mais elle pense qu’elle n’en souffrira pas et que le propriétaire, s’il est encore vivant, ne se vexera pas trop.

      Elle calcule approximativement la distance, juste, et la trajectoire, droite. Elle ouvre la portière sans arrêter la voiture et se prépare. Elle braque légèrement pour s’approcher de la terre battue, hors de la chaussée, puis donne une dernière fois deux coups d’oeil rapides, aussi bien pour la sécurité que pour profiter du spectacle. Puis, elle le fait.

      Elle coince le bâton entre le siège et l’accélérateur. La Camaro sursaute à l’augmentation soudaine de la vitesse.

      Keira est propulsée en arrière sur le siège et il lui faut quelques secondes de plus que ce qui était prévu pour sauter hors de la voiture. Elle roule sur la terre battue et s’écorche un coude mais elle se relève juste à temps pour assister au bouquet final : la voiture, sans conducteur, dévie vers la droite, et pendant un instant Keira craint qu’elle manque son objectif. Mais, au dernier moment, elle le touche en plein dans le mille.

      Un fracas terrible met définitivement fin à la course de la Camaro contre un mur de la ferme délabrée.

      Le capot se gondole, puis une explosion retentit, suivie d’une énorme fuite de gaz.

      Le moteur a lâché.

      Quel dommage.

      Keira a toujours pensé qu’une voiture de ce genre était un gâchis dans les mains de quelqu’un comme Evan.

      Elle se rend à pied à la gare routière.

      Le bus numéro vingt-trois la laisse de l’autre côté du chemin. Elle attend qu’il reparte pour traverser et, lorsqu’elle a en visuel sa maison, elle remarque qu’une patrouille de police est garée juste devant.

      « Merde » murmure-t-elle. Elle s’arrête à sa voiture pour récupérer son sac et son téléphone, elle sort les clés et court jusqu’à la porte.

      Son arrivée est accueillie par un troupeau de personnes qui se rue hors du salon : Josh, avec les yeux rougis par les pleurs, sa mère, visiblement contrariée et suspendue au bras de son nouvel amour, alias Fallito Dick, et deux agents en uniforme.

      « C’est votre fille ? » demande le plus gros des policiers à sa mère.

      Bravo pour la perspicacité.

      « Oui, oui, c’est elle » sa mère lâche le bras de son fallito pour la pointer du doigt. « Où diable étais-tu ? ! »

      « Qu’est-ce qui se passe ? » Keira répond à la question par une deuxième question.

      Première règle du petit enquêteur malin, ou de quiconque souhaitant s’en tirer à bon compte : écouter d’abord les versions des autres. De cette façon, on a le temps de comprendre ce qu’ils savent ou ce qu’ils croient, et de mettre au point un mensonge crédible.

      « Votre frère nous a appelés pour nous dire que quelqu’un vous avait agressée » explique le gros lard. « Vous pouvez nous donner une explication ? »

      Mon dieu. Keira lorgne Josh, lequel répond par un regard meurtri et furieux.

      Elle ne pensait pas qu’il serait autant secoué.

      Elle se sent coupable.

      « Je crois qu’il y a eu une erreur » dit-elle.

      « Le mineur a fourni un numéro précis de plaque à la centrale » poursuit le gros lard. « De plus, il a ajouté être seul à la maison et ne pas savoir qui d’autre avertir. Vous avez été agressée par le propriétaire du véhicule décrit par votre frère ? »

      « Non » ment-elle, demandant mentalement pardon à Josh.

      « Vous reconnaissez cette plaque ? » le partenaire du gros lard lui présente sous le nez un morceau de papier.

      Josh a parfaitement mémorisé les numéros de la Camaro d’Evan.

      « Oui, c’est celle d’un ami » elle répond, puis elle hésite.

      Ce serait un sacré coup.

      « J’étais avec lui, il y a peu de temps, mais il ne m’a rien fait de mal » elle fait une pause pour créer du suspens « Au contraire, je pense que c’est lui qui a un problème, car il vient tout juste de m’appeler pour me dire qu’on lui a volé sa voiture » .

      « C’est à votre ami qu’on a volé la voiture ? » répète le gros lard « Celle qui porte cette plaque ? »

      « Tout à fait » .

      « Et vous, vous étiez avec lui avant qu’on la lui vole ? »

      « Oui, il y a environ... Une demi-heure. Après, on est parti chacun de notre côté » .

      L’autre policier suit son collègue dans son raisonnement :

      « Alors, celui que le gamin a vu pourrait être non pas le propriétaire de la voiture mais le voleur » dit-il, se retournant pour regarder Josh. « Tu as dit que celui qui conduisait roulait très vite. Il t’a semblé qu’il était en train de fuir ? »

      Josh le fixe, incrédule.

      «


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