l’Amour Comme Ci . Sophie Love
donc vous êtes un génie en ce qui me concerne. »
Tout le monde rit. Keira but nerveusement de petites gorgées de Guinness. L’hospitalité irlandaise était plus que la bienvenue, mais c’était aussi un choc culturel, et elle se surprit à avoir un mouvement de recul, en pensant à la myriade de façons dont elle pouvait étriller cet endroit dans son article.
« Je vais vous montrer votre chambre », dit finalement Orin, une fois qu’elle eut réussi à boire presque la moitié de la pinte de Guinness.
Elle le suivit dans un étroit escalier grinçant et le long d’un couloir au tapis élimé qui sentait fortement la poussière. Keira marcha silencieusement et prit tout cela en note, construisant des phrases cinglantes dans sa tête tout en observant le décor suranné. Les murs étaient décorés de photographies décolorées et encadrées d’anciennes équipes de football locales, et Keira sourit quand elle vit que la majorité des joueurs partageaient le même nom de famille, O’Sullivan. Elle prit une photo discrète de l’équipe de football en noir et blanc et l’envoya à Zach avec la légende : M. O’Sullivan a dû être un reproducteur prolifique.
« Voilà », dit Orin en ouvrant une porte, puis il la fit entrer.
La chambre était horrible. Bien que grande, avec un lit double et une énorme fenêtre, elle était affreusement décorée. Le papier peint était en quelque sorte couleur pêche, taché par endroits comme s’il avait été marqué par des années d’empreintes de mains sales. Le lit était recouvert d’une mince couette, qui était matelassée mais pas de la manière engageante d’une maison de campagne, plutôt comme la naufragée d’un magasin de fripes.
« C’est la chambre avec le bureau », dit Orin, souriant avec fierté, et il désigna un petit bureau en bois sous la fenêtre. « Pour quand vous écrirez. »
Keira rougit. Elle était intérieurement horrifiée à l’idée de rester dans la pièce crasseuse pendant un mois entier, mais elle réussit à articuler un reconnaissant, « Merci ». Voilà pour avoir pensé qu’elle pourrait faire contre mauvaise fortune bon cœur pendant un mois !
« Voulez-vous prendre un peu de temps pour vous installer avant de rencontrer Shane ? », demanda Orin.
Keira fronça les sourcils, confuse. « Qui est Shane ? »
« Shane Lawder. Votre guide touristique. Pour le festival », expliqua Orin.
« Bien sûr », dit Keira, en se souvenant que dans ses notes Heather avait mentionné qu’il y aurait un guide touristique. « Oui, s’il vous plaît, j’aimerais rencontrer Shane. » Elle n’avait aucune envie de passer une minute de plus dans la pièce, aussi laissa-t-elle tomber son sac sur le lit et redescendit l’escalier grinçant.
« Shane ! », cria Orin en reprenant son poste derrière le bar.
À la surprise de Keira, ce fut le violoniste qui répondit. Il posa son instrument – bien que le groupe de musiciens avec lequel il jouait continua comme si de rien n’était – et approcha.
Sous sa barbe hirsute, Keira pouvait voir qu’il avait une mâchoire ciselée. En fait, s’il n’y avait pas eu les cheveux, qui avaient désespérément besoin d’être coupés, et les vêtements dépenaillés, Shane aurait plutôt été beau. Keira se sentit coupable d’avoir pensé une telle chose, d’autant plus qu’avec Zach la situation était délicate et précaire en ce moment, mais elle pensa à la devise de Bryn : Il n’y rien de mal à regarder.
« Vous ne ressemblez pas beaucoup à un Joshua », dit Shane en lui serrant la main.
« Oh, personne ne vous l’a dit ? », dit Keira. « Quelque chose est arrivé et j’ai été envoyée à la place. Désolée pour ça. »
Shane lui lança un regard impertinent. « De quoi vous excusez-vous ? Je préférerais de beaucoup passer trente jours avec une belle femme comme vous. Sans vouloir offenser ce Joshua, je suis sûr qu’il est assez attirant, mais il n’a pas l’air d’être mon type. Vous voyez, comme c’est un homme et tout. »
Keira déglutit. Elle ne s’était pas attendue à ce que les hommes irlandais soient aussi directs. Mais elle se souvint de Zach et répéta le mantra dans sa tête, qu’elle ne faisait que regarder.
Alors que Shane prenait un tabouret à côté d’elle, Orin plaça une Guinness devant chacun d’eux. Keira gémit silencieusement. Elle ne pouvait pas supporter autant d’alcool !
Shane prit une grande gorgée dans son verre, puis étala quelques documents sur le bar.
« Le Festival de l’Amour dure trente jours », expliqua-t-il. « La plupart des activités ne commencent pas avant le soir, alors j’ai préparé un itinéraire des endroits que nous pouvons visiter pendant que vous êtes ici, afin que vous puissiez avoir une meilleure idée du pays dans son ensemble. Nous commencerons par le Burren pour la montagne, puis les falaises de Moher pour voir l’océan, puis nous irons dans le comté voisin, Kerry, à la belle vieille demeure d’époque de Killarney, puis vers Dingle. »
« Je pensais que vous me guidiez seulement pour le festival », dit Keira. « Pas à travers tout le pays ! »
« Vous allez devenir folle si vous ne vous éloignez pas un peu de Lisdoonvarna pendant la journée », expliqua Shane. « Tous les groupes de personnes qui vont et viennent, ça devient un peu trop. »
Keira rit silencieusement dans sa barbe. Elle doutait sérieusement que Lisdoonvarna fût aussi trépidante pendant le festival que New York l’était tous les jours.
« Il y a beaucoup d’alcool », poursuivit Shane. « Certaines fêtes continuent jusqu’au petit matin. Je dis quelques-unes, mais en réalité c’est la majorité. »
Keira pensa aux participants chahuteurs à l’enterrement de vie de garçon avec lesquels elle avait partagé le vol et se demanda si elle allait dormir au cours du mois à venir.
« Ça a l’air génial », dit-elle en jetant un coup d’œil au programme. « Mais j’aurai besoin de temps chaque jour pour écrire. Ça ne peut pas être qu’une partie de plaisir. »
Shane lui sourit. « Vous venez tout juste d’arriver ici et vous pensez déjà au travail ? »
« Je le dois », expliqua Keira. « C’est vraiment important pour moi. Je ne veux pas tout gâcher. »
« Et ne pas tout gâcher veut dire ne pas se laisser aller ? »
Keira n’était pas d’humeur à être remise en cause sur ses choix de vie. Elle en avait eu assez de la part de Zach et sa mère.
« Cela signifie simplement prendre du temps chaque jour pour écrire », réfuta-t-elle, un peu agacée.
L’expression de Shane conserva son sourire amusé. Il prit une langoureuse gorgée de sa pinte. « Vous êtes une de celles du genre collet monté, non ? », plaisanta-t-il. « À travailler sans arrêt sans se détendre. »
Keira lui lança un regard impassible. « Je ne sais pas comment vous pouvez prétendre savoir quoi que ce soit sur moi », dit-elle. « Vous me connaissez depuis cinq minutes. »
Shane ne cessait de sourire. Il ne répondit pas, comme si la dispute était déjà réglée.
Keira se tendit. Il était beau, c’était vrai, mais s’il continuait comme ça, il allait finir par l’agacer. Elle ne savait pas si elle pouvait supporter trente jours de taquineries, de boissons et ne pas avoir d’espace pour écrire.
Peut-être que cette mission allait être plus difficile qu’elle ne l’avait prévu.
*
Keira parvint finalement à s’éclipser à minuit. Elle avait perdu le compte du nombre de Guinness qu’Orin et Shane avaient bu, mais heureusement pour elle ils avaient arrêté d’essayer de la persuader de les suivre. Malgré tout, sa tête lui tournait un peu tandis qu’elle montait