La Cible Zéro. Джек Марс

La Cible Zéro - Джек Марс


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toi ?” demanda-t-elle. “Comment tu t’en sors ?”

      “Bien,” dit-il. Mais il regretta immédiatement ces paroles. N’avait-il pas appris de sa fille que l’honnêteté était la meilleure politique à adopter ? “Non, ce n’est pas vrai,” rajouta-t-il immédiatement. “Je crois que je ne vais pas si bien que ça. Je fais en sorte de m’occuper en permanence avec tout un tas de tâches inutiles et je me trouve des excuses, car si je m’arrête assez longtemps pour me retrouver seul avec mes pensées, je me souviens de leurs noms. Je vois leurs visages, Maria. Et je ne peux pas m’empêcher de penser que je n’en ai pas fait assez pour éviter ça.”

      Elle savait exactement ce à quoi il faisait référence : les neuf personnes qui avaient été tuées lors de la seule explosion qu’avait réussi Amon à Davos. Maria passa le bras au-dessus de la table et caressa la main de Reid. Son contact envoya des décharges électriques dans tout son bras, semblant même calmer ses nerfs. Ses doigts étaient chauds et doux contre les siens.

      “C’est la réalité à laquelle nous devons faire face,” dit-elle. “Nous ne pouvons pas sauver tout le monde. Je sais que tu ne récupéreras pas tous tes souvenirs en tant que Zéro, mais si c’était le cas, tu le saurais.”

      “Peut-être que je n’ai pas envie de le savoir,” dit-il lentement.

      “Je comprends. Nous faisons de notre mieux. Mais croire que l’on peut empêcher le mal dans le monde te rendra fou. Neuf vies ont été ôtées, Kent. C’est arrivé et il n’est pas possible de revenir en arrière. Mais il aurait pu y en avoir des centaines. Il aurait pu y en avoir un millier. C’est la façon dont tu devrais voir les choses.”

      “Et si je n’y arrive pas ?”

      “Alors… trouve un passe-temps agréable peut-être ? Moi, je tricote.”

      Il ne put s’empêcher de rire. “Tu tricotes ?” Il n’imaginait pas Maria en train de tricoter. Utiliser les aiguilles à tricoter comme arme pour neutraliser un assaillant ? Pourquoi pas. Mais tricoter pour de vrai ?

      Elle releva le menton. “Eh oui, je tricote. Ne rigole pas. Je viens juste de terminer une couverture qui est plus douce que tout ce que tu as pu toucher dans ta vie. Mon argument c’est que tu dois trouver un loisir. Il te faut quelque chose pour occuper tes mains et ton esprit. Qu’en est-il de ta mémoire ? Il y a du mieux à ce niveau-là ?”

      Il soupira. “Pas vraiment. Je suppose qu’il est encore trop tôt pour voir une amélioration. C’est toujours plutôt embrouillé.” Il repoussa le menu sur le côté et croisa les doigts sur la table. “Toutefois, puisque tu en parles… il m’est arrivé justement quelque chose de bizarre aujourd’hui. Un fragment de quelque chose m’est revenu en tête. C’était à propos de Kate.”

      “Oh ?” Maria se mordit la lèvre inférieure.

      “Ouais.” Il garda le silence un long moment. “Des trucs entre Kate et moi… avant sa mort. Tout allait bien, pas vrai ?”

      Maria le fixa du regard, ses yeux gris ardoise perçant les siens. “Oui. Autant que je sache, les choses se passaient très bien entre vous. Elle t’aimait vraiment et toi aussi.”

      Il était difficile pour lui de soutenir son regard. “Ouais. Bien sûr.” Il eut presque envie de se mettre des gifles. “Bon sang, je suis désolé. Je suis en train de parler de ma défunte épouse à un rencart. Ne le répète pas à ma fille s’il te plaît.”

      “Hé.” Ses doigts trouvèrent de nouveau les siens sur la table. “C’est bon, Kent. Je comprends. C’est nouveau pour toi, tout ça, et ça te semble bizarre. Je ne suis pas vraiment une experte dans ce domaine non plus, donc… on va gérer ça tous les deux.”

      Ses doigts s’attardaient sur les siens. C’était agréable. Non, c’était plus que ça : c’était vraiment bien. Il se mit à rire nerveusement, mais son sourire s’effaça dans un froncement de sourcil perplexe, alors qu’une chose étrange le frappait : Maria l’appelait toujours Kent.

      “Qu’est-ce qu’il y a ?” demanda-t-elle.

      “Rien. Je me disais juste… Je ne sais même pas si Maria Johansson est ton vrai nom.”

      Maria haussa les épaules, l’air mystérieux. “Peut-être bien.”

      “Ce n’est pas juste,” protesta-t-il. “Tu connais le mien.”

      “Je ne dis pas que ce n’est pas mon vrai nom.” Le faire marcher avait l’air de l’amuser. “Tu peux toujours m’appeler Agent Marigold si tu préfères.”

      Il se mit à rire. Marigold était son nom de code, tout comme le sien était Zéro. Il lui semblait presque ridicule, d’ailleurs, d’utiliser des noms de codes alors qu’ils se connaissaient personnellement. Toutefois, le nom de Zéro semblait générer de la peur chez de nombreuses personnes qu’il avait rencontrées.

      “Quel était le nom de code de Reidigger ?” demanda doucement Reid. Il fut presque surpris par sa propre question. Alan Reidigger avait été le meilleur ami de Kent Steele… non, pensa Reid, c’était mon meilleur ami… un homme d’une loyauté apparemment sans faille. Le seul problème était que Reid se souvenait à peine de lui. Tous ses souvenirs de Reidigger avaient été effacés avec l’implant suppresseur de mémoire qu’Alan avait aidé à mettre en place.

      “Tu ne t’en souviens pas ?” Maria eut un sourire amusé à cette pensée. “C’est Alan qui t’a donné le nom de Zéro, tu le savais ? Et tu lui as donné le sien. Bon dieu, je n’ai pas repensé à cette soirée depuis des années. Nous étions à Abu Dhabi, je crois. On fêtait la fin d’une opération et on était bourrés dans le bar d’un hôtel bling-bling. Il t’a appelé ‘Point Zéro’ comme le point de détonation d’une bombe, parce que tu avais tendance à laisser un sacré bordel derrière toi. C’est devenu Zéro tout court, et c’est resté. Et toi, tu l’appelais…”

      Un téléphone sonna, interrompant son récit. Reid jeta instinctivement un coup d’œil à son propre mobile, posé sur la table, s’attendant à voir s’afficher le numéro de la maison ou celui du portable de Maya à l’écran.

      “Détends-toi,” dit-elle, “c’est le mien. Je ne vais pas répondre…” Elle regarda son téléphone et leva un sourcil, perplexe. “En fait, c’est le boulot. Juste une seconde.” Elle répondit. “Oui ? Mm-hmm.” Son regard sombre changea de direction et tomba sur celui de Reid. Elle le fixa des yeux, alors que le froncement de ses sourcils augmentait. Ce qu’elle écoutait à l’autre bout de la ligne n’était clairement pas une bonne nouvelle. “Je comprends. D’accord. Merci.” Elle raccrocha.

      “Tu as l’air perturbé,” constata-t-il. “Je sais, je sais, tu ne peux pas parler boulot…”

      “Il s’est échappé,” murmura-t-elle. “Tu sais, l’assassin de Sion, celui qui était à l’hôpital ? Kent, il s’est enfui il y a moins d’une heure.”

      “Rais ?” dit Reid, abasourdi. De la sueur froide perla immédiatement sur ses sourcils. “Comment ?”

      “Je n’ai pas les détails,” dit-elle rapidement en remettant son téléphone mobile dans son sac à main. “Je suis vraiment désolée, Kent, mais je dois y aller.”

      “Ouais,” murmura-t-il. “Je comprends.” Honnêtement, il se sentait à des kilomètres de cette table intime dans le petit restaurant. L’assassin que Reid avait laissé pour mort, à deux reprises d’ailleurs, était toujours en vie et désormais en cavale.

      Maria se leva et, avant de partir, elle posa ses lèvres sur les siennes. “On remet ça très vite, je te le promets. Mais là, tout de suite, le devoir m’appelle.”

      “Bien sûr,” répondit-il. “Vas-y et trouve-le. Et Maria ? Sois prudente. Il est dangereux.”

      “Moi aussi.”


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