La Cité Ravagée. Scott Kaelen

La Cité Ravagée - Scott Kaelen


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ne crois en aucun de tes dieux, Dag. Tu le sais. Ni aux Dyades. Ni au Liés. Ni à aucun d'entre eux."

      "Eh bien, peut-être qu'ils croient en toi."

      "Oh, par pitié !" Oriken se remit sur pied et lui lança un regard noir. "Tu ne peux pas arrêter avec ça, juste pour une fois ?"

      Jalis se leva et se plaça entre eux. "Je ne sais pas comment vous avez fait pour rester amis toutes ces années," dit-elle, les rabrouant tous les deux d'un regard sévère.

      Dagra agita la main avec mépris. "Ouais, moi non plus."

      "Moi, je sais," dit Oriken. "Je dois..." puis il décida de ravaler ses mots et de garder le silence.

      Dagra tourna lentement la tête. Il posa sur Oriken un regard sinistre. "Ne t'arrête pas là," dit-il calmement. "Tu penses encore que tu me dois quelque chose ? Ce que j'ai fait pour toi, je l'ai fait trop tard. J'avais eu une chance, je ne l'ai pas saisie. Tu ne me dois rien."

      Imbécile ! Oriken se réprimanda lui-même. Tu ne pouvais pas la fermer. "Écoute, Dag, je suis désolé. Ce n'était pas ce que je pensais—"

      "Ce n'était pas ce que tu pensais," se moqua Dagra. "Tu ne pensais pas. C'est bien ça, ton problème, Oriken. Tu ne penses jamais." Avec un soupir, il se rassit par terre.

      Oriken le regarda mais Dagra garda le silence et ses yeux fixés sur le mur d'en face, ses doigts enserrant le pendentif de son collier. Quand Oriken se tourna vers Jalis, celle-ci le regardait avec calme. Se retenant d'allumer un rouleau de tobah, il secoua la tête et partit errer dans les ténèbres. L'atmosphère entre Dag et lui n'avait pas été si tendue depuis longtemps. Cet endroit semblait les atteindre tous les deux.

       Chapitre Quatre

       Pierres des Temps Passés

      "Les filles, qu'est-ce que vous allez faire aujourd'hui ?"

      Eriqwyn étouffa un soupir et avala la dernière cuillerée de soupe pour faire taire la réponse désinvolte qu’elle faillit adresser à sa mère.

      De l'autre côté de la table, sa sœur lui lança un coup d'œil. "J'imagine que ce sera un jour comme les autres," dit Adri. "Nous sommes contentes que tu sois avec nous pour le petit-déjeuner, Mère. Tu as bien dormi ?"

      Leur mère fit un bref hochement de tête envers Adri, puis ses yeux prirent une expression vide et elle se pencha vers sa nourriture.

      "La voilà repartie dans son monde," murmura Eriqwyn.

      Adri se racla la gorge. "Comment s'en sortent les jeunes chasseurs à leur entraînement ?"

      "La plupart sont prometteurs mais ils ont encore du chemin à faire, et ils ne seront chasseurs que lorsque je l'aurai décidé ainsi."

      Adri lui lança un regard ferme. "Ma sœur, en tant que chef de cette communauté, voilà une décision qui passera par moi."

      Eriqwyn pencha la tête en signe de déférence. "Bien sûr. Mais, dis-moi une chose, Adri. En tant que Première Gardienne, recruter les stagiaires relève de ma responsabilité mais, au nom de la lande verte de la déesse, pourquoi as-tu insisté pour enrôler Demelza ?"

      "Ah, oui. Demelza." Adri eut un petit sourire forcé. "Ton aversion pour cette fille est évidente, je sais que tu ne l'aurais jamais acceptée, autrement. J'avoue qu'il y a quelque chose en elle qui me met également mal à l'aise mais elle est inoffensive et je crois qu'elle a du potentiel."

      "Wayland et toi lui trouvez quelque chose que je ne vois vraiment pas," dit Eriqwyn. "Sa progression est lente et son manque d'attention est flagrant."

      Adri posa sa cuillère dans son bol vide. "Ça ne veut pas dire qu'elle ne peut pas apprendre. Elle vit seule, Eri. Elle s'est montrée autonome depuis la mort de la vieille Ina. Je l'ai vue revenir au village avec des lapins, des faisans et des paniers remplis de crabes. Une fois, je l'ai vue tirer un nargut adulte jusqu'à sa cabane."

      "Eh bien, je ne sais pas comment elle a fait pour les attraper sans filet, sans piège et sans savoir se servir d’une flèche. Ce qu'elle semble capable d'accomplir n'a rien à voir avec les talents que j'ai pu observer. Je ne pense pas qu'elle a ce qu'il faut." Eriqwyn haussa des épaules. "Peu importe. Wayland en est responsable. Si quelqu'un peut en faire un chasseur, c'est bien lui. Il aime bien Demelza et sa patience est sans égale."

      "Wayland est un Gardien émérite. Tout comme Linisa." Adri se leva de sa chaise et se pencha par-dessus la table pour prendre le bol d'Eriqwyn. "À vous trois, vous êtes sans doute l'équipe de Gardiens la plus compétente que le village ait jamais connue. Le Ruisseau du Vairon est bien protégé."

      "C'est bon de l'entendre dire, ma sœur." Mais protégée de quoi donc ? Tandis qu'Adri quittait pièce, Eriqwyn se leva et jeta un coup d'œil à sa mère. "Je sors cueillir des fleurs, Maman," dit-elle, s'en voulant de prononcer ces mots plus par moquerie que par gentillesse.

      Sa mère leva les yeux vers elle et croisa son regard. Malgré les années passées prisonnière de ses souvenirs, pendant un court instant, le fantôme de la femme qu'elle avait été apparut dans ses yeux. "D'accord, ma chérie," dit-elle avec un léger sourire. "Amuse-toi bien."

      S'amuser. Eriqwyn médita sur ce mot tout en quittant la pièce. Comme si la vie se résumait, comme avant, à sauter à la corde et cueillir des fleurs. J'ai grandi, Mère. Adri aussi. Ça fait longtemps qu'on a oublié ce que c'est de s'amuser.

      Alors qu'Eriqwyn marchait le long de l’Allée du Mausolée, son arc à la main, un bourdonnement de voix lui parvenait depuis les portes ouvertes des habitations qui bordaient la rue. La chaleur et l'odeur du métal emplissaient l'air quand elle passa devant la forge. Tan, le plus jeune des deux forgerons, leva la tête et la salua d'un geste de la main. Sans interrompre sa foulée, Eriqwyn répondit d'un bref hochement de tête et poursuivit le long de la rue.

      Quand elle parvint à la pointe sud du village, une silhouette émergea de derrière une maison. Reconnaissant Shade, Eriqwyn serra les dents. Sa chevelure sombre et lustrée tombait sur les épaules de la femme. Le tissu de sa longue robe et des panneaux se croisant sur sa poitrine était plaqué sur son corps par la brise chaude.

      Shade s'arrêta près d'une poutre en bois et souleva une main pour la poser doucement sur le bois lisse. "Bonjour Eri," ronronna-t-elle. Ses yeux bruns scintillaient dans le soleil du matin.

      Eriqwyn tenta de passer devant elle mais Shade lui toucha l'épaule et elle s'arrêta. "Qu'est-ce que tu veux ?" dit Eriqwyn d'un ton cassant.

      Shade sourit. "Que d'hostilité. Tu sais que j'aime ça chez une femme. Ça fait longtemps que je ne t'ai pas vue, Eri. Est-ce que tu m'évites ?"

      "Je n'ai pas à t'éviter," dit Eriqwyn d'un ton acerbe. "Et ne m'appelle pas Eri. Nous ne sommes pas proches."

      "C'est d'autant plus triste." La voix de Shade débordait de sensualité, tout comme son apparence. "Comment préférerais-tu que je t'appelle ? Première Gardienne ?"

      "Ce serait acceptable."

      "Tant de formalités," la sermonna Shade. "Je pensais que nous avions dépassé cela. Après ce que nous avons partagé, je dirais que toi et moi sommes plus... intimes que la plupart des gens du Ruisseau du Vairon." Ses yeux étaient fixés sur le corps d'Eriqwyn.

      Eriqwyn jeta un regard dans la rue pour s'assurer que personne ne les entendrait. "Il n'y a pas d'intimité entre toi et moi," dit-elle avec force. "Et si jamais il y en avait eu, elle n'existe plus depuis longtemps. Je sais ce que tu es, Shade. Une pierre précieuse, belle mais froide."

      Shade s'approcha d'une démarche chaloupée. Ses doigts glissèrent depuis l'épaule d'Eriqwyn et le long de son bras. "Ai-je l'air froide ?" Elle se tint plus près. "Ou plutôt chaude ? Te souviens-tu de ça, Eri ? Tu devrais venir me rendre visite un jour,


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