Le Ciel De Nadira. Giovanni Mongiovì

Le Ciel De Nadira - Giovanni Mongiovì


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il était possible que la gloire de ses yeux dépassait les frontières du Rabaḍ et était même arrivée aux oreilles du Qā’id.

      “ As-tu déjà entendu ces paroles, ma chère ? ” demanda Ali, même s’il savait déjà que la réponse aurait été négative.

      “ Non, mon Seigneur. Mais Nadira à qui tu les as dédiées doit avoir de la chance. ”

      Le Qā’id sourit, en étant positivement frappé per la modestie de la jeune fille.

      “ Cet été j’ai accordé audience à un poète itinérant qui cherchait une cour, un nommé Mus’ab, il m’offrit durant deux mois ses dons de poète. Un jour il m’exalta les louanges d’une fleur d’une telle beauté que je finis par le supplier afin qu’il me dise de qui il s’agissait. Cette fleur avait un nom : Nadira ; elle habitait au Rabaḍ et était la sœur du ‘āmil. Les verts que j’ai récité, ma chère, je les ai uniquement appris par cœur…. la ré-compense pour le génie est seulement pour le poète Mus’ab, mais la ré-compense pour la beauté de ces paroles est pour toi. Toutefois, si j’avais vu tes yeux avant d’entendre ces paroles, j’aurais peut-être puni Mus’ab pour sa présomption à vouloir décrire l’indescriptible. Allah a fait de toi une femme inégalable et inexplicable, ma chère ! J’ai attendu un mois, toute la durée du Ramadan24, avant de pouvoir connaître ” le ciel de Nadi-ra, la frontière de ses yeux ”, même si maintenant je me rends compte que cette frontière n’existe pas. ”

      A ce moment Ali regarda Umar et lui dit :

      “ Frère, je te demande la main de Nadira, quelque soit le prix que tu m’imposes. ”

      Umar se tut et Nadira quitta la pièce, en comprenant que la question devait être affrontée entre hommes.

      Umar en son cœur consentit immédiatement, et lui aurait accordé Nadi-ra même sans aucun prix, vu qu’il serait devenu le beau-frère du Qā’id, toutefois il cacha ses émotions et son approbation jusqu’à ce que l’autre ne releva l’enjeu. Ali lui assura de vouloir faire de Nadira une de ses femmes et qu’il ne l’aurait pas traitée comme une concubine même si elle était de provenance populaire. En outre il promis des dons et des bénéfices pour la famille toute entière. Umar à ce moment regarda Rashid, son fils majeur âgé de seulement huit ans, et ne pu s’empêcher de penser à comment leur vie se serait améliorée grâce aux yeux bleus de sa sœur.

      En attendant, Nadira s’était réfugiée dans le lieux où elle allait étant enfant, sous la fronde d’un gros mûrier situé dans la propriété de la maison. Elle ne comprenait pas pourquoi une chose si importante devait lui arriver. Elle ne se sentait pas à la hauteur, elle pensait n’avoir rien fait pour mériter les attentions du Qā’id et une proposition de cette portée. Elle pleurait et tremblait…. donc elle appuya le dos contre le tronc et, les yeux fermés, elle se rappela la raison des évènements d’aujourd’hui.

      Chapitre 3

      Été 1060 (452 de l’hégire) Rabaḍ de Oasr Yanna

      C’était un vendredi et sous le soleil de midi Nadira allait au puits au sud du Rabaḍ dans l’intention d’y prendre un seau d’eau ; Fatima, sa petite fille l’accompagnait. Elle était vêtue de rouge et portait un ras du cou décoré de dessins géométriques de différentes couleurs et plein d’ornements attachés à sa coiffe qui pendaient le long de son front comme les berbères paraient les petites filles.

      Il y avait également d’autres femmes qui allaient au puits en riant et en blaguant, insouciantes malgré la chaleur étouffante de l’heure la plus chaude.

      A la fin de leur service, toutes les autres saisirent leur seau et prirent la route vers leur habitation. Nadira et Fatima restèrent seules à l’arrière.

      “ J’ai entendu dire que ce puits est miraculeux. ” dit une voix masculine.

      Nadira, surprise, abandonna d’un coup la prise de la corde en laissant tomber le seau au fond du puits.

      Ce type, un jeune qui portait une étrange Kefiah25 jaune enroulée autour de sa tête, avançait en agitant les mains, et la priait de le pardonner de l’avoir épouvantée.

      “ Je ne t’avais pas vu, bonhomme. ” répondit Nadira, en se couvrant le visage et en tirant vers soi la petite Fatima.

      “ Je disais que ce puits est miraculeux… et maintenant que je suis proche de toi j’en suis encore plus convaincu. ”

      “ Car si tu n’es pas un ange, explique-moi quelle créature du Paradis j’ai devant moi. ”

      “ Seulement la sœur du chef du village, un homme très proche du Qā’id. ” dit Nadira en expliquant ses références et en tentant de le décourager d’éventuelles mauvaises intentions.

      “ Tu ne dois rien craindre de moi. ”

      Donc, tout en esquissant une révérence les mains derrière le dos, il se présenta :

      “ Mus’ab, poète et médecin. ”

      “ Laissez-moi parler avec mon frère et je vous ferai accorder toute l’hospitalité que vous méritez, Mus’ab. ”

      “ Tu es gentille, mais tout ce dont j’ai besoin je crois l’avoir déjà trouvé. ”

      “ Tu as besoin d’eau ? Mon frère ne manquera pas de t’en accorder un seau. ” demanda naïvement Nadira, en imaginant qu’il se rapportait au puits.

      Toutefois celui-ci sourit et expliqua :

      “ J’ai beaucoup voyagé malgré mon jeune âge : de Bagdad à Grenade. Je dois avouer avoir vu souvent des yeux couleur turquoise et émeraude, dignes des soixante-douze promesses d’Allah aux martyrs. En Andalus j’ai trouvé des jeunes filles de la lignée des wisigoth aux yeux semblables aux tiens… et parmi les monts de la Kabilie j’ai rencontré des femmes aux caractéristiques identiques aux tiennes. Toutefois, jamais… jamais… je n’ai trouvé un bleu aussi intense blotti sur un visage comme le tien. Ton aspect trahi la lignée à laquelle tu appartiens, certainement berbère, comme j’en déduis des vêtements de la fillette…

      Et même parmi les indigènes siciliens j’ai vu des yeux clairs, mais jamais comme les tiens. Ton père est-il un indigène ? Ou ta mère ? De qui as-tu hérité cette fortune ? ”.

      “ Tu te trompes…. Tu es certainement resté trop longtemps loin de cette terre et tu tombes facilement dans le piège. Aucun berbère, indigène ou arabe n’existe par ici, seulement des siciliens qui observent la parole du Prophète. C’est vrai, parmi mes grands parents et parmi leurs mères il y eut des femmes indigènes converties aux diktats du Coran, comme cela arrive dans n’importe quelle famille de croyants sur cette île. Mais cela est normal si on considère que les hommes furent en grande partie les premiers qui passèrent par la Sicile et seulement après arrivèrent les familles qui fuyaient les persécutions des califes et des émirats d’ Ifrīqiya. Néanmoins, en ce qui concerne mes yeux, pourquoi donc une personne devrait-elle enquêter sur un insondable don d’Allah ? ”

      A ce moment là, le muezzin rappela les fidèles à la prière de midi. Na-dira se tourna vers le Rabaḍ et son minaret, et donc se dépêcha de rentrer.

      “ Ma mère attend cette eau déjà depuis trop longtemps. ”

      “ dis-moi seulement ton nom. ”

      “ Nadira. ”

      “ Nadira, j’écrirai de tes yeux ! ” s’exclama l’étranger.

      En rentrant chez elle, tenant Fatima par la main, Nadira eut la certitude que Mus’ab se serait présenté auprès de Umar pour lui demander sa main.

      Toutefois les jours passèrent et cette certitude disparu, jusqu’à ce qu’au début du mois d’octobre l’effet bien plus important que cette rencontre avait provoqué sur son destin apparu clairement.

      Chapitre 4

      Hiver


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<p>24</p>

Ramadan: neuvième mois du calendrier islamique et un des quatre moments sacrés de l’an-née. Selon la règle islamique durant ce mois le jeûne et l’abstinence doivent être respectés du le-ver au coucher du soleil. Il rappelle la période où l’Ange Gabriel aurait révélé le Coran au Prophète Mahomet. Les mois du calendrier islamique étant lunaires, il n’a pas de position fixe dans le calendrier grégorien.

<p>25</p>

Kefiah: typique coiffe traditionnelle de la culture arabe, elle est constituée d'un morceau de tissu correctement enroulé sur ou autour de la tête.