L'Épice. Robert A. Webster
du feuillage dense. Ravuth courut à travers la végétation épaisse, suivant des pistes étroites jusqu’à entrer dans un terrain épais, accidenté et impénétrable.
« Ils ne pourront plus me trouver maintenant », pensa-t-il, et il se mit à courir dans le sous-bois dense.
Épuisé, Ravuth avait couru à travers cette section non familière de la jungle pendant plus de trois heures. Arrivant dans une clairière recouverte d’un toit végétal épais, qui laissait cependant passer un peu de lumière, il se cacha là. Se sachant en sécurité et en position de repérer tout poursuivant, il s’assit au pied d’un arbre diptérocarpe géant, sur le qui-vive.
Ravuth resta là pendant deux jours, se nourrissant de la végétation abondante qui l’entourait. Réalisant qu’il avait semé ses poursuivants, il se mit en quête de rejoindre son village.
Ravuth se sentait en sécurité dans la jungle et marcha toute la nuit, profitant de la clarté de la lune. Il se reposait pendant les journées torrides, piégeant et cueillant en fin d’après-midi jusqu’au crépuscule.
Sans direction précise à suivre, à la différence des environs du village, où il connaissait la plupart des pistes et la végétation familière, il était perdu. À l’aube du dixième jour, il déboucha sur un sol dégagé. Un remblai laissait place à une étroite vallée où il vit un grand corral, entouré d’une clôture métallique en grillage.
Ravuth pouvait distinguer plusieurs rangées de bivouacs en toile, ainsi que quelques tentes militaires de plusieurs tailles. Il voyait des gens qui déambulaient derrière le grillage. Certains groupes cuisinaient sur des feux de bois ouverts. Ravuth pouvait sentir les arômes de la nourriture cambodgienne, ce qui lui donna l’eau à la bouche. « Ceci doit être l’un des lieux dont avait parlé le Khmer rouge. Je me demande si ma famille est ici », pensa-t-il. Rampant autour du grillage, il observait les habitants du camp jusqu’à ce qu’il atteigne une porte. Ravuth se sentait exposé à découvert, aussi il se cacha dans un coin sombre et observa.
Ravuth vit des véhicules militaires et des soldats aller et venir toute la journée. Il remarqua que le personnel militaire n’était pas composé de Khmers rouges. Ils étaient plus âgés et habillés en uniformes de camouflage. Il se déplaça le long de la clôture, surveillant les activités à l’intérieur du camp. De temps en temps, il regrimpait sur le remblai pour obtenir une meilleure vue depuis la jungle, mais il ne pouvait reconnaître aucun des membres de sa famille ou du village. La nuit tomba, aussi il longea la clôture, trouva un coin dégagé, et à l’aide de ses mains, il creusa une petite tranchée en dessous du grillage métallique. Il traversa en se glissant et rampa vers la tente la plus proche. Ravuth s’accroupit, regarda devant, souleva un coin et…
« Qui es-tu ? », dit une voix masculine derrière lui dans une langue inconnue, « Lève-toi et tourne-toi ».
Ravuth, enveloppé par une forte lumière dans son dos et effrayé parce qu’il ne pouvait comprendre les instructions de l’homme, se leva instinctivement et se retourna, aveuglé par la lumière.
*En annexe
2
Le phénomène de la pâtisserie
Le maître de cérémonie s’éclaircit la gorge et annonça : « Le trophée du Pâtissier de l’année est décerné à.. », faisant une pause pour ménager son effet alors qu’il jetait un coup d’œil au nom écrit au dos d’une carte de couleur or. « Pour la troisième année d’affilée », il fit face au public en souriant. « Le pâtissier représentant l’Hôtel Avalon », nouvelle pause avant d’annoncer : « M. Ben Bakewell ! ». Il se mit à applaudir, invitant la salle à faire de même dans cette suite de conférence cossue de Park Lane Hilton. Des acclamations et des murmures fusèrent tandis qu’un homme portant un costume mal ajusté s’avança d’un pas traînant vers la scène.
« Bien joué Cake », dit le Maître de cérémonie tandis que le boulanger atteignait la plateforme et lui serrait la main.
Bien que Cake ait déjà remporté cette distinction trois ans de suite, il se sentait encore mal à l’aise en tenant la petite effigie. Son discours d’acceptation fit écho aux années précédentes. « Merci », marmonna-t-il dans le micro, rougissant. Il soupira, quitta la scène et se précipita vers la table pour rejoindre ses collègues.
La cérémonie des récompenses touchait à sa fin, au grand soulagement de Cake. Plusieurs critiques étaient sur la scène, en pleine discussion sur les différents plats qui avaient remporté des prix. Cake exécrait ce genre de manifestations et jugeait les critiques de la restauration aussi utiles que des pets dans une passoire, incapables de faire bouillir un œuf et étrangers à cette activité. Malgré cela, il recevait toujours des critiques élogieuses. L’un avait décrit son *Œuf dans un nid Avalon comme une explosion parfaite d’arômes créant un orgasme buccal et avait dit que chaque plat créé par Cake avait un goût parfait. Cependant, Cake avait toujours eu l’impression qu’ils étaient moyens et considéraient que ses plats manquaient de quelque chose sans pouvoir trouver ce que c’était.
Cake arriva chez lui à environ 23 heures, après un long trajet dans la capitale. Jade était déjà revenue de son escapade de cinq jours à Lincoln. Cake, enthousiaste, voulait savoir comment leur pâtisserie progressait. Il se laissa tomber dans une chaise de la salle de séjour tandis que Jade lui apportait un verre de vin, et ils se mirent à l’aise. Il lui montra le chèque de récompense pour la compétition, elle sourit et lui montra des images vidéo du travail en cours.
* * *
Benjamin Bakewell, surnommé Cake aussi longtemps qu’il pouvait se souvenir, avait une réputation impeccable dans le monde de la cuisine. Chaque grand chef et établissement de restauration haut de gamme connaissait Cake. Il occupait la position de chef pâtissier à Avalon depuis trois ans. Ses gâteaux et pâtisseries signés faisaient envie à tout chef pâtissier en raison de la préparation unique de Cake, que beaucoup échouaient à répliquer.
Cake était né dans la banlieue de Louth dans le Lincolnshire, une petite ville rurale, à quarante kilomètres de la ville de Lincoln. Sa famille possédait une ferme de cent hectares cultivables à la périphérie de la ville et cultivait du blé, de l’orge et du houblon. Son surnom, Cake, provenait de son nom de famille et de son amour de la pâtisserie. Il avait suivi sa scolarité à l’école primaire, mais tandis que les autres s’adonnaient au sport et au divertissement pendant leur récréation, lui se trouvait dans la cantine de l’école et aidait les cuisiniers.
Les parents de Cake avaient toujours su qu’il avait flair inhabituel. Il pouvait détecter tous les ingrédients d’un plat quelconque et ajoutait des composants lorsqu’il jugeait que cela pourrait relever son goût jusqu’à ce que son palais parfait le trouve acceptable. Cake ne mangeait pas ni ne manipulait la viande, car celle-ci ne dégageait pas d’arômes parfumés, sa texture procurait une sensation granuleuse et dure, et son goût le faisait vomir. Il tolérait certains aliments marins, mais seulement s’ils étaient frais et modérément parfumés, tels que la lotte ou les pétoncles, auxquels il pouvait ajouter des herbes et des épices pour masquer l’odeur et le goût du poisson. Personne ne pouvait comprendre le don inhabituel de ce garçon, et il fallut de nombreuses années avant que quiconque ne découvre la raison de son sens élevé du goût et de l’odorat. Seul Cake pouvait percevoir l’odeur et le goût du monde en détectant les senteurs et les parfums flottant dans l’air. Pendant ses jeunes années à l’école, il utilisa son talent unique pour gagner des bonbons et autres friandises de ses camarades d’école en devinant ce qu’ils avaient mangé au petit déjeuner ce matin-là en humant leurs pets. Ceci devint également un tour facile pour les fêtes et réunions à mesure qu’il grandissait.
Cake passa une enfance heureuse, avec de nombreux amis, quoique les filles l’évitaient à cause de sa propension à renifler l’air environnant, ce qui était rebutant. Ses camarades trouvaient cela très amusant,