L'Épice. Robert A. Webster
souriant.
« Une seule ? », demanda Cake.
« Oui, une seule », répondit Jimmy.
Jimmy s’assit, observant Cake tel un derviche tourneur, évoluant au milieu de ses pots et récipients d’ingrédients. Sans utiliser de balance de pesée, il fit valser ses cuillers et tamis, et mélangea les ingrédients, flairant et goûtant jusqu’à ce qu’il apparaisse satisfait et obtienne une réplique exacte de la page sur papier glacé. Il plaça celle-ci dans un four. Ils bavardèrent pendant un moment de Londres et de cuisine jusqu’à ce que Cake sache que la tranche de crème anglaise était prête. Il la sortit du four et étala le glaçage sur le dessus.
Jimmy respira l’arôme délicieux et sourit.
En attendant que le glaçage durcisse, Cake demanda à Jimmy : « Pourquoi vouliez-vous que je vous prépare une simple tranche de crème anglaise ? ».
Jimmy regarda Cake en souriant : « Elles ne sont pas si simples et peuvent être fades ». Je recherche toujours quelqu’un qui pourrait produire un arôme unique et transformer un mets fade en quelque chose de spécial », répliqua Jimmy.
« Vous recherchez quoi au juste ? », demanda Cake, ne pouvant cacher son trouble.
Jimmy regarda Cake et lui dit : « Un assistant ».
Cake fut abasourdi quand Jimmy poursuivit : « Un poste est libre chez Harrods pour un assistant-chef pâtissier, mais je n’ai pas encore pu trouver un candidat qui convienne ».
Confus, Cake tendit la tranche de crème anglaise chaude à Jimmy, qui goûta une bouchée de la pâtisserie sucrée et croustillante. Les arômes explosèrent dans sa bouche dans un mélange de goûts subtils qui relevaient la crème à la vanille et le glaçage.
« Le talent de ce garçon est phénoménal », pensa Jimmy avant d’annoncer : « Ce poste d’assistant est à vous, jeune Cake ».
Le cœur de Cake fit un bond, car il savait qu’il n’obtiendrait jamais une opportunité comme celle-ci. C’était son rêve, mais un obstacle se dressait sur son chemin. Il dit en soupirant : « J’adorerais venir à Londres et travailler pour vous, Jimmy, mais je dois m’occuper de la pâtisserie familiale ».
Jimmy, d’un ton déçu, regarda Cake, et dit avec un sourire en coin : « Si vous voulez le poste, je vais parler à votre famille, je peux être très persuasif ».
Cake sourit et, d’un air de petit chien excité, répondit : « Merci Jimmy ». Il jeta ensuite un coup d’œil à sa montre et ajouta : « La famille est à l’étage ».
* * *
Jimmy et Cake pénétraient dans l’immense section pâtisserie d’Harrods, une semaine après la discussion avec la famille de Cake qui, sachant que cela avait toujours été son rêve, avait accepté. Jimmy offrit à Cake une visite de la boutique prestigieuse. Cake ne pouvait détacher ses yeux des présentoirs en verre de la section pâtisserie d’Harrods, qui ressemblaient à des œuvres d’art. Jimmy l’amena à sa salle dans les locaux du personnel et lui remit plusieurs tenues de chef ornées du petit logo doré Harrods.
Cake se sentit richissime tandis qu’il revêtait sa tenue blanche et se rendait dans la pâtisserie efficace, bien organisée et impeccable, chaque employé connaissant bien sa routine. Cake était en admiration à mesure qu’il découvrait les fours et équipements modernes.
« OK, Cake, lui dit Jimmy, fais un tour et prends tes repères, puis je veux que tu me prépares deux douzaines d’éclairs au chocolat ».
« D’accord, chef ! », répondit joyeusement Cake, se mettant au travail.
Cela prit un moment pour que Cake s’établisse dans sa nouvelle vie. Au début, le personnel de la pâtisserie Harrods se comporta froidement avec lui. Ils étaient jaloux et ne comprenaient pas comment un jeune fermier sans qualifications avait atterri au poste enviable d’assistant du chef pâtissier. Cependant, une fois qu’ils eurent goûté ses gâteaux et pâtisseries, ils réalisèrent qu’il était spécial et méritait le poste. Cake travaillait dur et passait la majeure partie de son temps à la pâtisserie.
Sa réputation se répandit dans le monde culinaire de Londres. Les ventes de la pâtisserie Harrods augmentèrent et Cake fut rapidement demandé par les concurrents. Il gagnait beaucoup d’argent et faisait ce qu’il adorait, la cuisine.
Jimmy devint son mentor et apprit à Cake de précieuses astuces et techniques. Cependant, Cake se sentait limité dans ses expérimentations chez Harrods. Le menu fixe changeait rarement et il n’y avait pas place pour l’innovation. Cake manquait de défis et le travail devint rapidement banal. Il reprit le kickboxing pour rompre la monotonie.
Bien qu’il décline les postes dans d’autres pâtisseries et restaurants de prestige, Jimmy l’encourageait à faire progresser sa carrière, lui conseillant d’accepter un autre poste si l’occasion se présentait. Cette ouverture arriva alors que Cake avait vingt-quatre ans. L’hôtel Savoy l’approcha pour devenir son chef pâtissier, ce que Cake considéra.
On lui offrait une augmentation de salaire généreuse et il contrôlerait le menu des gâteaux et pâtisseries, il pourrait expérimenter ses recettes, sachant que la responsabilité de la réussite du département lui incombait.
Cake discuta de l’offre avec Jimmy, qui lui conseilla d’accepter le poste.
* * *
Le Savoy, avait été construit à la fin du dix-huitième siècle. C’était un hôtel 5 étoiles dont l’opulence et la grandeur impressionnaient Cake, cependant le premier jour dans la pâtisserie fut un choc, car il avait l’habitude de travailler dans une pâtisserie tranquille et efficace. Les chefs tournaient dans la cuisine comme des poulets sans tête, tandis qu’un chef petit et gros braillait et leur criait dessus. Cake se rendit dans la section pâtisserie, où un pâtissier criait sur un personnel aux airs persécuté. Il se présenta comme chef pâtissier à l’assistant du chef pâtissier, qui sembla peu impressionné par son nouveau patron et, tout en aboyant des ordres à ses subordonnés, fit faire le tour de la maison à Cake.
Sans attendre, Cake mit de l’ordre dans la pâtisserie et réorganisa la section, forma les pâtissiers à ses techniques et recettes. Il vérifiait chaque produit qui quittait la zone. Il renvoya l’assistant-pâtissier et le lieu de travail devint serein et bien organisé, à la différence de la cuisine principale, avec son chaos désorganisé et ses chefs mégalomanes criant sur leurs larbins. Cela ne les empêchait pas de s’adresser avec respect à Cake, car ils savaient que, contrairement à Cake, ils n’étaient pas irremplaçables.
Cake aimait flâner le long de la Tamise et se posait souvent des questions sur ses sens extraordinaires. Il voulait en savoir davantage à ce sujet, aussi il prit rendez-vous avec le docteur Arnold Sagger, un éminent médecin spécialiste en génétique de la clinique Harley Street, qui préleva des échantillons d’ADN.
Le docteur fut abasourdi par les résultats. Cake possédait au moins un tiers de gènes récepteurs olfactifs en plus que les autres êtres humains, et davantage que la plupart des autres mammifères.
Le docteur avait mené des recherches sur des individus et c’est chez un sommelier italien qu’il en avait trouvé le plus, avec 980 gènes récepteurs, légèrement plus que la moyenne chez les êtres humains moyens, qui était inférieure à 900. Cake en possédait plus de 1400, légèrement moins que la souris, qui détient un record de 1500 gènes olfactifs.
Le médecin avait l’air excité lorsqu’il demanda à étudier Cake et faire des recherches sur sa mutation, mais parut déçu lorsque Cake déclina, au motif que le médecin lui donnait l’impression d’être X-Man. Il était simplement un gars normal doté de perceptions élevées et maintenant qu’il en avait trouvé la raison, c’était tout ce qu’il avait besoin de savoir.
Cake resta au Savoy pendant plusieurs années, son nom devint synonyme de grande confiserie. Sa réputation