Architecture De La Prière. Diego Maenza

Architecture De La Prière - Diego Maenza


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étreinte pleine d’intention. Ce qui se présente sous tes yeux est un paradis, un enfer, et ici, dis-je d’une voix magnanime en indiquant la partie centrale, c’est le monde. Pour l’instant un simple coup d’œil suffit, nous aurons le temps de l’étudier partie par partie. Mon corps ne résiste pas à l’envie et je l’embrasse sur la joue alors que je baisse ma main au creux de son dos. Sa réaction ne dégage aucun signe de répulsion. De façon inattendue, il me demande la bénédiction.

      *

      J’ai envoyé le garçon au marché pour acheter des provisions. Je déplore son absence et j’essaie de combattre le désir par une prière. Mais je me mets à genoux et les mots restent coincés dans ma gorge. Cette fois, je ne peux pas prier. Je me lève, je prends une douche chaude et je me prépare à l’accueillir le mieux possible.

      *

      Le garçon arrive enfin, mais malheureusement Mlle Raquel l’accompagne. Mlle Raquel est une femme dévouée au service de l’Église. Elle a su conserver une apparence de jeune femme malgré ses quarante ans à venir, mais elle reste célibataire malgré sa beauté. Derrière elle une escorte de dames entre dans la maison, elles se sont associées pour me rendre visite et m’offrir des fruits achetés précisément à la jolie vieille fille, j’imagine. Tomás les salue avec des aboiements de colère. Je les reçois avec une apparente gratitude et je leur donne, avec l’autorité qu’elles m’octroient, quelques admonitions. Je leur impose quelques tâches pour la préparation de la procession de demain et je les congédie délicatement sous prétexte d’un grand besoin de me reposer. Derrière elles, je ferme la porte aux charnières rouillées et je me lance à la recherche du garçon dans toute la maison.

      *

      Je l’invite à nouveau dans ma chambre. Nous entretenons une conversation sur certains aspects théologiques. Il alimente le débat de ses connaissances limitées. Je l’entraîne en posant une main ouverte sur sa cuisse charnue et appétissante. Je l’invite à commencer une prière ensemble. Je m’assieds derrière lui et nous lançons la supplique commune habituelle. Je perçois la chaleur de son corps qui calme le froid ambiant et rafraîchit en même temps la fièvre de mes entrailles.

      *

      Mon corps souffre. Je m’allonge pour apprécier la saveur de fruits encore présente dans mon palais. J’essaie de prononcer une oraison qui échoue dans la tentative. Ma tête m’emporte ailleurs, elle m’oriente vers le visage du garçon. Je me dirige vers sa porte d’un pas chancelant. Je l’entrouvre et je découvre son corps endormi en position fœtale dans le plaisir d’une sieste. Son beau postérieur m’insuffle un vif désir, il m’incite à le caresser, à lui infliger la dernière morsure. Mon corps transi bouillonne de fièvre ou d’autre chose. Dans un élan de lucidité, je retourne dans mon lit.

      *

      Je me réveille avec une sensation gluante provoquée par la sueur sur ma peau. Je regarde les rayons du soleil de l’après-midi se refléter dans le miroir et inonder la pièce d’une lueur qui envahit chaque recoin. Je ressens le besoin de me nettoyer. Une vague de chaleur envahit l’alcôve. Mon entrejambe est pâteux. La fièvre est passée. J’implore un peu d’eau fraîche.

      *

      J’ai envoyé des instructions écrites aux fidèles pour la procession du Vendredi Saint. Le garçon m’a accompagné pendant que j’écrivais la lettre qu’il devait ensuite livrer, animé par la promesse de l’étude une partie du tableau. Je ne pouvais pas réprimer mon intérêt pour ses mouvements, mon regard se fixait sur lui à chaque instant. J’ai même fait dévier mon stylo sur quelques traits.

      *

      La couverture du boîtier du disque illustre un chemin orné de feuillages d’automne qui se perd dans un horizon suggestif. Le passage jaunâtre creuse une forêt de quiétude absolue. Aucun oiseau ne nuit à la tranquillité. Aucun animal ne s’aventure à profaner la sérénité du petit univers des feuilles sur la terre. Tous sont sur le point d’émerger pour inaugurer de manière fougueuse un paradis infernal. J’insère le disque dans le lecteur qui l’entraîne dans un tournoiement rapide. Cet engin se transforme en un minuscule tourbillon infini qui tourne à des milliers de tours par minute. La musique envahit la salle, très lentement, comme si elle luttait pour se réveiller d’une léthargie imposée par des forces restrictives, comme si elle respirait le calme, comme si elle absorbait le silence et s’accrochait à l’espace qu’elle occupera plus tard dans une tonalité impériale. Mais il fera froid. La basse impose le rythme, elle continue sans interruption. Elle coule avec un crescendo qui nuance les interventions timides des violons. Ce sont les pas du promeneur en détresse. Ce sont les craquements de la glace prête à se fissurer. Maintenant, la foudre raisonne incendiée par le violon soliste. La tempête de l’orchestre rugit, elle secoue l’espace et vibre aux pieds du malheureux. La course commence par l’impulsion de la basse qui palpite avec insistance et marque les pistes rapides. La contribution magistrale du violoniste principal l’envahit, elle le secoue de ses rafales glaciales, et le froid intense provoque un frisson accompagné de grincements de dents.

      *

      Tu vois cette zone ici ? Il me montre la partie supérieure droite de la peinture ouverte. Le tableau entier symbolise les supplices du pécheur. Mais cette partie-là, en particulier, peint l’image topique, l’image habituelle que nous nous représentons de l’enfer. Du soufre tombe en pluie continue. Des montagnes détruites sont baignées d’obscurité. Des personnes endurent un supplice indicible.

      Dans cette zone, il indique la partie centrale et dessine une ellipse avec son index, la glace marque un fort contraste avec le feu sulfureux. Dans la conception de l’enfer en tant que lieu de supplice éternel, une superficie de glace abrite l’un des sites les plus épouvantables. Regardez ici comment ça se lézarde et le pauvre homme reste à la merci de l’eau froide.

      Dans la partie plus basse, on observe ce que l’art appelle l’enfer musical imputable à l’utilisation d’instruments de musique comme symboles de torture, très habituelle chez certains peintres mystiques. Tu vois cette cornemuse, là-bas le luth, là-bas la harpe, et ici la flûte, tu peux la voir ?

      Je lui demande si l’enfer ressemble vraiment à ça. À travers la fenêtre, je remarque que la nuit s’est déjà installée.

      Eh bien, me dit-il, le désespoir et le martyre sont sûrement bien représentés par l’auteur, et ici sur cette planche, par l’imitateur qui est, comme j’aime l’appeler, un interprète.

      Je lui demande comment il voit l’enfer d’après les écritures sacrées. Il ne me répond pas. Il semble sombrer dans une réflexion qui échappe au moment. Elle échappe aussi à mes doutes. Il se demande réellement à quoi ressemblera l’enfer.

      Le livre sacré montre l’enfer comme un lieu d’incandescence perpétuelle où les âmes seront jetées dans des lacs sulfureux. C’est ainsi que le peintre le capture au sommet de cette œuvre. En fait, le prophète le mentionne invariablement. Il insiste sur certaines prémisses telles que le feu qui ne s’éteint jamais, les lamentations et les grincements de dents, la punition éternelle.

      Il s’adresse à moi sans me regarder, comme s’il se parlait à lui-même.

      Pendant des siècles, le feu et la glace, c’est-à-dire la chaleur et le froid, ont été considérés comme les supplices les plus atroces au lieu du châtiment perpétuel. Un grand poète de l’antiquité décrit une partie de l’enfer sous la pluie de flammes habituelle, et un autre segment, celui des traîtres, entièrement recouvert de glace. Le démon, maître de cet espace de perdition, est incrusté jusqu’à la ceinture dans la surface gelée. Il pleure avec ses six yeux et agite ses six ailes en colère.

      J’imagine un abîme de glace. Hadès vivrait au paradis en comparaison. J’imagine une torture sans fin dans un engourdissement permanent. Mais maintenant mon corps ne tolère que la chaleur. Une ardeur intense continue au fur et à mesure que l’enseignement du Père Misael progresse. Elle m’oppresse autant que l’air chargé par sa présence


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