Mon Vicomte Pour Toujours. Dawn Brower
une petite visite à son bordel favori. Peut-être alors pourrait-il l’effacer de son esprit et de son cœur. Non. Rien de tout cela ne pourrait se réaliser. Elle le hanterait à jamais.
Estella luttait contre ses larmes. Elle voulait courir à sa suite et le supplier de lui accorder son pardon. Il était tout pour elle et elle désirait passer le reste de sa vie avec lui. Que son maudit beau-père et ses manières abominables aillent au diable. Pourquoi n’avait-il pu être cet homme bienveillant que sa mère avait cru qu’il était ? Bien plus important encore, pourquoi sa mère avait-elle dû mourir pour la laisser sous sa coupe ? N’aurait-elle pu trouver un meilleur gardien pour Estella ? Son cousin Ryan, le Marquis de Cinderbury aurait accepté de la recueillir. Ils avaient été proches, enfants. Mais non, sa mère s’était assurée que le Duc de Wolfton exerçât un total contrôle sur elle et son héritage. Elle ne pouvait rien faire sans sa permission.
— C’est mieux ainsi, lui assura Annalise. Vous pouvez faire bien mieux que le Vicomte de Warrick.
— Je ne veux personne d’autre.
Sa demi-sœur haussa les épaules.
— Nous n’obtenons pas toujours ce que nous désirons.
Estella aurait reniflé avec mépris si elles s’étaient trouvées à la maison. Dans la salle de bal, elle devait se comporter de manière aussi distinguée autant que possible. Annalise ne comprenait pas. Elle n’avait jamais été amoureuse, abandonnée, le cœur arraché de sa poitrine. La perte de Donovan resterait toujours vivace. L’effacer de son âme s’avérerait impossible, et en vérité, elle n’en éprouvait aucunement le désir. Il était l’amour de sa vie et elle mourrait avec cet amour au cœur.
— Je suis impatiente de vous voir trouver l’homme de vos rêves avec qui passer le reste de vos jours, lança Estella d’un ton cinglant. Puis de rire lorsque votre père fera tout ce qui sera en son pouvoir pour vous séparer de lui. Puis je me chargerai avec joie de vous rappeler cette très exacte déclaration.
— Je ne crois pas en l’amour, répondit son interlocutrice. Tout ce qu’il me faut, c’est quelqu’un qui me permettra de maintenir le style de vie auquel j’ai été accoutumée. J’engendrerai un morveux ou deux pour eux avant de me trouver un amant pour mon bon plaisir.
Qui était cette jeune femme ? Comment avaient-elles pu grandir dans la même maison pour devenir aussi différentes l’une de l’autre ? Elles avaient le même âge et vécu ensemble, ces cinq dernières années. La mère d’Estella était décédée trois ans après son mariage avec le duc. Annalise avait semblé plus gentille alors.
— Cela n’a aucune importance, répliqua Estella. Votre père m’a déjà dit que je ne séjournerai plus au Manoir de Wolfton dès ce soir. Demain, je serai exilée jusqu’à ce que le monde oublie mon existence. Ce qui est préférable à ce qu’il aurait prévu, de toute manière.
Elle n’épouserait pas un vieux débauché parce que le Duc l’avait ordonné. Il avait décrété qu’Estella épouserait le Comte de Dredfield ou serait exilée dans le petit village de Sheerness. Sa grand-mère était propriétaire d’un cottage là-bas et l’avait légué à Estella après sa mort. Elle n’entrerait pas en possession de son héritage avant trois ans et demi. Elle pouvait vivre là-bas dans l’attente et, si elle était assez chanceuse, Donovan ne serait pas encore marié à ce moment-là. Lorsqu’elle ne serait plus sous la coupe du Duc, elle pourrait le supplier de la reprendre. Jusque-là, elle se devait de rester dans le silence. Le Duc avait bien trop de pouvoir et était capable de tous deux les ruiner.
— Peut-être bien, rétorqua Annalise. Mais ne vous attendez pas à ce que ce soit terminé. Père n’aime pas perdre.
Non, il n’aimait pas cela. Estella priait intérieurement pour qu’il laisse les choses se faire. Au moins suffisamment longtemps pour qu’elle reprenne le contrôle de sa vie. Puis elle se trouverait dans une meilleure position pour s’opposer à lui. Une larme menaça de couler sur sa joue. Elle la cueillit avant que celle-ci ne la trahisse.
— Peut-être, dit-elle. Mais il m’a déjà vaincue de la pire manière possible. Cela devrait le combler de joie pour un moment. »
Dieu seul savait si elle en était loin… Donovan la haïssait à présent. Quelle chance avait-elle réellement de regagner son cœur ? Elle avait obtenu son amour et tout ce qu’elle avait à faire était de l’accepter. Il ne comprendrait jamais qu’elle l’avait repoussé pour le protéger. À sa place, elle ne lui pardonnerait probablement pas non plus. Elle aurait seulement à vivre sa vie et à espérer qu’avec le temps ses blessures cicatriseraient. Les siennes suppureraient et, peut-être qu’au terme d’un temps assez difficile devrait-elle faire le nécessaire pour eux deux.
C’était tout ce qu’elle pouvait faire... et elle le souhaitait. Elle était forte et capable. Aucun homme, surtout son diabolique beau-père, ne la maintiendrait à terre longtemps. Sa patience, résistance et intelligence la verraient patienter jusqu’au jour où elle le vaincrait comme le démon qu’il était.
CHAPITRE UN
Juin 1816
Donovan gémit en se tenant la tête. Qu’est-ce qui continuait de lui marteler le crâne comme pour s’y frayer un chemin ? Peut-être devrait-il se retourner afin de laisser la petite bête faire ce que bon lui semblait. Pour quelle raison devait-il vivre, de toute façon ? Sa vie ne valait pas grand-chose et il avait pratiquement abandonné l’idée de retrouver le bonheur un jour. Il passait l’essentiel de son temps à boire pour oublier. Il avait perdu tout espoir le jour où Estella lui avait brisé le cœur. Il se sentait complètement vide face à tout cela et ne voyait pas l’intérêt de s’en soucier.
Peut-être était-ce cela le problème. Il avait eu la main plutôt lourde en buvant pour oublier son passé — en fait, c’était toujours le cas. Il ne parvenait pas à se rappeler la dernière fois où il avait été sobre. En toute sincérité, il ne pouvait se rappeler la dernière fois où il avait fait l’effort de prendre un bain. Il devait sentir plutôt mauvais. Bon, pas comme s’il venait de quitter le lit d’une jolie femme un peu plus tôt. N’avait-il pas abandonné la vie ? Il serait bientôt mort d’une façon ou d’une autre.
« Qu’est-ce qu’on va faire de lui ? »
L’accent de l’inconnu laissait un léger doute quant à ses origines. Ce n’était pas du tout celui d’un noble. Probablement un docker… Où avait-il été se vautrer exactement ? Il devrait ouvrir les yeux pour le découvrir, mais il ne pouvait s’y résoudre. Sa tête le faisait assez souffrir comme cela.
« Le Capitaine saura quoi faire, renchérit une autre voix masculine.
Qu’était-ce ? Un club de dockers mal léchés ? Donovan désirait sincèrement réussir à se rappeler de ce qu’il avait fait la veille. Il soupçonnait que ces hommes puissent être autre chose que des dockers. D’après ce qu’il savait, il s’était écroulé dans les taudis de Londres. Dans tous les cas, il avait la chance d’être en vie. À bien y réfléchir… Pourquoi ne l’avaient-ils pas simplement tué ? Cela aurait eu plus de sens.
— On devrait lui régler son compte, proposa le premier homme qui avait parlé. Le Capitaine Estes nous en remerciera.
— Vous êtes fou ? rétorqua l’autre homme. Estes déteste quand on prend des décisions de notre chef. On ne recevra pas de remerciements ; nous verrons seulement nos vies perdues pour notre stupidité.
Bien, cela répondait à certaines questions. Ils l’auraient probablement assassiné d’eux-même. Qui était cet Estes ? Donovan n’était pas entièrement sûr de vouloir rencontrer ce grand homme... si l’on pouvait l’appeler ainsi. Il contrôlait certainement la situation d’une main de fer. Donovan en aurait bien ri, mais hélas, sa