Un drame au Labrador. Vinceslas-Eugène Dick

Un drame au Labrador - Vinceslas-Eugène Dick


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deux opérations terminées, les deux cousins crurent, cette fois, qu'il n'y avait plus qu'à laisser faire et prirent une posture aisée pour fumer une bonne «pipe» de tabac—histoire de tromper la faim canine qui les travaillait.

      Mais le petit sauvage, lui, songeait bien au repos, vraiment!

      Il furetait du regard autour de lui, ayant l'air de chercher quelque chose.

      Tout à coup, il partit comme un trait et disparut dans les broussailles.

      —Qu'est-ce qui le prend? se demanda Arthur, qui le suivait des yeux avec étonnement.

      Ce petit bonhomme l'intéressait décidément. Il lui trouvait de ces allures, à la fois farouches et gentilles, qu'ont les jeunes chats qui commencent à s'apprivoiser.

      Cependant le petit bonhomme revint bientôt, toujours courant. Il tenait à la main une large écorce, qu'il venait de détacher d'un bouleau et qu'il façonnait à l'aide de son poignard,—sans s'arrêter, du reste.

      En un tour de main, il eut fabriqué un de ces récipients que nos sucriers canadiens appellent cassots et qu'ils destinent à recueillir la sève de l'érable à sucre.

      Un ruisseau coulait non loin de là. Le cassot y fut empli et rapporté à bras tendus.

      Tout cela dans le temps de le dire.

      C'est alors que les Labarou eurent d'explication de l'utilité du bâtonnet fiché dans la terre recouvrant le jambon.

      De temps en temps, en effet, le petit sauvage avait le soin de retirer ce bâtonnet pour vider un peu d'eau dans le trou qu'il laissait.

      Et, chaque fois, un jet de vapeur montait à l'orifice:

      —Bravo, garçon!.... s'écriait Arthur, tout à fait enchanté de son protégé.

      Puis à Gaspard, toujours calme ut froid:

      —Quel luxe, cousin!... Une cuisine à vapeur dans les savanes du Labrador!

      —Tout cela prend bien du temps... murmurait ce dernier, une main sur l'estomac.

      Mais non!... Il se trompait, le cousin; car, en moins d'une demi-heure, le gigot fut retiré du trou et servi sur une belle écorce de bouleau.

      L'appétit aidant, sans doute, il fut trouvé mangeable par les Français, qui lui firent honneur.

      Quand au «sauvagillon», il en avait la figure toute irradiée.

      —Ah! mes amis, conclut Arthur en se levant de table, si, pendant la dernière quinzaine, ce jambon, au lieu de courir la savane, se fût tranquillement reposé dans une bonne saumure, il serait superbe!

      —Il ne lui manque, en effet, qu'une chose, appuya Gaspard: du sel.

      —Nous salerons ceux qui restent, aussitôt arrivés:—car nous les emportons, tu sais!....

      —Et la peau?

      —Moi porter la peau, dit l'enfant.

      —Non pas; c'est trop pesant pour toi, protesta Arthur. Je m'en charge. Vous deux, prenez chacun un gigot, et en route!... voici le soleil qui baisse.

      Avant de partir, toutefois, les jeunes Français voulurent donner une sépulture sommaire au vieux sauvage, qui gisait là, près d'eux.

      Mais l'enfant les gênait.

      Comment l'éloigner?

      Ce fut lui-même qui coupa court à l'hésitation de ses nouveaux amis, en allant droit au cadavre et en cherchant du regard un endroit où il pourrait l'enfouir.

      Dès lors, les autres mirent de côté leurs scrupules.

      Le corps fut transporté au pied d'un monticule de sable, qui se trouva d'aventure à un arpent de là, et que l'on égrena sur lui.

      Deux bâton» croisés, figurant tant bien que mal le signe de la Rédemption, furent dressés sur ce tumulus, que l'on recouvrit par mesure de précaution, de cailloux pesants....

      Puis, après avoir adressé mentalement une courte prière au Tout-Puissant à l'intention du pauvre Abénaki, qui attendrait là le jugement dernier, les trois jeunes gens, très impressionnés, se chargèrent des dépouille» de l'ours et quittèrent la savane, se dirigeant vers le fleuve.

      Inutile d'ajouter que le petit sauvage s'était emparé de l'attirail de chasse de son défunt père, et qu'il portait, lui aussi, outre sa nart de venaison, le fusil sur l'épaule....

      Sa démarche conquérante le disait assez!

      Songez donc.... Un fusil à lui!

      Le rêve je son adolescence réalisé!

      Il y avait bien de quoi rendre un peu fat, même un garçon d Quimper, au vieux pays.

      En moins de deux heures, on atteignit la plage.

      La barque, couchée sur le flanc, était à sec. Mais, comme la mer montait, il n'y avait pas lieu de maugréer contre cet élément.

      Toutefois les voyageurs, impatients de rentrer chez eux, ne voulurent pas attendre.

      Ils glissèrent sous la quille de leur embarcation des rouleaux de bois flotté, très abondant partout sur la grève, et réussirent en peu de temps à la remettre A flot.

      Puis les voiles furent livrées à une brise de «nordêt», qui soufflait ferme....

      Et vogue la galère vers Kécarpoui!

      Seulement la «galère», outre son équipage habituel des Français, avait, cette fois-ci, un passager bien inattendu; un descendant direct des aborigènes du golfe Saint-Laurent.

       Table des matières

       Table des matières

      Le petit sauvage, en effet, n'avait soulevé aucune objection quand on lui proposa de l'emmener.

      Loin de là, peu s'en fallut qu'il ne sautât au cou de son nouvel ami, Arthur en l'entendant lui dire, comme conclusion du dialogue échangé entre eux:

      —C'est entendu, mon petit homme: tu viens avec nous et, sauf empêchement imprévu mis par les bonnes gens de Kécarpoui, tu fais de ce jour partie de l'intéressante famille Labarou.

      Et il plaça sa main ouverte sur la tête de l'enfant, dont le regard intelligent le remerciait.

      Ce geste d'Arthur Labarou, c'était une adoption, une adoption sérieuse.

      L'avenir le prouva bien.

      Alors, ce fut une avalanche de questions, auxquelles le nouveau «frère» dut répondre le mieux possible,—ou plutôt le plus possible, car il n'était guère babillard, ce gamin de race rouge.

      Mais, comme le fils des Gaules avait de la langue pour deux, il finit par tirer au clair la biographie de son protégé.

      D'abord, il s'appelait Wapwi.

      Il était né de l'autre côté de la mer (le Golfe Saint-Laurent), dans un ouigouam construit sur les borda d'une grande baie qui mêlait ses eaux à celles du lac sans fin (l'Océan Atlantique).... par delà une autre baie bien plus étendue devant laquelle il fallait passer.... (la Haie de Miramichi, évidemment, qui se trouve plus loin que la Baie des Chaleurs, laquelle est dix fois plus considérable).

      Ses parents


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