Voyages dans la basse et la haute Egypte pendant les campagnes de Bonaparte en 1798 et 1799. Vivant Denon

Voyages dans la basse et la haute Egypte pendant les campagnes de Bonaparte en 1798 et 1799 - Vivant Denon


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atroce des Mekkyns.

      «Établi à Kénéh, j'accompagnai ceux qui traversèrent le désert pour aller à Kosséïr mettre une barrière à de nouvelles émigrations de l'Arabie. Je vis ce que l'on pourrait appeler la coupe de la chaîne du Moqatham, les bords stériles de la mer Rouge: j'appris à connaître, à révérer cet animal patient que la nature semble avoir placé dans cette région pour réparer l'erreur qu'elle a commise en créant un désert. Je revins à Kénéh, d'où je partis successivement pour retourner à Edfou, à Esné, à Hermontis, à Thèbes, à Dendérah; à Edfou, à Thèbes encore, toutes les fois qu'on envoyait un détachement, et partout où il était envoyé. Si l'amour de l'antiquité a fait souvent de moi un soldat, la complaisance des soldats pour mes recherches en a fait souvent des antiquaires. C'est dans ces derniers voyages que j'ai visité les tombeaux des rois; que j'ai pu prendre dans ces dépôts mystérieux une idée de l'art de la peinture chez les Égyptiens, de leurs armes, de leurs meubles, de leurs ustensiles, de leurs instruments de musique, de leurs cérémonies, de leurs triomphes; c'est dans ces derniers voyages que je suis parvenu à m'assurer que les hiéroglyphes sculptés sur les murailles n'étaient pas les seuls livres de ce peuple savant. Après avoir trouvé sur des bas-reliefs des personnages dans l'action d'écrire, j'ai trouvé encore ce rouleau de papyrus, ce manuscrit unique qui a déjà fait l'objet de votre curiosité; frêle rival des pyramides, précieux gage d'un climat conservateur, monument respecté par le temps, et que quarante siècles placent au rang du plus ancien de tous les livres.

      «C'est dans ces dernières excursions que j'ai cherché, par des rapprochements, à compléter cette volumineuse collection de tableaux hiéroglyphiques; c'est en pensant à vous, Citoyens, et à tous les Savants de l'Europe, que je me suis trouvé le courage de copier avec une scrupuleuse exactitude les détails minutieux de tableaux secs, dénués de sens, et qui ne devraient avoir pour moi de l'intérêt qu'avec le secours de vos lumières.

      «À mon retour, Citoyens, chargé de mes ouvrages, dont le poids s'était journellement augmenté, j'ai oublié la fatigue qu'ils m'avaient coûtée, dans la pensée qu'achevés sous vos yeux, et à l'aide de vos conseils, je pourrais quelque jour les utiliser pour ma patrie, et vous en faire un digne hommage.»

       Table des matières

      DANS

      LA BASSE ET LA HAUTE ÉGYPTE.

       Table des matières

      Introduction.--Départ de Paris, et de Toulon.--Arrivée devant Malte.

      J'avais toute ma vie désiré de faire le Voyage d'Égypte; mais le temps, qui use tout, avait usé aussi cette volonté. Lorsqu'il fut question de l'expédition qui devait nous rendre maîtres de cette contrée, la possibilité d'exécuter mon ancien projet en réveilla le désir; un mot du héros qui commandait l'expédition décida de mon départ; il me promit de me ramener avec lui; et je ne doutai pas de mon retour. Dès que j'eus assuré le sort de ceux dont l'existence dépendait de la mienne, tranquille sur le passé, j'appartins tout à l'avenir. Bien persuadé que l'homme qui veut constamment une chose acquiert dès lors la faculté de parvenir à son but, je ne songeai plus aux obstacles, ou du moins je sentis au-dedans de moi tout ce qu'il fallait pour les surmonter; mon coeur palpitait, sans qu'il me fût possible de me rendre compte si cette émotion était de la joie ou de la tristesse; j'allais errant, évitant tout le monde, m'agitant sans objet, sans prévoir ni rassembler rien de ce qui allait m'être si utile dans un pays si dénué de toutes ressources. Le brave et malheureux du Falga m'associa mon neveu. Combien je fus reconnaissant de ce bienfait! emmener un être aimable en m'éloignant de tout ce que j'aimais, c'était empêcher la chaîne de mes affections de se rompre, c'était conservé à mon âme l'exercice de sa sensibilité, c'était un acte qui caractérisait la délicatesse de ce brave et savant homme.

      Je m'étendrai peu sur mon voyage de Paris jusqu'au port désigné pour l'embarquement. Nous arrivâmes à Lyon sans sortir de voiture; là nous nous embarquâmes sur le Rhône jusqu'à Avignon. Je pensais, en voyant les belles rives de la Saône, les pittoresques bords du Rhône, que, sans jouir de ce qu'ils possèdent, les hommes vont chercher bien loin des aliments à leur insatiable curiosité. J'avais vu la Néva, j'avais vu le Tibre, j'allais chercher le Nil; et cependant je n'avais pas trouvé en Italie de plus belles antiquités qu'à Nîmes; Orange, Beaucaire, S.-Remi, et Aix. Je cite cette dernière ville, parce que nous y restâmes une heure, et que, je m'y baignai dans une chambre et dans une baignoire où, depuis le proconsul Sextus, on n'avait rien changé que le robinet.

      Nous perdîmes un jour à Marseille: nous en partîmes le 14 Mai 1798, pour Toulon; et, le 15, j'étais en mer sur la frégate la Junon, destinée avec deux autres frégates à éclairer la route, et former l'avant-garde.

      Le vent était contraire; la sortie fut difficile: nous abordâmes deux autres bâtiments; pronostic fâcheux: un Romain serait rentré; mais ce Romain aurait eu tort, car le hasard, qui nous sert presque toujours mieux, que nous ne nous servons nous-mêmes, en ne me laissant rien faire comme je voulais, en me conduisant aveuglément à tout ce que je voulais faire, me mit dès ce moment aux avant-postes, que je ne devais pas quitter de toute l'expédition.

      Le 16, nous ne fîmes que des bordées.

      Le 17, vers le soir, nous découvrîmes quatre voiles; elles manoeuvraient sous notre vent en ordre de bataille: on ordonna le branlebas; le branlebas! mot terrible dont on ne peut se faire idée, quand on n'a pas été en mer: silence, terreur, appareil de carnage, appareil de ses suites, plus funestes que le carnage même, tout est là sous les yeux réuni sur un même point; la manoeuvre et les canons sont les seuls objets de la sollicitude, et les hommes ne sont plus qu'accessoires; La nuit vint, et non pas la tranquillité; nous la passâmes à notre poste. Au jour, nous n'avions rien perdu de l'avantage des vents: nous ne pouvions juger si c'étaient des vaisseaux ou des frégates; ils étaient quatre, et nous trois; tous nos bas agrès étaient embarrassés de trains d'artillerie: dans l'après-midi la commandante nous ordonna de la suivre en ordre de bataille, et assura son pavillon d'un coup de canon: les bâtiments inconnus arborèrent pavillon espagnol. La nuit arrivait, on nous laissa coucher: à trois heures du matin on nous éveilla avec l'ordre de se préparer au combat.

      Je n'étais pas fâché de commencer une expédition par quelque chose de brillant; mais j'avais bien quelque peur d'échanger le Nil contre la Tamise. Nous n'étions plus qu'à une portée de canon, lorsque la commandante envoya un canot, qui après une heure, nous rapporta que nous avions également inquiété quatre frégates espagnoles, qui ne venaient pas plus que nous chercher l'ennemi.

      Le 20, à la pointe du jour, le vent passa au nord-ouest: la flotte et le convoi se mirent en mouvement, et à midi lamer en fut couverte. Quel spectacle imposant! jamais pompe nationale ne peut donner une plus grande idée de la splendeur de la France, de sa force, de ses moyens; et peut-on, sans la plus vive admiration, songer à la facilité, à la promptitude avec laquelle fut préparée cette grande et mémorable expédition! On vit accourir avec enthousiasme dans les ports des milliers d'individus de toutes les classes de la société. Presque tous ignoraient quelle était leur destination: ils quittaient femmes, enfants, amis, fortune, pour suivre Bonaparte, et par cela seul que Bonaparte devait les conduire.

      Le 21, l'Orient sortit enfin du port, et nous commençâmes à marcher par un bon vent; chaque bâtiment prit ses positions en ordre de marche. Nous nous mîmes en avant; ensuite venait le général avec ses avisos et les vaisseaux de ligne; le convoi suivait la côte entre les îles d'Hyères et du Levant: le soir, le vent fraîchit; le Franklin fut démâté de son hunier d'artimon; deux frégates de notre division furent envoyées pour avertir le convoi de Gênes qui devait nous joindre; et, le 23 au matin, nous nous trouvâmes par le travers de la Corse à la hauteur de St. Florent.

      Nous


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