Dictionnaire raisonné des onomatopées françaises. Charles Nodier

Dictionnaire raisonné des onomatopées françaises - Charles  Nodier


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       Table des matières

      On a desiré quelquefois un dictionnaire des Onomatopées françaises. On a cru que ce recueil serait utile à ceux qui étudient notre langue, et je souhaite que mon ouvrage ne trompe pas cette espérance.

      Il y a, sans doute, peu de mérite à ces sortes de compilations. Ce sont de ces travaux qui, suivant l'expression de Duverdier, exigent plus de zèle que de talent, et plus de patience que d'industrie. Mais c'est en cela même qu'ils sont dignes de quelque considération, quand ils atteignent leur but, puisqu'ils supposent à la fois du désintéressement et du courage. On connaît ces vers de Scaliger:

      Si quem dura manet sententia judicis olim,

       Damnatum ærumnis suppliciisque caput:

       Hunc neque fabrili lassent ergastula massa,

       Nec rigidas vexent fossa metalla manus.

       Lexica contextat: nam, cætera quid moror? Omnes

       Pœnarum facies hic labor unus habet.

      «L'Onomatopée, dit Dumarsais, est une figure par laquelle un mot imite le son naturel de ce qu'il signifie. On réduit sous cette figure les mots formés par imitation du son, comme le glouglou de la bouteille: le cliquetis, c'est-à-dire le bruit que font les boucliers, les épées, et autres armes en se choquant: le tric trac qu'on appelait autrefois tic tac, sorte de jeu assez commun, ainsi nommé du bruit que font les dames et les dez dont on se sert à ce jeu: tinnitus acris, tintement, c'est le son clair et aigu des métaux: bilbire, bilbit amphora, la petite bouteille qui fait glouglou, on le dit d'une petite bouteille dont le goulot est étroit: taratantara, c'est le bruit de la trompette,

      At tuba terribili sonitu taratantara dixit.

      »C'est un ancien vers d'Ennius au rapport de Servius. Virgile en a changé le dernier hémistiche qu'il n'a pas trouvé assez digne de la poésie épique; voyez Servius sur ce vers de Virgile:

      At tuba terribilem sonitum procul ære canoro

       Increpuit.

      »Cachinnus, c'est un rire immodéré. Cachinno, onis, se dit d'un homme qui rit sans retenue. Ces deux mots sont formés du son ou du bruit que l'on entend, quand quelqu'un rit avec éclat.

      »Il y a aussi plusieurs mots qui expriment le cri des animaux, comme bêler, qui se dit des brebis.

      »Baubari, aboyer, se dit des gros chiens. Latrare, aboyer, hurler, c'est le mot générique. Mutire, parler entre les dents, murmurer, gronder comme les chiens. Les noms de plusieurs animaux sont tirés de leurs cris, sur-tout dans les langues originales.

      »Upupa, huppe, hibou.

      »Cuculus, qu'on prononçait coucoulous, un coucou, oiseau.

      »Hirundo, une hirondelle.

      »Hulula, une chouette.

      »Bubo, un hibou.

      »Gracculus, un choucas, espèce de corneille.

      »Gallina, une poule»...

      »Le nom de cette figure est composé de deux mots grecs, onoma, nomen, et poïo, fingo. Nominis seu vocabuli fictio.»

      Il paraîtra, peut-être, étonnant qu'on ne puisse citer sur l'Onomatopée que cette notice imparfaite, et à-peu-près insignifiante. Elle n'a été traitée qu'en passant par Dumarsais, parce que les détails auxquels elle aurait pu le conduire étaient étrangers au plan et à la marche de son ouvrage. Ici même, il serait hors de propos d'épuiser cette matière, et de rassembler les raisonnemens qui attestent que les langues n'ont pas eu d'autre type, et n'ont pas suivi dans leur formation d'autre mode que cette figure. En attendant que je puisse offrir au public le résultat des études dont cette question a été pour moi l'objet, je dois me borner à des applications purement classiques; et si j'y attache cependant quelques considérations élémentaires qui feront pressentir mon systême, c'est que j'ai cru qu'il étoit nécessaire à la tête d'un recueil d'Onomatopées, de donner de l'Onomatopée une idée plus distincte et plus précise que celles qu'on puiserait dans les vagues définitions des rhéteurs.

      La parole est le signe de la pensée,

       L'écriture est le signe de la parole.

      Pour faire passer une sensation dans l'esprit des autres, on a dû représenter l'objet qui la produisait par son bruit ou par sa figure.

      Les noms des choses, parlés, ont donc été l'imitation de leurs sons, et les noms des choses, écrits, l'imitation de leurs formes.

      L'Onomatopée est donc le type des langues prononcées, et l'hieroglyphe, le type des langues écrites.

      Les êtres qui n'ont pas des formes propres et des bruits particuliers n'ont été dénommés que par analogie, soit dans le langage, soit dans l'écriture.

      Les abstractions morales qui sont plus ou moins postérieures à l'établissement des premières sociétés, du moins en très-grande partie, ont dû être dénommées, conformément à la même règle.

      Les premiers rapports des choses sensibles et des choses intellectuelles, tels qu'ils ont été saisis par des sens neufs, ayant échappé à nos organes, à travers la succession des temps, ne peuvent être que difficilement retrouvés. Les motifs qui ont déterminé la désignation de ces idées, étant assez généralement perdus, il restera dans les langues une partie qu'on peut appeler la langue abstraite, et dont l'origine ne se démontrera que par une longue suite d'analyses et de comparaisons.

      L'autre partie s'expliquera d'elle-même. La nature se nomme.

      On aurait tort de conclure, cependant, que suivant les principes que j'émets, tous les hommes dussent parler la même langue, ou que toutes les langues du moins, dussent rapporter leurs termes aux mêmes racines; car, non-seulement, les objets physiques ne nous apparaissent pas à tous sous les mêmes rapports, en raison de la variété de notre organisation; mais encore il n'en est aucun qui ne puisse nous apparaître sous un grand nombre de rapports différens, parmi lesquels notre choix s'est fixé quand il s'est agi de déterminer des signes. Il n'est donc pas surprenant que dans des temps postérieurs à la création d'une langue première, et après de grandes révolutions du globe qui ont dispersé les hommes et effacé les traditions, on en soit venu à reconstruire de nouvelles langues, formées sur des racines nouvelles; mais le procédé aura été le même, l'analyse de ces langues n'exigera que le même genre d'études, et on remontera par elles, comme par les langues antérieurement parlées, aux racines naturelles, seule et véritable source de tout idiome.

      Il en sera de même des mots à sens abstrait ou figuré, car l'esprit ne fait pas par-tout les mêmes comparaisons et ne saisit pas toujours les mêmes analogies. Tel aperçoit entre deux objets une relation qui n'y sera point pour les autres, ou qui ne se révélera à leur esprit qu'au moyen d'une série d'observations moins rapides.

      Ces modifications dans la nature des sons dont se composent les langues, dépendent de toutes sortes d'influences dont il serait trop long d'examiner l'effet; mais celle des climats s'y fait sur-tout reconnaître. Dans le vocabulaire des pays chauds, tous les mots sont vocaux et fluides. Le grec a une emphase majestueuse, comme le bruit des flots du Pénée. L'italien roule dans ses syllabes sonores, le murmure des cascatelles et le frémissement des oliviers. Dans celui des pays


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