Dictionnaire raisonné des onomatopées françaises. Charles Nodier

Dictionnaire raisonné des onomatopées françaises - Charles  Nodier


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d'Angola, qui disent TaauT, TheuT, ThoT, ToT;

      L'Africain du Congo dit TaT;

      Le Cimraëc, le Celtique, l'Armorique, le Bas-Breton, le Gallois, le Cantabre disent TaaT, TaaD, TaD, TaTh, Taz, aiTa;

      L'Irlandais, naThair;

      Le Gothique, aTTa;

      L'Epirote, aTTi;

      Le Frison, haiTe;

      Le Valaque, TaTul;

      L'Esclavon, le Russe, le Polonais, le Bohémien, le Dalmate, le Croate, le Vandale, le Bulgare, le Servite, le Carnique, le Lusacien, et autres dérivés de l'ancien Illyrien et de l'ancien Sarmate: oTTsc, oTsche, oTshe, ou par corruption, oièze, woTzo, wschzi, oTzki, wosche;

      Le Sauvage de la Nouvelle Zemble, oTcze;

      Le Lapon, aTTi;

      Le Livonien, le Curlandais, le Prussien, le Lithuanien, le Mecklenbourgeois: TaBas, Tewes, Tews, Thawe, Tewe;

      Le Hongrois, aTyank, aTya;

      Les Sauvages du Canada, aisTan, ayTan, ouTa, aDatti;

      Le Huron, aihTaha;

      Le Groënlandais, aTTaTa;

      Le Mexicain, TaThli;

      Le Brasilien, TuBa;

      Le Sybérien, aTaï;

      Le Russe, oTeTze, etc.

      Je ne serais même point étonné qu'on m'alléguât que la lettre dentale de l'une et de l'autre touche paraît déjà d'un artifice un peu difficile pour ces premiers essais de la parole, et que l'expérience prouve d'ailleurs que les enfans ne l'employent point successivement, mais simultanément avec les lettres labiales. Il sera aisé de répondre à cette objection, en rappelant simplement que l'articulation de cette lettre nous est apprise, en quelque sorte, dès le premier jour de la vie, puisque la succion du sein de la mère se fait nécessairement avec un petit claquement de la langue contre la partie la plus extérieure du palais, à l'origine des dents, ou plutôt vers la place qu'elles doivent occuper, et que ce bruit ne peut être représenté que par la lettre dentale douce ou forte. Aussi, voit-on que le son thet ou theta, représenté chez les Grecs par une lettre qui a la forme de la mamelle avec son mamelon, est, dans toute les langues connues, le type ou la racine des signes servant à exprimer les idées qui ont rapport à l'action de teter, comme de ceux qui désignent les premières relations de parenté.

      Veut-on s'assurer de l'affinité de la langue puérile et de la langue primitive dans leurs progrès? Que l'on consulte les vocabulaires recueillis par les voyageurs et les missionnaires chez les peuples incivilisés, on verra que presque tous leurs mots sont composés de voyelles et de consonnes des premières touches.

      C'est encore guidé par le même principe d'imitation et d'analogie, que l'homme a composé un grand nombre de mots, d'après l'affinité de nature qu'il a cru apercevoir entre le son de certaines lettres et l'esprit de certaines idées. La lettre h, par exemple, voyelle indéterminée, ou plutôt signe particulier d'aspiration, qu'on attache quelquefois aux voyelles, fut propre à exprimer imitativement tous les accidens de la respiration humaine; mais en la considérant sous le rapport de son esprit, et en prenant égard à la manière dont elle est formée, qui a quelque chose d'un empressement avide, d'une rapacité impatiente, on la consacra à représenter les idées qui ont rapport à l'action de saisir ou de dérober. La palatale roulante R peignait à l'oreille un bruit méchanique engendré par le mouvement circulaire des corps; et comme on ne peut faire rendre ce son à la touche, par un mouvement simple et indécomposable de la langue, mais seulement par un frôlement rapide et prolongé de cet instrument, il est devenu le caractère de tous les signes par lesquels on avait à rendre l'idée de continuité, de répétition, de renouvellement; et cela s'est opéré d'une manière si naturelle, qu'il est commun dans les langues de le voir unir capricieusement et sans règles à toutes les espèces de mots dans lesquels on a besoin d'indiquer la réproduction ou la multiplicité d'action, et que le peuple l'employe tous les jours arbitrairement à cet usage.

      «On peut remarquer, dit M. de Châteaubriand sur ce sujet, que la première voyelle de l'alphabet se trouve dans presque tous les mots qui peignent les scènes de la campagne, comme dans charrue, vache, cheval, labourage, vallée, montagne, arbre, pâturage, laitage, etc.; et dans les épithètes qui ordinairement accompagnent ces noms, tels que pesante, champêtre, laborieux, grasse, agreste, frais, délectable, etc. Cette observation tombe avec la même justesse sur tous les idiomes connus. La lettre a ayant été découverte la première, comme étant la première émission naturelle de la voix, les hommes, alors pasteurs, l'ont employée dans tous les mots qui composaient le simple dictionnaire de leur vie. L'égalité de leurs mœurs et le peu de variété de leurs idées, nécessairement teintes des images des champs, devaient aussi rapeler le retour des mêmes sons dans le langage. Le son de l'a convient au calme d'un cœur champêtre et à la paix des tableaux rustiques. L'accent d'une ame passionnée est aigu, sifflant, précipité; l'a est trop long pour elle: il faut une bouche pastorale qui puisse prendre le temps de le prononcer avec lenteur. Mais toutefois il entre fort bien encore dans les plaintes, dans les larmes amoureuses, et dans les naïfs hélas d'un chévrier. Enfin, la nature fait entendre cette lettre rurale dans ses bruits, et une oreille attentive peut la reconnaître diversement accentuée, dans les murmures de certains ombrages, comme dans celui du tremble et du lière, dans la première voix ou la finale du bêlement des troupeaux, et la nuit dans les aboiemens du chien rustique.»

      L'Onomatopée est d'un grand secours aux poëtes, puisqu'elle est comme l'ame de l'harmonie pittoresque et de la poésie imitative.

      Quels qu'ils soient, aux objets conformez votre ton.

       Ainsi que par les mots exprimez par le son.

       Peignez en vers légers l'amant léger de Flore.

       Qu'un doux ruisseau murmure en vers plus doux encore.

       Entend-on d'un torrent les ondes bouillonner?

       Le vers tumultueux en roulant doit tonner,

       Que d'un pas lent et sourd le bœuf fende la plaine,

       Chaque syllabe pèse, et chaque mot se traîne.

       Mais si le daim léger bondit, vole et fend l'air,

       Le vers vole et le suit aussi prompt que l'éclair,

       Ainsi de votre chant la marche cadencée

       Imite l'action et note la pensée.

      On voit qu'indépendamment des Onomatopées nombreuses qu'a employées le poëte, il a trouvé un autre moyen d'harmonie dans le concours heureux de certains mots choisis, qui sans être imitatifs par eux-mêmes, produisent cependant une imitation parfaite.

      Que d'un pas lent et lourd le bœuf fende la plaine.

      Ce vers, par exemple, est composé de monosyllabes durs et heurtés qui représentent très-bien la marche du bœuf, et qui la notent exactement à l'oreille.

      Tout le monde se rappelle cet admirable passage de Boileau, dans le poëme du Lutrin:

      Ses ais demi pourris que l'âge a relâchés

       Sont à coup de maillet unis et rapprochés.

       Sous les coups redoublés tous les bancs retentissent;

       Les murs en sont émus, les voûtes en mugissent,

       Et l'orgue même en pousse un long gémissement.

       Que fais-tu, chantre, hélas! dans ce triste moment?

       Tu dors d'un profond somme.


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