«L'ouvrage auquel on a le plus réfléchi doit être honoré par le nom de l'ami qu'on a le plus respecté...» Permettez-moi, mon cher Maître, d'emprunter cette phrase à la dédicace de votre livre De l'Intelligence, pour vous offrir celle de mes études qui, me semble-t-il, s'éloigne le moins de mon rêve d'art:—un roman d'analyse exécuté avec les données actuelles de la science de l'esprit. Certes, la différence est grande entre votre vaste traité de psychologie et cette simple planche d'anatomie morale, quelque conscience que j'aie mise à en graver le minutieux détail. Mais le sentiment de vénération qu'exprime votre dédicace à l'égard du noble et infortuné Franz Wœpke n'était pas supérieur à celui dont vous apporte aujourd'hui un faible témoignage votre fidèle
uand j'étais enfant, je me confessais. Combien j'ai souhaité de fois être encore celui qui entrait dans la chapelle vers les cinq heures du soir, cette vide et froide chapelle du collège avec ses murs crépis à la chaux, avec ses bancs numérotés, son maigre harmonium, sa criarde Sainte Famille, sa voûte peinte en bleu et semée d'étoiles. Un maître nous amenait, dix par dix. Quand arrivait mon tour de m'agenouiller dans l'une des deux cases réservées aux pénitents sur chaque côté de l'étroite guérite en bois, mon cœur battait à se rompre. J'entendais, sans bien distinguer les paroles, la voix de l'aumônier en train de questionner le camarade à la confession duquel succèderait la mienne. Ce chuchotement me poignait, comme aussi le demi-jour et le silence de la chapelle. Ces sensations, jointes à la honte de mes péchés à dire, me rendaient presque insupportable le bruit de la planchette que tirait le prêtre. À travers la grille, je voyais son regard aigu, son profil si arrêté, quoique le visage fût gras et congestionné. Quelle minute d'angoisse à en mourir, mais aussi quelle douceur ensuite! Quelle impression de suprême liberté, d'intime allégeance, de faute effacée, et comme d'une belle page blanche offerte