La lutte pour la santé: essai de pathologie générale. Charles Burlureaux

La lutte pour la santé: essai de pathologie générale - Charles Burlureaux


Скачать книгу
même organe, chez l'enfant qu'elle porte en son sein.

      Ce que l'on sait encore, c'est que les émotions de la mère, pendant la grossesse, peuvent avoir un retentissement sur la qualité du produit. Et de là dérive le devoir strict, pour la société, de protéger la femme enceinte. Quelques philanthropes l'ont bien compris; mais cette notion n'a pas assez pénétré dans nos moeurs, et l'on peut dire que c'est un scandale, pour une nation civilisée, de voir le peu qui est fait pour assister la femme enceinte, pour lui épargner les soucis de l'avenir prochain et les fatigues des derniers jours de la gestation.

      Un mot, enfin, sur les enfants nés avant terme. S'ils naissent avant terme par le fait de la «maladie» des générateurs, de la syphilis par exemple, leur valeur biologique est sensiblement réduite, et peut même être réduite à zéro. Mais s'ils naissent avant terme accidentellement, par exemple à la suite d'une chute de leur mère, ou d'une intervention obstétricale raisonnée, leur sort est beaucoup moins compromis qu'on ne le croit dans le public non médical. Le tout est de leur assurer une température qui se rapproche de celle qu'ils avaient dans le sein maternel.

      Pour ce faire, les inventeurs ont multiplié les modèles de couveuses artificielles. Ces appareils, certes, peuvent rendre des services; mais il ne faut pas oublier qu'on peut très bien s'en passer, en préservant l'enfant du froid, ce qui s'obtient: 1° en chauffant convenablement sa chambre, et en l'entourant de boules d'eau chaude; et 2° en sachant l'alimenter dès sa naissance. Ce second problème est difficile; pour le résoudre, il faut se rappeler une grande loi que nous retrouverons plusieurs fois dans le cours de cette étude, et qui consiste à proportionner la valeur nutritive de l'aliment, et le nombre de prises alimentaires, à la puissance de l'estomac. Chez l'enfant né avant terme, on donnera donc, toutes les demi-heures, une cuillerée à café de lait, coupé de 2/3 d'eau bouillie sucrée.

      L'enfant va naître; quel préjudice lui cause l'accouchement au forceps? Nous ne pouvons pas nous défendre de redouter, pour notre part, la compression colossale qu'impose l'application du forceps à la masse cérébrale de l'enfant. Mais l'étude approfondie de cette question, qui aurait pourtant de quoi intéresser les neurologistes, n'a pas encore été faite, à notre connaissance du moins, d'une façon suffisante. En tout cas, on est en droit de considérer comme coupable une intervention au forceps faite pour gagner du temps, ou pour faire valoir l'importance des soins obstétricaux.

      CHAPITRE V

      LES INFLUENCES MORBIGÈNES ET LES SYMPTOMES MORBIDES

      L'enfant est né; il vaut ce qu'il vaut. Personne ne le sait, sauf dans les cas extrêmes où il vient au monde avec des apparences tellement misérables que, dès son premier vagissement, son infériorité saute aux yeux; c'est ce qui arrive chez les hérédo-syphilitiques, et rien n'est aussi navrant que l'apparition du petit monstre aux lieu et place d'un enfant bien vivant, attendu avec une légitime impatience. Il faut avoir assisté à ce spectacle pour en comprendre la poignante horreur. Tout le monde, sauf la mère, s'accorde alors à penser qu'il vaudrait mieux que l'enfant ne fût pas né. Mais, en dehors de ces cas, il est impossible de savoir le capital de vie que l'enfant apporte avec lui; c'est son secret, qu'il gardera pendant toute la durée de son existence, mais que le médecin parviendra cependant à deviner en partie, s'il sait fouiller l'hérédité de son malade et s'inspirer des quelques principes que nous avons esquissés à grands traits dans le chapitre précédent.

      L'enfant est né: toute sa vie, désormais, va être une «lutte pour la santé», une suite d'efforts, volontaires ou instinctifs, pour défendre son capital naturel de santé contre les «influences morbigènes» qui vont le guetter à chaque pas.

      Ces influences morbigènes, que l'être vivant va rencontrer sur sa route, depuis le jour de sa naissance jusqu'à la fin de sa carrière, nous allons tout de suite les esquisser à grands traits.

      Au début, nous avions assimilé, pour les besoins de la théorie, l'être humain à un projectile lancé dans l'espace avec une vitesse initiale déterminée; mais, tandis que le projectile parcourt une courbe mathématique, qu'on appelle une parabole, la courbe évolutive de l'être humain est une courbe irrégulière qui fléchit chaque fois qu'une influence morbigène survient, puis remonte pour osciller de nouveau, puis fléchir définitivement à partir d'un certain moment de la vie que nous appellerons le début de la période de déclin, et toujours avec des oscillations à amplitude de moins en moins considérable, jusqu'au moment où toutes les réserves se trouvent épuisées.

      La mort peut encore interrompre brusquement la courbe évolutive; c'est ce qui arrive quand la brèche faite au capital est irréparable, soit à cause de l'importance de l'assaut perturbateur, soit à cause de l'insuffisance des réserves, ou bien quand ces deux influences se combinent; et le nombre de leurs combinaisons est incalculable.

      La variété des causes morbigènes est elle-même infinie; mais la nature n'a qu'un nombre limité de moyens pour exprimer ses plaintes, de sorte que les causes les plus variées peuvent se traduire par les mêmes symptômes. Aussi accordons-nous relativement peu de valeur à l'étude du symptôme. Les symptômes s'associent de mille et une façons, pour constituer autant déformes morbides différentes. Que dis-je? Il n'est pas deux malades qui se ressemblent, Ce n'est que pour la facilité de l'étude que les pathologistes ont créé des cadres posologiques; mais on comprend assez que ces cadres devraient être aussi élastiques que possible. Le vrai médecin, après s'en être servi pour faire d'excellentes études, ne craindra pas, dans la pratique, d'en faire abstraction, de penser et d'agir comme si les cadres n'existaient pas. Et un moment viendra même, quand son expérience clinique sera suffisante, où il aura tout intérêt à faire table rase des notions qu'il a péniblement accumulées par un travail assidu et prolongé; tout comme l'architecte, qui, une fois la construction terminée, fait enlever les énormes échafaudages qui avaient été nécessaires à la construction de l'édifice.

      Certes, l'étude approfondie des symptômes morbides est indispensable au clinicien, et l'on ne saurait apporter trop de soins à connaître, dans tous leurs détails, les divers troubles de la santé. Mais il y a un écueil: c'est que, la théorie du moindre effort s'appliquant naturellement à l'esprit humain, on a une tendance involontaire à attribuer aux symptômes une influence pathologique qu'ils n'ont pas; en d'autres termes, ce qui n'est en réalité qu'une manifestation morbide devient, trop aisément, dans l'esprit du médecin, la cause de la «maladie».

      Prenons comme exemple la constipation: ce n'est en réalité qu'un symptôme, et qui peut se trouver chez une foule de malades différents. Nous ne parlons pas, bien entendu, de ceux chez qui elle est d'origine mécanique (cancer du rectum, de l'iliaque, etc.). Un mot cependant, en passant, pour dire que le médecin a le tort de ne pas assez penser à ces causes mécaniques, et de traiter par des moyens médicaux des malades dont une intervention chirurgicale aurait pu prolonger la vie ou atténuer les souffrances.

      Mais chez les malades qui ne sont pas tributaires de la chirurgie, n'est-il pas vrai que la constipation est un symptôme banal, pouvant être attribué à une foule de causes? Parfois, elle est due à des lésions d'organes lointains, par un mécanisme réflexe à long circuit, suivant l'ingénieuse expression de M. Mathieu (appendicite chronique, lésions utérines, etc.). D'autres fois, et plus souvent encore, elle est due à un trouble profond du système nerveux, qui, avant l'apparition de la constipation, avait traduit son malaise par des plaintes variées. D'autres fois, elle apparaît brusquement, en même temps que l'entéro-colite sa compagne, à la suite d'un choc brutal, moral ou traumatique.

      De plus, tout le monde sait qu'elle peut être due tantôt à un manque, tantôt à un excès d'exercice musculaire. Les hommes qui ont besoin de beaucoup d'exercice, s'ils n'en ont pas assez, deviennent, suivant les prédispositions héréditaires, ou des cérébraux, ou des goutteux, ou des lithiasiques, mais toujours des constipés: et leur constipation disparaît a partir du jour où l'on a trouvé le dosage précis de l'exercice qui leur convient. Inversement, les hommes qui prennent trop d'exercice deviennent dyspeptiques et constipés, et le lit est leur meilleur laxatif.

      Enfin la constipation peut


Скачать книгу